Biographie politique : Rosine Soglo 𝐼𝐧𝐞 𝐝𝐚𝐩𝐞 𝐝𝐞 đŸđžđ« 𝐚𝐼 Pđšđ«đ„đžđŠđžđ§đ­ du BĂ©nin

26 juillet 2021

En 2014, Ă  l’occasion de 𝐬𝐞𝐬 80 𝐚𝐧𝐬, un h𝐹𝐩𝐩𝐚𝐠𝐞 bien mĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© rendu Ă  Rosine Soglo celle que la quasi-totalitĂ© de la classe politique bĂ©ninoise (Ă  commencer par les dĂ©putĂ©s) appelaient affectueusement « đŒđšđŠđšđ§ ». La biographie politique de cette amazone rĂ©alisĂ©e par le confrĂšre VĂ©ril Takin garde, sept (07) ans aprĂšs tout son sens et la plĂ©nitude de sa valeur historique. Voici le texte-hommage trĂšs riche Ă  la femme politique de ces trente (30) derniĂšres annĂ©es.

𝐑𝐹𝐬𝐱𝐧𝐞 𝐕𝐈𝐄𝐘𝐑𝐀 𝐒𝐎𝐆𝐋𝐎, 𝐼𝐧𝐞 𝐝𝐚𝐩𝐞 𝐝𝐞 đŸđžđ« 𝐚𝐼 Pđšđ«đ„đžđŠđžđ§đ­
A l’issue de la ConfĂ©rence des forces vives de la nation de fĂ©vrier 1990, l’inspecteur des finances, cadre de la Banque Mondiale, NicĂ©phore DieudonnĂ© SOGLO est dĂ©signĂ© Premier Ministre de la transition dĂ©mocratique. C’est en ce moment que le BĂ©nin dĂ©couvre derriĂšre cet homme, une femme Rosine VIEYRA SOGLO un peu comme pour illustrer l’adage qui indique que derriĂšre un grand homme se cache presque toujours une grande femme. Il est en effet difficile de faire le portrait de Rosine SOGLO sans Ă©voquer celui de son mari.
Rose-Marie Honorine plus connue sous le nom de Rosine VIEYRA Ă©pouse SOGLO est nĂ©e le 07 mars 1934 d’une famille de la communautĂ© afro-brĂ©silienne installĂ©e Ă  Ouidah. Son pĂšre est un cadre des chemins de fer et propriĂ©taire terrien et il Ă©tait suffisamment aisĂ© pour permettre Ă  ses enfants dont Rosine de poursuivre des Ă©tudes secondaires et supĂ©rieures en France. AprĂšs des Ă©tudes secondaires au LycĂ©e des jeunes filles de Caen, elle Ă©tudia le droit pour devenir huissier de justice et avocate. Dans les annĂ©es 1980, elle s’est familiarisĂ©e avec le droit anglo-saxon des affaires Ă  l’occasion du sĂ©jour de son Ă©poux Ă  Washington aux Etats-Unis en tant qu’administrateur Ă  la Banque Mondiale. Elle lit, Ă©crit et parle couramment le français et l’anglais. Originaire de Ouidah, elle parle aussi couramment les langues locales du milieu que sont le fon et le mina. Probablement le tournant de la vie de Rose-Marie Honorine VIEYRA est la rencontre avec NicĂ©phore DieudonnĂ© SOGLO, un an aprĂšs son arrivĂ©e en France, en 1947. Ils Ă©taient tous deux au lycĂ©e. Rosine et NicĂ©phore se sont mariĂ©s le 12 juillet 1958 alors qu’ils Ă©taient encore Ă©tudiants. De ce mariage vont naĂźtre LĂ©hady le 18 dĂ©cembre 1960 et Ganiou le 04 novembre 1961.

