59 ans d’indépendance : Le Bénin à la croisée des chemins

Arnaud DOUMANHOUN 31 juillet 2019

Vive la liberté ! 59 ans après son accession à la souveraineté internationale, le Bénin se prépare à commémorer cet évènement historique, qui l’inscrit depuis 1960 au rang des Etats indépendants. Demain 1er août 2019, aura lieu le traditionnel défilé militaire sur le boulevard des armées à Cotonou. Patrice Talon, les membres de son gouvernement, de l’Assemblée nationale et autres institutions de la République, le corps diplomatique accrédité au Bénin, délecteront le charme des forces de sécurité et de défense.
Diverses activités socioculturelles et sportives vont également nourrir cette célébration sur l’ensemble du territoire national. Moment de fierté nationale, mais aussi de réflexion sur la marche du pays vers le progrès depuis ce vent des indépendances qui a soufflé sur nombre de pays africains.
59 ans après, le bel héritage du Bénin demeure à ce jour sa stabilité politique, une référence continentale. Au plan socioéconomique, les différents régimes qui se sont succédé depuis l’avènement du renouveau démocratique ont chacun, en ce qui les concerne, apporté leur pierre à la construction de l’édifice face à une démographie croissante, et un peuple de plus en plus exigent. Le Nouveau départ du président Talon tient aujourd’hui le flambeau et porte l’espoir de plus de 10 millions d’âmes. Vivement que ces 59 ans ouvrent les véritables portes d’une prospérité partagée.

Tout sur l’histoire politique du Bénin

Aux origines, la terre de l’actuel Bénin était occupée par plusieurs royaumes. Les plus en vue s’appelaient Danhomé (Abomey), Xogbonou (Porto-Novo), Allada, Nikki, Kouandé, Kandi… .

Les premiers souverains d’Abomey et de Porto-Novo sont issus de la migration Adja-Fon, venue du Togo voisin (Tado). Les autres peuples proviennent de l’actuel Nigéria, Niger ou Burkina-Faso. Ainsi, le pays était jadis un foyer de civilisations anciennes et brillantes, bâties autour de ces royaumes : des cités-États.
Ces entités politiques, bien structurées, étaient pourvues de centres urbains fonctionnels. Elles avaient développé un commerce local, basé dès le XVIIe siècle sur la traite des esclaves, puis sur celle du palmier à huile après l’abolition du commerce négrier en 1807.
Cette économie de traite a favorisé l’installation, le long de la côte (surnommée « Côte des esclaves »), de comptoirs commerciaux contrôlés par les Anglais, les Danois, les Portugais et quelques Français. En 1704, la France est autorisée à construire un port à Ouidah tandis qu’en 1752, les Portugais découvraient Porto-Novo.
En 1863, le premier protectorat français est établi avec le roi Toffa de Porto-Novo qui recherche de l’aide face aux prétentions du roi d’Abomey et attaques des Anglais implantés à Lagos. La même année, Glèlè, roi d’Abomey, autorise les Français à s’établir à Cotonou. En 1882, le souverain du royaume de Porto-Novo signe un nouvel accord de protectorat avec la France qui envoie un « résident français » chargé d’assister le roi.
En 1894, les Français, vainqueurs des rois locaux, ont créé la colonie du Dahomey et dépendances. Le territoire prend le nom du royaume le plus prépondérant et le plus résistant à l’occupation étrangère : Danhomé avec son légendaire roi Béhanzin.
Proclamé République le 4 décembre 1958, le Bénin a accédé à la souveraineté internationale le 1er août 1960, sous le nom du Dahomey. Le pays est connu pour « l’exemplarité » de son processus démocratique entamé en février 1990, suite à la Conférence nationale des forces vives. Depuis lors, plusieurs élections présidentielles, législatives et locales ont sanctionné la dévolution du pouvoir politique. En quinze ans, le libéralisme politique a généré trois alternances au faîte de l’État.

