Entretien avec Aurelie ADAM SOULE ZOUMAROU, ministre du Numérique et de la Digitalisation : « Faire du Bénin, la plateforme numérique de l'Afrique de l'Ouest »

16 juin 2022

Dès son arrivée en 2016, le chef de l’État a annoncé les couleurs quant à ses intentions pour le Bénin dans le secteur du numérique. A la révélation de ce rêve ambitieux de Patrice Talon, certains de nos compatriotes y ont vu un idéal inatteignable. Pour d’autres encore, une ambition trop grande pour le Bénin. Aujourd’hui, les positions se réévaluent et les différentes parties prenantes semblent unanimes sur le fait que des avancées, il y en a eu. Des réformes, oui ; des chantiers, il y en reste à achever. Des avancées, donc notables, qui justifient le choix du gouvernement à prévoir une cagnotte de plus de 360 milliards de francs CFA dans le volet numérique du PAG 2. Une belle cagnotte pour financer le secteur du numérique, de la digitalisation et des médias.

A quoi servira concrètement ce financement ? Comment la cagnotte sera répartie entre ces sous-secteurs ? Quelles sont les réformes qui y sont en cours ? En clair, quel bilan d’étape pourrait-on faire du secteur du numérique, un an après le PAG 2 ? Nous abordons les différents contours de la question avec celle qui tient le gouvernail du navire numérique au Bénin, la ministre du numérique et de la digitalisation, Aurelie Adam Soulé Zoumarou. Dans les lignes qui suivent, la transcription de cet entretien.

Madame la ministre, vous êtes la cheville ouvrière du gouvernement en matière de numérique et de digitalisation, c’est un plaisir de vous recevoir, tant les préoccupations des citoyens béninois sont nombreuses dans les domaines dont vous vous occupez. Dites-nous déjà aujourd’hui, quels sont les services où la dématérialisation peut déjà être considérée comme un acquis ?

Aurelie ADAM SOULE ZOUMAROU : Je pense que, avant de venir à la question de la dématérialisation en termes d’acquis, on peut regarder les choses d’un point de vue global.
Le numérique a été positionné dans le PAG 2016-2021 comme un des secteurs prioritaires. La vision du président Patrice Talon de faire de notre pays, la plateforme de services numériques de l’Afrique de l’Ouest nous a donné des ailes. Les actions, les projets, les réformes, tout ce qu’il y a eu de façon résolue et vraiment courageuse, nous ont permis, aujourd’hui, de faire de notre pays, le Bénin, une nation qui compte quand on parle du numérique en Afrique et dans le monde.
D’abord, je crois que, un acquis important, c’est le fait que les socles d’une transformation numérique sont désormais en place dans notre pays. Aujourd’hui, nous avons des infrastructures qui ont été déployées ; Le Backbone national en fibre optique a été réhabilité et étendu. Nous avons des infrastructures comme le data center national, le réseau numérique de l’administration qui interconnecte les sites administratifs. Nous avons le système d’infrastructure à clé publique pour sécuriser les transactions, une stratégie nationale de sécurité numérique, un portail des e-services qui, aujourd’hui, permet aux citoyens de bénéficier des services publics de l’État, 24h/24, 7j/7. Et puis, même au niveau du cadre réglementaire, le code du numérique a apporté une prédictibilité dans notre secteur. L’arsenal juridique complet. La portabilité des numéros mobiles est en place. C’est autant d’acquis qui viennent créer un environnement propice à l’éclosion d’une économie numérique prospère dans le pays.

On retient donc qu’aujourd’hui au Bénin, plusieurs services de l’administration sont dématérialisés. Quels sont les chiffres clés de cette dématérialisation que nous pouvons retenir ?
Souvent, quand on parle de dématérialisation, on voit les e-services, donc les services publics accessibles en ligne, parce que cela met l’usager du service public au centre, au cœur de la préoccupation de l’administration. Cela veut dire que le citoyen ou l’entreprise qui doit interagir avec l’administration publique peut le faire, d’où il veut, à n’importe quel moment via des terminaux distincts, un terminal mobile ou un ordinateur.