Les premiers pas en politique
Leurs origines nobles et leur capital culturel prĂ©disposaient sans doute Rosine et NicĂ©phore SOGLO Ă  l’exercice du pouvoir. Seule ombre au tableau, leur long sĂ©jour Ă  l’étranger qui ne leur a pas permis de connaĂźtre les milieux sociopolitiques du BĂ©nin. De plus, ils n’ont jamais militĂ© dans les mouvements estudiantins et associations de jeunes de leur temps. Il n’est donc pas surprenant que leur dĂ©but en politique soit des plus difficiles.
En effet, les dĂ©buts en politique de Rosine SOGLO se feront dans la douleur. Candidat et favori aux Ă©lections prĂ©sidentielles de 1991, le Premier Ministre de la transition NicĂ©phore DieudonnĂ© SOGLO tomba mystĂ©rieusement malade. C’est donc son Ă©pouse Rosine qui a menĂ© partiellement sa campagne Ă©lectorale. Pour prĂȘter serment Ă©galement, le 04 avril 1991, le prĂ©sident Ă©lu dĂ» s’appuyer sur son Ă©pouse et l’un de ses enfants. AprĂšs son rĂ©tablissement, NicĂ©phore SOGLO sera confrontĂ© Ă  une fĂ©roce hostilitĂ© des forces politiques du pays. Il Ă©tait notamment combattu Ă  l’AssemblĂ©e Nationale. Ce qui va amener son Ă©pouse Rosine VIEYRA SOGLO Ă  crĂ©er le parti politique la Renaissance du BĂ©nin et le mettre Ă  la disposition du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Objectif affichĂ© par la PremiĂšre dame, mettre le PrĂ©sident de la RĂ©publique Ă  l’abri des marchandages et chantages dont celui-ci faisait l’objet de la part d’une partie de la classe politique.
En 1993, suite Ă  la cassure du groupe parlementaire « Le Renouveau » qui soutenait l’action du PrĂ©sident de la rĂ©publique, Rosine SOGLO va demander Ă  travers un communiquĂ© de presse Ă  tous les partis politiques qui se rĂ©clament de la majoritĂ© d’intĂ©grer la Renaissance du BĂ©nin. Cette invitation sera rĂ©itĂ©rĂ©e en juillet 1994 Ă  Goho. Pour montrer que la Renaissance du BĂ©nin Ă©tait le parti prĂ©sidentiel, Rosine SOGLO cĂ©da son poste de prĂ©sidente Ă  son Ă©poux. Suite Ă  l’appel de Goho, aprĂšs quelques hĂ©sitations, bien de partis politiques vont faire leur ralliement, ce qui a permis au parti la Renaissance du BĂ©nin d’obtenir en 1995 aux lĂ©gislatives, une vingtaine de dĂ©putĂ©s.