Il a connu véritablement deux vagues de démocratisation, couronnées d’élections dont sont issus les gouvernants. La première remonte à l’aube de l’indépendance avec les élections générales de décembre 1960. Cette période reste marquée par l’inachèvement du mandat du président de la République, balayé par un coup d’État militaire en 1963. En outre, la vie politique souffrait du monolithisme, car très rapidement le nouveau président a inspiré la fusion des partis politiques en un seul officiel : le Parti Dahoméen de l’Unité (PDU). La deuxième vague de démocratisation est en cours depuis février 1990. Sa spécificité est qu’elle s’inscrit dans la durée et permet une stabilité des institutions démocratiques.
Plus globalement, l’histoire politique contemporaine du pays peut être séquencée en trois temps majeurs : le temps de l’instabilité politique, le temps militaro-marxiste, et le temps du Renouveau démocratique.
Le temps de l’instabilité politique marqua les douze premières années de l’indépendance. Une série de coups d’État se suivaient jusqu’en 1970, valant au pays le nom « d’enfant malade de l’Afrique ». L’acte fondateur de cette instabilité est le putsch du colonel Christophe Soglo qui renversa le 28 octobre 1963 Hubert MAGA, le père de l’indépendance, démocratiquement élu.

En effet, avec la nouvelle Constitution adoptée en novembre 1960, les élections générales, tenues le 11 décembre suivant, ont consacré le maintien d’Hubert Maga au pouvoir. Mais profitant des troubles sociaux dans le pays, l’armée prit le pouvoir en 1963. Trois mois après, la gestion du pays fut confiée à un gouvernement civil.
Sourou Migan Apithy devint président de la République et Justin Ahomadégbé son Premier Ministre et vice-président. Une nouvelle Constitution fut adoptée par référendum le 5 janvier 1964. Mais ces deux dirigeants du gouvernement n’arrivaient pas à accorder leurs violons. Le 1er décembre 1965, l’armée les força à démissionner. Pour autant, les civils conservaient le pouvoir. Il échut au président de l’Assemblée nationale, Taïrou Congacou. Peu satisfait de sa gouvernance, Christophe Soglo, devenu général, propulsa à nouveau l’armée au-devant de la scène.
Le 22 décembre 1965, il se proclama président de la République de facto. Il fut renversé à son tour par les jeunes officiers militaires le 17 décembre 1967. Le Commandant Maurice Kouandété, cerveau du coup d’État, confia trois jours après les destinées du pays au chef de l’Armée, le lieutenant-colonel Alphonse Alley.
En mai 1968, des élections présidentielles sont organisées par les officiers afin de remettre à nouveau le sceptre du Dahomey à une autorité civile. Cependant, les trois leaders politiques traditionnels du pays qu’étaient Hubert Maga, Sourou Migan Apithy et Justin Ahomadégbé ne sont pas autorisés à se présenter. Ils appelaient alors au boycott de ces élections.

