Election de Patrice Talon à la Marina : Après la rupture, vivement le nouveau départ

La rédaction 23 mars 2016

Aussitôt la présidentielle de 2016 terminée, les béninois ont leurs regards désormais tournés vers l’avenir. Dans les rues de Cotonou comme au sein des états-majors des forces coalisées, l’on discute des priorités du nouveau Président de la République : rompre avec l’impunité et remettre le pays au travail.
Herman se laisse emportée dans l’euphorie de la foule regroupée devant le domicile du Président sortant, Boni Yayi au soir des élections. Ce partisan de Patrice Talon se moque pas mal de l’artillerie anti-émeute sur place pour contenir la liesse populaire : « C’est la victoire du peuple, la victoire de notre démocratie sur la mauvaise gouvernance, les concours frauduleux, le néocolonialisme, le K.O de 2011. C’est la Rupture ou rien ! ». On chante, on danse, on scande des slogans hostiles au régime finissant mais on n’oublie jamais assez les aspirations d’une telle « rupture » avec le régime. « C’est l’heure maintenant d’agir pour construire l’unité nationale, mettre fin aux nombreuses scandales qui entachent la crédibilité de notre pays. Il est temps de tout reconstruire », lance un autre militant.
Arrivé en tête à plus de 65,39% des voix contre 34,61% pour son challenger Lionel Zinsou, selon les tendances de la Commission nationale électorale autonome, Patrice Talon a désormais la pression populaire. Le nouveau Président a été élu dans une pareille effervescence que Boni Yayi en 2006 sous le vocable du « changement ». Du changement à la refondation, 10 ans le peuple a toujours soif d’une sincérité au sommet de l’Etat.

Soif de la « Rupture »
Patrice Talon incarne t-il vraiment la rupture ? Il faudra le voir à l’œuvre pour le comprendre. Mais dans l’effervescence de la campagne pour le second tour de la Présidentielle, le débat avait été enclenché par le camp du premier ministre Lionel Zinsou. Ça n’aura pas changé grand-chose. Le peuple en a décidé autrement dans les urnes, en choisissant non pas seulement de voter pour Patrice Talon, mais contre Boni Yayi. « Je pense fondamentalement que ce qui s’est passé est un vote référendum contre Boni Yayi. On a noté un acharnement de Boni Yayi contre Patrice Talon. Les béninois se sont tout naturellement posés la question de savoir pourquoi, le président cherchait à leur imposé son candidat. Le vote est également un vote un vote d’adhésion pour la rupture de façon générale », a analysé ….
Boni Yayi a beau déclaré n’être plus candidat à rien, les Béninois ont néanmoins cru à un 3e mandat à travers le candidat dit de la « continuité », Lionel Zinsou. Une crainte qui en rajoute aux mépris des nombreux scandales qui ont emballé le régime ces dernières années. La lutte contre l’impunité trouvait également sa place dans l’anti-yayisme développé tout au long de la campagne et qui semble traduire une soif du peuple pour un nouveau départ. Une aspiration, qui selon le politologue, Francis Lalèye, ne se limite pas pourtant au régime du président sortant. « On a le sentiment que n’importe qui peut faire n’importe quoi des deniers publics sans rien risqués. Et cela ne se limite pas au régime de Boni Yayi. En dehors de la parenthèse de Soglo, c’est un mal qui est en cours depuis plus de 20 ans, même au cours de la période révolutionnaire », Francis Lalèyè. Ce qui met aux dires du politologue la pression sur le nouveau président de la République. « Il va falloir rassurer le peuple et lancer des signaux à l’opinion publique international qu’effectivement quelque chose change dans le pays. Il faut une lutte contre la corruption, l’impunité et réinstaurer le mérite dans l’administration publique » a-t-il ajouté. C’est alors un défi qu’attend de relever Patrice Talon. Lui qui dans une campagne discrète mais méthodique a su convaincre bon nombre d’électeurs de ses reformes institutionnelles. Un défi qui devra permettre d’insuffler un dynamisme dans tous les secteurs.

« La rupture, c’est maintenant ! »
Le peuple est bien pressé de voir le président élu à l’œuvre. « La rupture c’est maintenant. Il faut qu’il annule les concours frauduleux tant décrié sous Yayi. Surtout les ministres qui ont dilapidé les ressources de l’Etat devront être sanctionné », énonce un citoyen dans le kiosque de journaux situé non loin du camp Guézo, dans un débat passionnant avec d’autres clients. Dans le bas peuple, comme dans l’administration publique selon que l’on avait soutenu ou non le nouveau Président, on passe plus de temps à décliner les priorités. Mais selon Joel Atayi-Guedegbé, acteur de la societé civile, Patrice Talon se doit de travailler à redorer les symboles de la République : la fraternité, la justice et le travail. L’unité nationale, le mérite, l’équité, l’humilité. « La restauration de la confiance dans la maison justice. Il faudra envoyer des signaux forts qu’on veut rompre avec les anciennes pratiques du monde judicaire. C’est le coté symbolique des choses. Il faut qu’il montre le chemin et œuvre à remettre tout le monde au travail », indique Joël Atayi-Gudegbé. Qu’il s’agisse du secteur de l’éducation, de l’agriculture, de la santé, de la justice ou d’autres encore, les populations attendent de voir la rupture se manifester réellement dans les actes et les prises de décisions de Patrice Talon. Pour cela le nouveau élu à la magistrature suprême devra bien prendre en considération ces conseils de Francis Laleye : « Le nouveau président doit s’inspirer des erreurs de Boni Yayi. Il faut beaucoup de caractères pour pouvoir ramer quelques fois à contre courant de l’opinion publique. La qualité d’un leader c’est d’amener les autres à le suivre même s’ils n’ont pas envi d’aller dans la même direction. Après tout le monde lui donnera raison ».



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