Pour les e-services, aujourd’hui, nous avons un portail national des services publics qui permet d’avoir en ligne des informations sur plus de 700 transactions avec l’administration publique. A l’heure où je vous parle, puisque cela varie tous les jours, nous devrions être autour de 780.
Au nombre de ces 780 prestations, nous avons plus d’une centaine, 132 exactement à date, qui sont des services qu’on peut demander en ligne. Pour certains, payer même en ligne et pour d’autres, obtenir le document administratif ou le service requis. C’est une formidable avancée parce que cela veut dire qu’on règle comme ça les préoccupations des usagers qui étaient obligés de se déplacer et qui gagnent en temps. Du temps pour faire autre chose, donc apporter de la valeur à leurs entreprises, à leurs activités personnelles.

Alors ça, c’est le volet e-service, mais je dis toujours que les e-services ne sont pas le seul élément d’évaluation d’une digitalisation. Il y a aussi l’importance d’avoir une digitalisation interne, au niveau de l’administration, des processus, de la façon dont l’administration travaille avec l’administration. Les ministères entre eux, les agences avec les ministères etc. Et sur ce volet, nous avons également fait beaucoup de choses. Aujourd’hui, nous avons une plateforme nationale d’interopérabilité qui est disponible, qui permet à une administration d’échanger des données de façon sécurisée avec une autre entité de l’administration publique, soit de façon automatique ou même manuelle, en tout cas selon le besoin.

Aujourd’hui, nous avons dénombré plus de 2.000.000 de transactions qui ont ainsi eu lieu à travers cette plateforme nationale d’interopérabilité. Au-delà de ça, nous avons donc tout ce qui est applicatif, le fait de correspondre en ligne, de ne pas attendre que des courriers physiques soient transmis. Tout ça participe justement à la digitalisation de l’administration. Plus d’efficacité, plus de transparence, ça veut dire aussi plus de données pour planifier le travail dans l’administration publique et bien sûr, cela contribue à l’accroissement de la maturité numérique de l’administration béninoise.

Oui, les populations sont d’accord, sont unanimes sur le fait qu’il y a des avancées côté digitalisation, dématérialisation, surtout. A quand une dématérialisation totalement gratuite pour les populations ?
La dématérialisation, je pense que vous allez en convenir avec moi, vient rendre l’accès plus facile. On l’a dit, elle vient rendre l’accès au service public plus rapide aussi. Il y a des inefficacités qu’on enlève à l’usager, les frictions avec l’administration, le temps, éventuellement, perdu. Tout ça a un coût ; donc au contraire, moi, je crois que nous faisons gagner de l’argent, du temps à l’usager, aux entreprises du service public. Les services publics ne sont pas apparus avec la dématérialisation. Lorsque, auparavant, vous demandiez un casier judiciaire (ça fait partie des e-services les plus demandés), vous deviez payer pour cette prestation de l’État, donc la dématérialisation n’est pas venue rendre les choses plus complexes, pas à mon avis en tout cas. Je crois, et j’en suis certaine puisque nous avons les témoignages des usagers du service public, ils gagnent en argent, en temps et en efficacité. Et puis, ça leur permet de vaquer à leurs occupations et d’avoir plus de temps pour produire pour leurs entreprises et pour leur communauté.