En appui Ă  l’action politique, Rosine SOGLO a mis en place 1991, une organisation non gouvernementale dĂ©nommĂ©e VIDOLE, comprenez « L’enfant est un trĂ©sor » qui vient en aide Ă  l’enfance malheureuse et aux femmes dĂ©munies. Dans le cadre de ses activitĂ©s, Rosine SOGLO a sillonnĂ© le BĂ©nin profond les bras chargĂ©s de vivres, d’outils agricoles et d’argent qu’elle distribuait aux femmes et enfants tant et si bien qu’à un moment donnĂ©, il Ă©tait difficile de faire la diffĂ©rence entre le chef de parti et la responsable d’ONG. Le siĂšge de VIDOLE reste Ă  ce jour, le siĂšge de la Renaissance du BĂ©nin. Comme de nombreux politiciens, elle a su utiliser VIDOLE comme un tremplin politique. La surmĂ©diatisation de ses activitĂ©s lui a permis de se valoriser et elle a su se montrer digne de son rang de femme de chef d’Etat par l’aide apportĂ©e aux populations les plus dĂ©munies. Compte tenu de son engagement personnel en faveur de la cause fĂ©minine et de celle des enfants, la participation des femmes aux activitĂ©s du parti est remarquable, avec des retombĂ©es Ă©lectorales indĂ©niables. Le militantisme politique de Rosine SOGLO en est pour beaucoup dans la popularitĂ© de son mari.
Sur le plan vestimentaire, Rosine SOGLO se distingue par sa tenue trĂšs moderne et souvent raffinĂ©e. Elle portait rarement des pagnes – ou alors il s’agit de tissus de luxe – . Sa prĂ©fĂ©rence va aux tailleurs habillĂ©s dont l’élĂ©gance est soulignĂ©e par des chapeaux Ă  larges bords. On l’avait surnommĂ©e, « la dame aux chapeaux » en raison de sa cĂ©lĂšbre collection. Elle chausse aussi des lunettes du fait de ses problĂšmes visuels. TrĂšs discrĂšte au dĂ©but de la transition, Rosine SOGLO a fini par imposer sa prĂ©sence aux cĂŽtĂ©s de son mari. Elle Ă©tait de tous les voyages et manifestations. AprĂšs l’élection de NicĂ©phore SOGLO Ă  la magistrature suprĂȘme, elle revendique le titre de PremiĂšre Dame et les droits y affĂ©rents. Elle a fini par imposer cette fonction dans la tradition politique du BĂ©nin, mĂȘme si au dĂ©part elle Ă©tait plutĂŽt mal perçue.