En leur absence, un inconnu fut porté par le peuple. Seulement, le candidat élu, le docteur Basile Adjou Moumouni donnait du grain à moudre aux militaires. Fonctionnaire international de l’Organisation mondiale de la Santé en poste à Brazzaville, le chef de l’État élu n’était pas du sérail politique et ne rassurait pas les militaires. Ces derniers nourrissaient certainement des inquiétudes quant au maintien de leurs privilèges.
Ce faisant, les militaires prétextaient de la faible participation pour annuler le résultat de ces élections. Dans la foulée, face aux pressions, le 17 juillet 1968, ils installèrent un civil de rechange à la Présidence : Émile Derlin Zinsou.
Le nouveau chef de l’État, ancien élu à l’Assemblée de l’Union française, était en réalité le quatrième ténor politique du pays. Habitué de la vie politique dahoméenne, il faisait le consensus au sein du Comité Militaire Révolutionnaire (CMR).
Les vieux démons habitant toujours l’Armée, elle s’invitait à nouveau sous les feux de la rampe. Le colonel Maurice Kouandété éjecta Emile Zinsou du pouvoir le 12 décembre 1969. Comme à son habitude, il ne dirigea pas le pays. Il en confia la gestion à un autre officier, le lieutenant-colonel Paul Emile de Souza. Les militaires s’engagèrent en mai 1970 à quitter la tête de l’Exécutif. Pour conjurer le sort de l’instabilité, une nouvelle formule fut trouvée : une présidence tournante fut instaurée. Elle consistait en la formation d’un gouvernement dirigé à tour de rôle par les trois principaux acteurs politiques civils : Maga, Apithy et Ahomadégbé.
Les trois leaders politiques du pays, solidement ancrés électoralement à une région, devraient se succéder à la magistrature suprême tous les deux ans. À la fin du mandat d’Hubert Maga en mai 1972, Justin Ahomadégbé prit le relais. Mais la formule ne fit pas longtemps recette. Le 26 octobre 1972, l’Armée s’empara à nouveau du pouvoir, avec le chef de Bataillon Mathieu Kérékou. Il balaya ce triumvirat, raillé comme un « monstre à trois têtes ». C’est le début du deuxième temps politique fort du pays.

Le deuxième temps, militaro-marxiste, s’étale de cette prise de pouvoir à la Conférence nationale de février 1990. En 1975, le gouvernement militaire opéra des choix stratégiques et idéologiques décisifs. La République du Dahomey est rebaptisée République populaire du Bénin. Elle proclama son adhésion à l’économie socialiste d’orientation marxiste-léniniste. Le pays fut drapé d’une chape dictatoriale. Plusieurs opposants sont assassinés, torturés et exilés. À partir du milieu des années 1980, le pouvoir est acculé par une conjoncture économique sans précédent et qui dérive d’une série de facteurs : la morosité internationale, la gabegie, la concussion, et l’impéritie.
En banqueroute, l’État cessa de payer les salaires. Face à cette situation nourrie par les idéologues du Parti communiste du Dahomey, la rue gronda par des manifestations protestataires. Désarmée, la junte militaro-marxiste se résigna à opérer des réformes politiques, économiques, et sociales. Le 06 décembre 1989, elle abandonna le socialisme comme orientation idéologique de l’État et convoqua une Conférence nationale. De plus, les condamnés politiques furent amnistiés et pouvaient rentrer pour participer à ces « États généraux » annoncés pour le mois de février.

Le temps du Renouveau démocratique, consacré par cette grand-messe des forces vives de la Nation, est toujours en cours. Du 19 au 28 février 1990, la Conférence nationale réunit plus d’un demi-millier de délégués des différentes composantes du pays à l’hôtel PLM Alédjo sous la présidence de Monseigneur Isidore de Souza.
Deux principales décisions en sont issues. La première instaura le libéralisme économique et politique, la démocratie et l’État de droit. La deuxième nomma un Premier ministre pour seconder le général Mathieu Kérékou maintenu à la présidence, mais vidé de l’essentiel de ses prérogatives. Un vent de renouveau démocratique enveloppa le Bénin.
Le Premier ministre nommé par la Conférence nationale, Nicéphore Soglo, administrateur de la Banque mondiale, est chargé de conduire le gouvernement de la période transitoire. Ce gouvernement a pour mission de mettre en œuvre les principales mesures devant conduire à l’adoption d’une nouvelle Constitution et à l’organisation des élections générales. Contrairement aux autres expériences transitoires des pays de la sous-région, les deux acteurs principaux de cette période, le président Mathieu Kérékou et le Premier ministre Nicéphore Soglo, ont su jouer loyalement leur partition et accorder leurs violons pendant les douze mois de sa durée.