Alors, mettre en place les socles, une fondation pour la mise en œuvre d’une politique affichée du gouvernement de faire de notre pays le hub numérique de la sous-région, ça a forcément un coût que j’imagine. Le Bénin tout seul ne peut pas supporter. Ça veut dire que vous avez pu bénéficier d’appui, de partenaires. Qui accompagne le Bénin pour réaliser toutes ces entreprises-là que vous avez énumérées ?
Alors, qui accompagne le Bénin ? Je veux déjà dire, parce que nous sommes dans le secteur du numérique, mais la démarche du gouvernement, est la même dans tous les secteurs.
Vous savez que le président de la République veut que nous travaillions aussi à obtenir ce dont nous avons besoin pour développer notre pays et nous en sommes capables. Nous sommes dans la même démarche. Nous avons des talents, des entreprises nationales qui travaillent déjà à limiter les besoins qui peuvent renchérir le dispositif financier de mobilisation de ressources.
Après, effectivement, dans la mobilisation, il y a évidemment le fait de solliciter des partenaires, le fait de solliciter des financements par le biais du ministère de l’économie et des finances. Donc, effectivement, dans le secteur du numérique, nous avons plusieurs partenaires dont des institutions internationales que vous connaissez bien.

Vous parliez par exemple des Estoniens ? Le chef de l’Etat ne cache pas du tout son amitié avec ce pays et ses responsables, j’ai cru que vous en parleriez peut-être.
Effectivement, nous avons une coopération avec les Estoniens. J’avais cru comprendre votre question dans le sens du financement, parce que les Estoniens n’ont pas participé au financement. Ils ont apporté un appui technique et un accompagnement, du fait justement de leur expérience dans le domaine. Déjà en 2016, le Président de la République avait fait une visite de travail en Estonie. Ensuite, en 2018, nous avons une mission qui est allé identifier les axes précis de coopération avec l’Estonie, donc effectivement, nous avons un partenaire de taille en Estonie dans ces entreprises avec lesquelles nous travaillons, mais aussi des entreprises nationales avec lesquelles ces entreprises estoniennes travaillent pour que nous ayons un transfert de compétences parce que c’est très important de ne pas être dépendant dans la durée d’une autre entité, d’une entreprise, d’un autre pays. Nous voulons assurer nous-mêmes notre développement et le secteur numérique ne fait pas exception à cette démarche du gouvernement.

D’accord ! Parlons toujours de dématérialisation. La gestion électronique des documents administratifs, Madame la Ministre, vous avez commencé par le dire, est aussi une réalité. Nous avons rencontré Aristide Adjinacou, Directeur Général par intérim de l’Agence des Services et Systèmes d’Information (ASSI). Il nous a expliqué en quoi la gestion électronique du courrier représente une avancée majeure pour une administration plus efficace.

Elément témoin
C’est une transformation considérable de l’administration publique. En tout cas, les pratiques changent, ça force l’admiration. Madame la Ministre, on a parlé jusque-là des trains à l’heure, parlons des trains en retard. N’y-a-t-il vraiment aucun passif à relever au bilan de la digitalisation ?
Je ne parlerais pas de passif. Je dirais que nous avons effectivement des projets qui ont été entamés, dont nous avons phasé la mise en œuvre pour en avoir tous les bénéfices, atteindre tous les objectifs ou alors de projets qui sont entamés, qui sont en cours de mise en œuvre ou en cours de finalisation.

Des éléphants blancs aussi ?
Les éléphants blancs ne sont plus de notre époque. Nous n’avons pas habitué, depuis 2016, les Béninois à avoir des éléphants blancs. C’est ce qui fait d’ailleurs que nous avons des projets que nous phasons ; justement parce qu’en phasant, on arrive à maîtriser la mise en œuvre.
Tout à l’heure, je parlais du déploiement de la fibre optique dans notre pays. Nous avons encore une partie du pays sur laquelle cette fibre doit arriver, donc les financements comme je le disais, sont en train d’être bouclés par le ministère des Finances et nous allons pouvoir y aller.
Des projets comme les points numériques communautaires qui permettent aux populations dans les zones notamment rurales où les points de présence en fibres optiques sont déployés pour permettre à ces populations de pouvoir se connecter à internet, d’être formées aux usages numériques. Ces points numériques communautaires, nous en avons déployé 43 à date et nous comptons compléter ce nombre. Ce sont plutôt des projets que nous mettons en œuvre progressivement parce que ça demande du temps pour les faire et bien les faire, et nous allons continuer pendant cette période 2021-2026 à mettre en œuvre ce projet.