Un engagement politique couronnĂ© de succĂšs et d’échec
A travers ce rĂ©cit, il est facile de constater que l’engagement politique de Rosine SOGLO avait pour but donc la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de son mari et la stabilisation des bases de son pouvoir. Mais l’action politique et associative de la PremiĂšre Dame n’a pas donnĂ© entiĂšrement les rĂ©sultats escomptĂ©s et les SOGLO vont perdre le pouvoir en AVRIL 1996. En 2001, NicĂ©phore SOGLO va Ă©chouer une nouvelle fois Ă  revenir aux affaires.
MalgrĂ© ces Ă©checs, Rosine VIEYRA SOGLO va poursuivre la lutte politique avec son parti dont elle a dĂ» reprendre les rennes. En un vrai animal politique, elle encaisse et sait aussi donner des coups. C’est elle qui rĂ©gente tout dans la gestion du parti, distribue les rĂŽles et les privilĂšges, dĂ©cide des ascensions, disgrĂąces et dĂ©chĂ©ances. Ces mĂ©thodes jugĂ©es non dĂ©mocratiques entraĂźnent des crises au sein du parti avec le dĂ©part des barons et autres militants. En 2002, Nathaniel BAH et consorts vont Ă©chouer dans leur tentative de dĂ©stabilisation du parti. Ils en seront exclus. En 2003, Rosine va rejeter les candidatures de Georges GUEDOU, Maxime HOUEDJISSIN et AurĂ©lien HOUESSOU aux lĂ©gislatives entraĂźnant leur dĂ©mission du parti. Ceci justifie peut-ĂȘtre la perte progressive de l’influence du parti sur l’échiquier politique. De la trentaine de dĂ©putĂ©s dans les annĂ©es 1990, la RB ne compte de nos jours que six (06) dĂ©putĂ©s.
A l’AssemblĂ©e Nationale, la prĂ©sidente du parti est aussi prĂ©sidente du groupe parlementaire qui comprend aujourd’hui les dĂ©putĂ©s Ă©lus sur sa liste et trois (03) autres dĂ©putĂ©s de la majoritĂ© prĂ©sidentielle depuis la dĂ©mission de trois Ă©lus de la Renaissance du BĂ©nin. Vingt ans de vie parlementaire Ă  la fin de la lĂ©gislature en cours, doyenne d’ñge des dĂ©putĂ©s depuis au moins trois lĂ©gislatures, elle est trĂšs assidue aux travaux Ă  l’hĂ©micycle sauf quand elle a des problĂšmes de santĂ© ou siĂšge au Parlement Panafricain en Afrique du sud (entre 2003 et 2011). Elle est aujourd’hui membre du ComitĂ© interparlementaire de l’Union Economique et MonĂ©taire de l’Afrique de l’Ouest (CIP-UEMOA). Elle a animĂ© l’opposition politique pendant plusieurs annĂ©es notamment contre le PrĂ©sident Mathieu KĂ©rĂ©kou qui a empĂȘchĂ© son Ă©poux de briguer un second mandat et contre le PrĂ©sident Boni Yayi, du moins pour son premier quinquennat. L’ex PremiĂšre Dame a une rĂ©putation de femme de caractĂšre, une battante dont les prises de position frisent parfois le jusqu’auboutisme. Elle est rĂ©putĂ©e Ă©galement pour ses dĂ©clarations fracassantes, voire incendiaires.
En tant qu’opposante, elle Ă©tait trĂšs redoutĂ©e et la participation d’un de ses enfants, Ganiou Soglo en l’occurrence, au Gouvernement du PrĂ©sident Boni Yayi n’a pas rĂ©ussi Ă  la faire flĂ©chir. Mais elle sait jusqu’oĂč ne pas aller. C’est sur elle que le pouvoir s’appuyait encore pour inflĂ©chir les positions de l’opposition parlementaire pour faire adopter certains projets de loi jugĂ©s importants pour la Nation. Ce qu’elle a toujours fait sans jamais rien demander en Ă©change. C’est ce qu’il convient d’appeler une opposition responsable. Pour le second mandat du Chef de l’Etat actuel, son parti a dĂ©cidĂ© de soutenir ses actions. Cela n’empĂȘche pas Rosine Vieyra Soglo d’ĂȘtre critique quand il le faut pour amener le Gouvernement Ă  mieux faire.
Rosine Vieyra Soglo a aussi largement ƓuvrĂ© pour la promotion de ses enfants. Ganiou Soglo a Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©putĂ© sur la liste du parti Ă  la QuatriĂšme LĂ©gislature avant d’ĂȘtre nommĂ© ministre dans le Gouvernement du PrĂ©sident Boni Yayi. Et si LĂ©hady Soglo est aussi Ă©lu plusieurs fois dĂ©putĂ©, il prĂ©fĂšre siĂ©ger au Conseil Municipal de Cotonou oĂč il est Premier Adjoint au Maire qui n’est rien d’autre que son pĂšre. En effet pour maman Rosine Vieyra Soglo, la famille est sacrĂ©e.
L’histoire de Rosine VIEYRA SOGO ne peut ĂȘtre complĂšte si on oublie d’évoquer son engagement en faveur de la femme africaine qui doit jouer un rĂŽle important en politique selon ses vƓux. Elle regrette leur faible prĂ©sence sur la scĂšne politique. A l’hĂ©micycle, dur, trĂšs dur contre les hommes quand il le faut, elle fait preuve d’une vĂ©ritable mollesse voire souplesse vis-Ă -vis des femmes mĂȘme quand elles sont du camp opposĂ© au sien lors des dĂ©bats, preuve de sa grandeur d’esprit et de son fĂ©minisme.
AgĂ©e aujourd’hui de 80 ans, la PrĂ©sidente Rosine VIEYRA SOGLO se retire peu Ă  peu de la gestion directe des affaires. Le 18 septembre 2010, elle a passĂ© le tĂ©moin Ă  LĂ©hady SOGLO, son fils aĂźnĂ© qui dirige dĂ©sormais le parti et l’ONG VIDOLE est confiĂ©e Ă  son Ă©pouse.
Au total, Maman Rose-Marie Honorine VIEYRA Ă©pouse SOGLO a gagnĂ© en maturitĂ© politique depuis 1990 et elle n’a sans doute pas fini de faire parler d’elle.

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