Le 11 décembre 1990, une nouvelle loi fondamentale, celle de la Ve République, fut promulguée après son adoption par voie référendaire. Elle reflète bien les décisions de la Conférence nationale. Elle a pour trame la démocratie et l’État de droit. Elle opte pour un régime républicain présidentiel avec séparation des trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif, et le judiciaire.
Trois mois plus tard, les élections législatives et présidentielles sanctionnent la fin de la période de transition. La nouvelle Assemblée nationale, monocamérale, est élue pour quatre ans. Elle est présidée par Maître Adrien Houngbédji, avocat et ancien exilé politique.
Au deuxième tour des présidentielles, Nicéphore Soglo triomphe de Mathieu Kérékou. Mais en 1996, il dut céder son fauteuil présidentiel à Mathieu Kérékou au terme des élections présidentielles. Cinq ans plus tard, les Béninois accordent à nouveau leur confiance au général Mathieu Kérékou.
En 2006, en l’absence de Mathieu Kérékou et de Nicéphore Soglo, le jeu politique devient plus ouvert. Le premier tour des élections s’est tenu le 5 mars 2006. Vingt-six candidats briguaient la magistrature suprême : des habitués et de nouveaux venus. Parmi eux, Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou, tous deux anciens ministres de Kérékou et anciens présidents de l’Assemblée nationale. Contre toute attente, c’est Boni Yayi, dépeint par ses adversaires comme l’émanation d’ « une génération spontanée en politique », qui ravit la vedette à ces derniers. Il emporta la décision finale avec plus de 75% des suffrages exprimés. L’année suivante, ses partisans réunis au sein des Forces Cauris pour un Bénin Emergeant (FCBE) gagnèrent les législatives. Dans la foulée, le président de l’Assemblée nationale élu Mathurin Nago est issu de ce mouvement.

Deux principaux acteurs émergent alors au sein de la classe politique béninoise : le président de la République Boni Yayi et son challenger du second tour, Adrien Houngbédji, qui fait office de « principal opposant » au pouvoir.
En 2011, Boni Yayi est réélu pour un nouveau mandat de cinq ans à la Présidence de la République, et ce dès le premier tour des élections présidentielles.
En mars 2016, le peuple béninois porte son choix sur le président Patrice TALON à l’issue du 2ème tour de la présidentielle. Le 06 avril 2016, le président Patrice TALON prête serment et prend les rênes du pouvoir.

Politique économique du Bénin
Depuis son indépendance en 1960 jusqu’à nos jours, le Bénin a connu trois stratégies de développement économique : la première est dite économie de marché basée sur le libéralisme économique couvrant la période de 1960 à 1971 ; la deuxième (1972 -1989) appelée stratégie de développement marxiste-léniniste est caractérisée par le plan centralisé et impératif où toutes les décisions sont imposées à tous, bien, qu’étant prises par les gouvernements ; enfin la troisième est le retour à une économie de marché depuis 1990.
Ainsi au cours de la période caractérisée par le plan centralisé et impératif, la période 1981-1989 a été celle d’une morosité économique ayant comme source de nombreuses distorsions économiques (déséquilibres macroéconomiques aigus, effondrement du système bancaire, incapacité de l’Etat à assurer le service de la dette et à payer régulièrement les salaires aux fonctionnaires). Pour remédier à cette situation, le Bénin s’est engagé à partir de l’année 1989 dans un processus de libéralisation de son économie. Des mesures énergiques seront mises en œuvre pour faire disparaître les entraves aux échanges qui ont eu cours sur la période 1972-1989. On retiendra entre autres : La levée des mesures de prohibition et de contingentement frappant certains produits à l’importation ou à l’exportation ; la suppression des licences à l’importation sur tous les produits ; et la suppression de la plupart des droits et taxes dont étaient frappées les exportations.