Place maintenant au point 2 de cette émission qui sera consacré au volet numérique. Nous parlons donc pour commencer du déploiement du haut et très haut débit, mais surtout de son niveau d’avancement. Madame la Ministre, où est-on ?
Le haut et le très haut débit, c’est l’un des piliers de ce que nous faisons. Sans infrastructures, il n’y a même pas de disponibilité des services numériques. C’est pour ça que c’est un socle important.
Dans le PAG 1, nous avons déployé plus de 2 500 kilomètres de fibres. Je disais tantôt que nous avons réhabilité le backbone, fait les extensions, mis en place des points de présence dans les communes pour permettre de rapprocher le haut débit des populations ; et bien sûr, derrière, les opérateurs mettent en place des réseaux de collecte et d’accès pour atteindre les usagers en bout de chaîne. Comme on dit le « last mile ».
Dans le cadre du PAG 2, c’est aussi une composante importante de notre « PAG Numérique ». Nous allons non seulement continuer le déploiement de la fibre, notamment dans la partie Ouest mais aussi les opérateurs vont intensifier les réseaux de collecte et d’accès que ce soit en réseaux fixes, pour l’internet haut débit ou en réseaux mobiles pour le haut débit mobile et les communications mobiles en général. Donc c’est prévu, c’est planifié.
Les financements ? Je pense que récemment, vous avez dû entendre les annonces des différents opérateurs, et c’est vraiment ce qui est important aussi. C’est un bon signal de ce que nous sommes en train de faire ce qu’il faut parce que lorsque vous entendez des opérateurs privés, en mode de gestion privée, qui font des annonces de financements mobilisés pour investir dans des réseaux, ça veut dire que les socles sont là et que la dynamique est bonne. Le PAG 2 va voir beaucoup d’infrastructures se mettre en place comme nous l’avons eu pour le PAG 1.

Vous avez parlé de centres numériques communautaires, la fibre optique qui continue d’être déployée, c’est à dire, peut-être que aucune région du pays ne sera laissée pour compte, mais quels sont, selon vous, les effets de cette transformation numérique de nos collectivités locales ?
Les effets sont énormes. C’est-à-dire que quand une communauté, une zone géographique, des populations qui sont dans une zone géographique, sont connectées pour la première fois, soit en fixe ou en mobile à ces réseaux de communications électroniques, c’est une transformation globale. Par exemple, les administrations qui sont dans la zone, pour les entreprises, pour les populations, c’est une transformation notable. Ça change tout. C’est d’ailleurs pour ça que nous avons, au-delà des points de présence en fibre optique, nous avons voulu aller au déploiement de points numériques communautaires parce que la fibre en soi, lorsqu’elle est quelque part, ce n’est pas ça qui apporte le service, il faut, derrière, installer les infrastructures d’accès et les applicatifs. Donc, nous avons, aujourd’hui, des espaces qui contiennent des ordinateurs, des terminaux d’accès qui permettent par exemple à un artisan, une entreprise de la zone de venir bénéficier des services publics qu’on évoquait plutôt. Vous n’aurez plus besoin de vous déplacer sur Cotonou, une direction départementale pour obtenir un sésame du service public. Je sais que, par exemple, il y a des enseignants qui font leur rapport mensuel ou trimestriel vers leur tutelle par le biais de ces points numériques communautaires. C’est là où les gens vont, lorsque, par exemple, il y a des votes en ligne comme on a eu à en faire, il n’y a pas si longtemps. Ce sont des centres qui sont extrêmement utiles dans nos communautés et c’est ce qui fait d’ailleurs que les attentes et la demande des autres communautés sont fortes.

On constate que c’est aujourd’hui un acquis que les relations entre le citoyen et l’administration publique se font et se vivent de façon numérique, de façon totalement dématérialisée. Mais est-ce que les collectivités locales, les mairies, les communes ne sont pas en retard sur ce chantier-là parce que on continue toujours de se porter vers les arrondissements, les mairies, pour obtenir des pièces ?
Il y a des initiatives, mais c’est vrai que la dynamique que nous avons au niveau central, nous voulons l’impulser au niveau déconcentré et décentralisé. C’est pour ça que vous avez au niveau du PAG 2021-2026, l’un des projets du secteur du numérique qui est la transformation numérique des collectivités locales. Nous allons donc adresser ces questions d’infrastructures, de services, d’applications au niveau des mairies, au niveau des collectivités locales. C’est une dynamique à mettre en place, vous avez raison, qui est entamée par-ci, par-là, mais qu’il faut maintenant prendre comme un tout et faire prospérer.

On dispose aujourd’hui et ceci un peu partout sur l’étendue du territoire national, des points numériques communautaires mais aussi des salles numériques pour personnes en situation de handicap. Un récapitulatif de tout ceci à travers ce reportage signé Rodrigue Babagbeto.

Elément témoin

Madame la Ministre, on retient qu’il existe des salles de classe numérique pour personnes en situation de handicap au Bénin. Pourquoi le gouvernement a-t-il jugé utile de de créer ces salles de classe ?
Pour plusieurs raisons, la principale étant que nous sommes dans une ère, une ère nouvelle mais actuelle quand même, dans laquelle l’apprentissage à l’école doit être basée sur les outils de cette ère dans laquelle nous sommes donc les outils numériques.

Deuxièmement, vous convenez avec moi que, en termes de ressources éducatives, Internet est vraiment un vivier en fait, donc pourquoi priverait-on les apprenants de ce vivier de connaissances ? Bien entendu, il faut les guider. On ne les laisse pas à eux-mêmes dans cela. Les salles numériques dans les établissements répondent à ces différentes préoccupations, permettent aux enseignants d’avoir des outils pour favoriser, accélérer les apprentissages parce que, on peut par exemple, via des applications que nous avons mises en place, montrer à un élève le tube digestif, montrer à un élève comment, géographiquement, les reliefs se présentent. Tout ça, en étant en salle de classe, donc c’est des outils vraiment dont il serait dommage de se priver.
Nous avons également constaté que les classes numériques favorisent l’inclusion, en termes d’apprentissage dans les établissements. Nous avons vu la salle de classe numérique du centre de Parakou pour les personnes en situation de handicap visuel. Le numérique inclut, il n’exclut pas. C’est un outil d’inclusion et donc ces apprenants qui sont en situation de handicap visuel ont aussi besoin d’avoir accès à ces ressources et les dispositifs adaptés que le numérique permet, leur sont mis à disposition pour être également utilisés dans le cadre de leur apprentissage.

On va s’intéresser maintenant à un sujet qui préoccupe beaucoup de citoyens, le GSM, les opérateurs GSM. D’ailleurs, il y a quelques semaines, quelques mois, cette campagne #GigaFavi a embrasé les réseaux sociaux béninois. En êtes-vous informée ? Vous avez suivi cette campagne ?
Cette campagne est une manifestation des préoccupations des usagers des services mobiles, qui n’est pas nouvelle. Je pense que depuis que le GSM existe partout dans le monde, le triptyque qualité, abordabilité et surtout disponibilité, a toujours été une préoccupation pour les professionnels du secteur. Ils vous le diront, là où il n’y a pas de connectivité, là où il n’y a pas de service mobile, la première préoccupation de l’usager, c’est de dire “pourquoi je n’ai pas le service que les autres ont ?”, donc la question de la disponibilité. Une fois qu’on amène le service, les infrastructures, la question suivante qui se pose, c’est “est-ce-que j’ai la qualité qu’il me faut pour répondre à mes usages ?” Parce que les usages diffèrent d’un usager à l’autre ? Et une fois que vous avez réglé cette problématique d’usage, la question suivante, c’est, l’abordabilité. Est-ce qu’on ne peut pas faire moins cher ? Est ce qu’on ne peut pas aller plus bas ?
Le Bénin n’est pas une exception dans le monde par rapport à ces préoccupations. C’est pour ça que nous prenons toujours en compte ces préoccupations des usagers. Nous travaillons à cela et au fil des années, depuis 2016, vous avez vu les politiques publiques, les réglementations qui ont été prises par le régulateur, l’ARCEP ; parce que, aujourd’hui, il y a un encadrement des tarifs, donc les opérateurs fixent les prix de vente de leurs services dans cet encadrement qui est suffisamment large, que nous avons mis en place aussi pour éviter un écueil du passé qui ne permettait pas aux consommateurs d’avoir une diversité d’offres et surtout au secteur de se développer ; Parce que, en même temps que les consommateurs ont les services, ces services évoluent, les besoins évoluent, les opérateurs doivent investir.