Ces distorsions ont aussi conduit le Bénin, appuyé par le FMI et la Banque Mondiale, à souscrire aux programmes d’ajustement structurel (PAS1 : 1989-1991, PAS2 : 1992-1993, PAS3 : 1995-1997) dont les objectifs principaux étaient la réduction des charges de l’Etat et le rétablissement des grands équilibres. La mise en application de ces programmes qui a permis d’amorcer le redressement économique, a par ailleurs engendré de vives tensions sociales. Ce qui a obligé le gouvernement à convoquer la Conférence Nationale des forces vives de Février 1990. Cette conférence a permis au Bénin d’enclencher un processus démocratique avec une orientation vers le libéralisme économique. De plus, l’appartenance du Bénin à certains regroupements régionaux comme l’Uemoa, la Cedeao, le groupe ACP ainsi que son adhésion à l’Omc l’ont amené à avoir une politique commerciale plus ouverte sur l’extérieur.
Les mesures de politique macroéconomique au cours de la décennie qui s’achève ont trouvé leurs fondements dans des documents de stratégies et de politiques élaborés au cours de la période. La base de cet ensemble de documents est le rapport des études nationales de perspectives à long terme ayant conduit à la vision Bénin 2025 Alafia : « Le Bénin est, en 2025, un pays-phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social ». Ce document a été réalisé en 2000 (avec la Stratégie intérimaire 2000-2003) et est depuis lors, la base de la politique économique du Gouvernement. En dehors des NLTPS, on a distingué deux séries de documents. Il s’agit pour la première série des Programmes d’Actions du Gouvernement (PAG) 1 et 2 qui ont constitué la source principale d’orientation des politiques du gouvernement jusqu’en 2005.

En 2007, la vision Bénin 2025 Alafia a été déclinée en six orientations stratégiques Orientations Stratégiques de Développement (OSD). L’opérationnalisation des OSD a été faite à travers la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP) qui est le cadre fédérateur et intégrateur des politiques sectorielles de l’Etat et dont la première en date est la SCRP 2007-2009. En 2009, le Gouvernement a fait élaborer « la Stratégie d’Opérationnalisation et de Déclinaison en Plan d’Investissements Sectoriels de la Vision Bénin 2025 ». Ce document est encore connu sous le nom d’ « Agenda vers une Economie Emergente ». Selon cet Agenda, la construction du Bénin pour atteindre la vision de 2025 est semblable à la construction d’une maison dont les fondements sont : (i) un environnement des affaires de classe internationale ; (ii) la disponibilité des infrastructures économiques de base ; (iii) la réforme et la modernisation de l’Etat ; (iv) l’aménagement du territoire. Sur ces fondements se dresseront cinq (5) piliers qui sont : i) le pilier central : Transport, Commerce et Services logistiques ; ii) le pilier Coton-Textile ; iii) le pilier Agroalimentaire ; iv) le pilier BTP et Matériaux de construction incluant le bois ; v) le pilier Culture, Tourisme et Artisanat. Cet agenda qui est la nouvelle boussole de la politique économique du Gouvernement devrait permettre de réaliser un Bénin émergent à l’horizon 2025. Aux OSD et à l’Agenda pour un Bénin Emergent, il faut ajouter comme document ayant inspiré les politiques macroéconomiques, la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté.

La croissance du PIB a évolué de façon erratique sur la période de 1991 à 2011 avec une moyenne de 4,1%. La plus forte croissance obtenue est celle de 2001 avec pour valeur 6,2%. Depuis cette période on note une décroissance du taux de croissance jusqu’à 2,9% obtenu en 2005 proche du minimum obtenu en 1994 avant sa reprise en 2006. Cette situation pourrait s’expliquer notamment par la crise de délestage de 2004 et les interdictions du Nigéria en ce qui concerne les réexportations béninoises entre 2003 et 2005. De 2006 à 2009, il est noté une reprise de la croissance qui s’est très tôt essoufflée avec la décélération observée à partir de 2008 et la chute de 2011 (2,4%). Cette dernière évolution pourrait s’expliquer notamment par les crises successives énergétique ; alimentaire ; économique et financière.