C’est eux qui commercialisent leurs services et donc, ils ont cette obligation vis-à-vis du Bénin, de notre pays, d’investir pour donner encore plus de services innovants. Un équilibre doit être trouvé pour que tout le monde soit content et c’est ce travail que le ministère, le régulateur et les fournisseurs de services, nous faisons tout le temps, bien entendu, avec l’implication des associations de consommateurs.

Le gouvernement ne fixe pas les tarifs ?
Non. Le secteur des télécommunications, des communications électroniques, est un secteur libre, ouvert à la concurrence, donc les tarifs ne sont pas fixés. Seulement, dans les mesures de régulation, parce que la régulation a un rôle majeur à jouer, il peut avoir des encadrements de tarifs mais qui laissent la place à la libre concurrence dans le marché.

Les opérateurs GSM sont unanimes sur un fait : Ils ont tous eu recours à un moment ou un autre à l’appui du gouvernement, à travers bien sûr, le ministère du numérique et de la digitalisation. Il se confie ici d’ailleurs, Regardez.

Elément témoin
Le gouvernement apporte son appui aux opérateurs GSM. Ils le disaient d’ailleurs à l’instant, vous avez un mot à ajouter ?
Les opérateurs GSM et les opérateurs de services de communications électroniques en général, puisqu’il y a les opérateurs, les fournisseurs d’accès à Internet et les autres opérateurs ; le gouvernement, effectivement, leur apporte tout l’appui qu’il faut dans le cadre de leur fourniture de services. Ces opérateurs ont des licences qu’ils ont obtenues de notre pays, qui leur donnent des droits mais aussi des obligations. Nous veillons à ce que ces obligations soient respectées. Le régulateur gère ces aspects et de la même façon, nous les accompagnons également dans ce qui constitue leurs droits, pour une meilleure fourniture de services. Effectivement, nous restons entièrement à disposition et les relations, les conversations, sont assez fluides et constructives.

Parlant donc d’opérateurs GSM, il y a la SBIN.
La société béninoise d’infrastructures numériques qui, aujourd’hui, est un opérateur de gros, donc qui est un fournisseur des autres opérateurs, notamment en capacités, en bande passante ; est aussi un opérateur de détails.

Sur le volet détails, il y a la fourniture de services d’accès à Internet comme tout FAI, notamment les services fixes et la fourniture de services de communications électroniques mobiles. C’est dans ce volet que la cheminée, un opérateur mobile qui a obtenu également sa licence, donc le 3e opérateur dans notre dans notre pays.

Vous vous souvenez ? Nous sommes partis de 5 opérateurs mobiles, il y a encore quelques années et les réformes tendant justement à donner à notre pays, les opérateurs, suffisamment capables d’investir, de fournir des services innovants, de répondre aux fortes attentes et aussi à ce que le gouvernement avait déjà prévu de mettre en place. Tous ces services numériques qui doivent être accessibles de Cotonou à Malanville ; de kétou à Grand-popo etc, tous ces services devraient être accessibles par le biais de l’internet fixe mais aussi mobile.