Conclusion sur la Stratégie de croissance 2011-2015

La Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP), qui se veut une stratégie pro-pauvres, a été mise en œuvre sur le quinquennat 2011-2015. Conformément aux exigences des bailleurs tels que le Fonds Monétaire International (FMI), cette stratégie retrace au mieux l’ensemble des interventions dans tous les secteurs de développement du pays, sans exception. L’amélioration des conditions de vie des populations est l’objectif de cette stratégie tout en veillant à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). La SCRP 2011-2015 a été mise en œuvre dans des contextes national, régional et international qui ont eu beaucoup d’influence sur sa capacité à réaliser les impacts attendus qui sont, entre autres, de réduire la pauvreté à travers une croissance forte et soutenue sur la période. La présente évaluation a permis de relever des constats qui méritent d’être traités convenablement pour améliorer, d’une part la conception de la prochaine stratégie et, d’autre part sa mise en œuvre. Le constat le plus frappant est celui du manque de synergie qui devrait exister entre les différentes interventions susceptibles de générer un impact optimal en matière de réduction de la pauvreté. Ainsi, la SCRP 2011-2015 se résume à une simple compilation des actions de développement du pays, c’est-à-dire une énumération pure et simple d’actions pour la satisfaction des besoins secteur par secteur et classés suivant les axes stratégiques. Ce constat est d’autant plus vrai que le Programme d’Actions Prioritaires (PAP) n’a fait que reprendre l’ensemble des nombreuses actions dites prioritaires, au total 850. Cet état de chose se traduit aussi par l’inexistence totale de scénarii de développement et de choix essentiels qui induiraient des scénarii financiers. Ainsi, il s’agit avant tout d’un programme axé sur une stratégie de développement qui devrait être traduit en programme financier par la suite. Ce manque de synergie a probablement eu d’influence sur le niveau de réalisation des impacts tant souhaités. Les constatations permettent de dire que la stratégie jouit dans ses moindres compartiments aussi bien de la cohérence interne que de la cohérence externe. Cependant, la stratégie a globalement manqué d’efficacité malgré les efforts considérables consentis et des progrès réalisés dans certains secteurs comme ceux de la santé, l’éducation, de la gouvernance des finances publiques, etc. Par ailleurs, bien que l’appropriation de la SCRP par les parties prenantes se soit améliorée, l’évaluation révèle que des lacunes importantes d’appropriation persistent encore, notamment en ce qui concerne les outils d’opérationnalisation de la SCRP (PAP et cadre de mesure des performances) au niveau départemental, communal et des acteurs non étatiques. En plus de l’appropriation, la stratégie a bénéficié d’un cadre institutionnel de pilotage adéquat et d’un dispositif de suivi-évaluation qui a régulièrement fonctionné mais qui comporte des insuffisances qu’il faudra corriger afin de disposer d’un meilleur système de suivi-évaluation pour la prochaine stratégie. En effet, s’agissant du fonctionnement du cadre institutionnel de pilotage de la SCRP, l’évaluation révèle que ce cadre institutionnel mis en place pour le suivi reste globalement pertinent, même si des améliorations restent à faire pour améliorer son efficacité et l’appropriation du processus de pilotage par toutes les parties prenantes. Pour ce qui est du mécanisme de suivi et d’évaluation, l’évaluation montre que l’architecture fonctionnelle pour la production des différents produits est pertinente et a permis de délivrer les principaux produits attendus. Cependant, cette architecture pourrait être allégée au niveau du sous-système d’évaluation en se focalisant sur le seul sous-système traitant de toutes les questions d’évaluation d’impact.
En somme, la grande majorité des indicateurs retenus pour apprécier les effets/impacts attendus n’ont pas atteint leurs cibles. Les résultats sur les conditions de vie des populations sont mitigés. La pauvreté n’est pas réduite sur le quinquennat, bien au contraire elle s’est aggravée. Quant à la pauvreté non monétaire, elle s’est légèrement améliorée sur la période. Les inégalités dans la distribution des dépenses de consommation par tête des ménages se sont davantage prononcées. Au regard de résultats de l’évaluation, il va de soi que la SCRP 2011-2015, qui se veut une stratégie pro-pauvre, n’a pas atteint ses objectifs de façon globale quand bien même des progrès sont enregistrés par endroits et constituent même des acquis à consolider. La prochaine stratégie gagnerait donc à être mieux pensée en privilégiant la promotion de l’emploi à travers la mise en synergie et œuvre de projets structurants de développement des différents secteurs avec un impact optimal.

De meilleures performances mais….
Malgré la bonne performance économique du Bénin, avec 5,2 % en moyenne au cours des trois dernières années, deux rapports récemment publiés par le FMI notent une hausse sensible de la pauvreté. Celle-ci est passée de 36,2 % de la population à 40,1 % entre 2011 et 2015.
L’économie béninoise a été dynamique au cours des trois dernières années, avec un taux de croissance annuel moyen de 5,2 %. L’activité a augmenté de 4 % en 2016, après 2,1 % en 2015, tirée par le secteur agricole, qui a bénéficié de conditions météo favorables et d’un meilleur accès aux intrants. En revanche, la dépréciation du naira, couplée au ralentissement de l’activité d’égrenage du coton, a eu un impact négatif sur le secteur industriel, dont la croissance a chuté de 10,1 % en 2015 à 2,6 % en 2016. Le secteur tertiaire a progressé de 2,7 %, dans un contexte de déflation (-0,8 %).
En 2017, la croissance économique devrait s’établir à 5,6 %, avec une hausse des prix de 0,6 %, selon les dernières prévisions du FMI.

Renforcement des vulnérabilités économiques
Parmi les faiblesses de l’économie béninoise, le fonds note la hausse rapide de la dette publique domestique, qui est passée de 8,6 % du PIB en 2013, à 33,6 % en 2017, atteignant 60 % de l’endettement total. Le rapport souligne également que le Bénin connait un déficit d’investissement public, notamment dans les infrastructures, en raison de la faible capacité du pays à gérer ses dépenses.
La vulnérabilité du secteur financier s’est accrue, avec un taux de prêts non performants qui atteint 20,3 %. Le rôle des banques commerciales dans le financement du secteur privé est limité. En cause : la faible densité de population et le poids important de l’informel. La part importante d’institutions de microfinance non licenciées environ 495 sur un total de 721 représente un risque pour le système bancaire.

Un accroissement de la pauvreté
Malgré cette bonne performance économique, la pauvreté est passée de 36,2 % de la population à 40,1 % entre 2011 et 2015. La principale explication : une productivité faible et stagnante dans le secteur agricole, qui ne permet pas de réduire la pauvreté dans les zones rurales.
Peu créatrice d’emploi, la croissance des dernières années a principalement été tirée par des secteurs plus intensifs en capital, tels que la banque, les télécommunications et les activités maritimes au port de Cotonou.
Le ralentissement économique au Nigeria a également eu un impact négatif sur la pauvreté, en réduisant les opportunités dans le domaine du commerce informel. Selon le rapport, la suppression des subventions aux carburants au Nigeria a entraîné une progression de la pauvreté dans les régions frontalières du Bénin de 34,8 % en 2011 à 50,4 % en 2015.

Perspectives 2018 et 2019

Dans son rapport 2018 sur les perspectives économiques en Afrique, la Banque africaine de développement (Bad) a noté que le taux de croissance du Produit intérieur brut (Pib) réel du Bénin en 2017 est estimé à 5,5 %, et est en progression par rapport aux 4 % de 2016. Les projections pour 2018 et 2019 sont aussi prometteuses avec des taux respectifs de 6,1 % et 6,5 %.
En avril 2017, le Fonds monétaire international (Fmi) a approuvé un accord triennal de crédit d’un montant de 151,03 millions de dollars afin d’aider le Bénin à mettre en œuvre les réformes du Pag en soutenant les investissements tout en préservant la soutenabilité de la dette. Ces réformes devraient permettre au Bénin de diversifier son économie par l’amélioration des activités de transformation dans l’agriculture et l’agro-industrie, et en modernisant l’élevage, la pêche et le tourisme. La stabilité politique démontrée par le bon déroulement de l’élection présidentielle de 2016 et le renforcement du partenariat public-privé contribuent à rendre le pays plus attrayant pour les investisseurs.
L’entrée en vigueur en janvier 2015 du Tarif extérieur commun (Tec) de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est également une occasion pour le Bénin d’élargir sa base de production et de tirer parti du marché ouest-africain. Mais, une incertitude liée aux effets du climat sur l’agriculture et à la dépendance vis-à-vis de l’économie nigériane entoure les projections de croissance.
En effet, durant sa période de récession, le Nigeria a introduit des restrictions commerciales qui ont affecté le Bénin et constitueront une incertitude supplémentaire si elles ne sont pas levées. Malgré les efforts liés aux réformes, le Bénin reste confronté au manque d’infrastructures, aux problèmes de gouvernance économique et financière, aux difficultés du secteur privé. Il figure parmi les dix meilleurs pays réformateurs en 2015 et 2016, mais sa place de 151e sur 190 pays dans le rapport Doing Business 2017 témoigne des efforts à accomplir pour améliorer le climat des affaires.
Avec un taux de pauvreté de 40,1 % en 2015, un chômage persistant, et un indice de développement humain de 0,485, la croissance inclusive reste un défi majeur pour le Bénin, indique le rapport de la Bad.
En 2016-2017, la performance économique du Bénin était principalement due aux réformes du Programme d’action du gouvernement (Pag) 2016–2021, intitulé « Bénin révélé ». Selon le rapport de la Banque africaine de développement (Bad), sur les perspectives économiques 2018 en Afrique, ce programme vise à augmenter les dépenses publiques d’investissement dans les infrastructures, l’agriculture, le tourisme ou les services de base. Des perspectives positives qui devraient également s’expliquer par la considérable augmentation de la production agricole, notamment du coton, estimée à 450 000 tonnes en 2016 ; l’augmentation des capacités de production de l’électricité ; et la reprise économique au Nigeria, dont l’activité commerciale du Bénin est tributaire.
Selon toujours ce rapport, le déficit budgétaire devrait grimper de 5,6 % du Pib en 2016 à 5,9% en 2017. Les autorités béninoises exprimant la volonté de mieux contrôler leurs dépenses, ce déficit devrait redescendre à 4,8 % en 2018 et 3,1 % en 2019, grâce à une politique fiscale plus restrictive à partir de 2017 visant à atteindre les 3 % fixés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
En mars 2017, le risque de surendettement est passé de faible à modéré dans une analyse de soutenabilité de la dette du Fonds monétaire international (Fmi). La dette publique est, en effet, passée de 50,3% du Pib en 2016 à 53,4 % en 2017, à cause des dépenses effectuées dans le cadre du Pag. Les efforts de l’Etat pour mobiliser des ressources grâce à l’émission d’obligations et à des partenariats techniques et financiers devraient permettre de réduire la dette à 51,46 % du Pib dès 2019. Grâce à la politique de stabilité des prix de l’Uemoa ainsi qu’à une bonne campagne agricole et aux faibles prix du pétrole, l’inflation devrait rester inférieure aux 3 % définis par l’Uemoa.
Quant au déficit du compte courant, il s’est détérioré entre 2016 (7,3 % du Pib) et 2017 (9,5 %), mais une légère amélioration est prévue en 2018 et 2019.



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