Dans ces conditions, on ne peut pas se permettre d’avoir des opérateurs qui n’ont pas la capacité nécessaire pour investir dans tout le pays. Aujourd’hui, avec 3 opérateurs forts, nous savons que nous sommes en train d’atteindre cet objectif.

Depuis quelques mois déjà, la SBIN est confiée à une firme sénégalaise. Nous étions dans les locaux, la directrice nous parle des projets en cours.

Elément témoin
Alors Madame la Ministre, l’autre point essentiel qui tient aussi à cœur au gouvernement, est le projet e-éducation…

Le gouvernement travaille à la mise en œuvre de ce projet. L’objectif est de créer des systèmes d’information de nouvelles générations qui permettent d’améliorer la gouvernance et la gestion des services éducatifs. Suivons ce reportage sur l’atelier de cadrage du projet e-éducation.

Elément témoin
Madame la ministre du numérique, votre ministère songe-t-il à l’éducation, aux outils du numérique vu aujourd’hui les scandales de sextape, d’extorsion de fonds qui se multiplient ?
Déjà, oui ! la réponse à la question, c’est oui. Nous y songeons. Non seulement nous y songeons, mais nous prenons des actions concrètes et c’est ce qui a été montré dans l’élément.

Nous avons, dans le cadre de ce projet et de l’étude qui a démarré, plusieurs volets. Il y a le volet des infrastructures parce que comme je le disais tantôt, il faut d’abord avoir la connectivité, l’interconnectivité et d’ailleurs, dans l’enseignement supérieur, le projet de réseau béninois d’éducation et de recherche a fait un pas dans ce sens, avec, aujourd’hui, 10 sites universitaires connectés. C’est quand même assez important et nous allons faire la phase 2 avec les 12 sites restants. Les études sont déjà en cours.

Dans les autres ordres d’enseignement, le secondaire notamment, nous avons le numérique comme outil, mais aussi le numérique comme matière à enseigner à l’école, parce que nous savons que les élèves, les apprenants qui vont avoir leur diplôme, vous savez que notre gouvernement mise beaucoup sur l’enseignement technique et la formation professionnelle, donc aujourd’hui, même si vous apprenez un métier, c’est toujours important d’avoir des compétences numériques, donc il y a ce volet d’équipements de ces établissements.

Il y a les salles numériques que nous avons évoquées aussi, et bien sûr, le fait qu’au niveau des enseignants aussi, il est important que le numérique s’intègre à la façon d’enseigner.
C’est tout ça qu’on met dans le projet e-éducation plus tous les autres services dans nos universités, les inscriptions, le fait de donner les résultats en ligne, nous avons vu l’engouement que cela a suscité.

Sur les dérives qu’on peut aussi avoir avec l’utilisation du numérique, il faut guider les apprenants, il faut leur montrer aussi l’autre face de l’accès à toutes les ressources numériques en ligne. L’éducation à l’usage du numérique compte beaucoup dans notre pays aussi et nous œuvrons dans ce sens.
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Merci, je pense qu’on ne va pas finir cette question de e-éducation, Madame la Ministre, sans évoquer les autres initiatives puisque je vous ai vu également aller sur le terrain avec vos autres collègues pour la visite de nouvelles infrastructures en cours de construction. Concrètement, est ce qu’on peut avoir un point de tout ce que le gouvernement entreprend dans ce domaine-là ?
Vous parlez là de l’école des métiers du numérique. Nous avons effectivement fait une visite de site avec mes collègues de l’enseignement supérieur et de l’enseignement secondaire.
L’école des métiers du numérique vient répondre aux besoins de compétences techniques pour les projets de déploiement de fibres. En tout cas, pour ce premier cursus de l’école qui va porter sur les techniciens d’intervention Télécom. Après, nous allons élargir, bien entendu, parce que les besoins en termes de compétences numérique sont grands. Nous aurons des cursus par exemple comme les référents digitaux qui vont être un peu les guides dans les PME pour leur transformation numérique.
Cette école a vocation à offrir des formations, pas de très longue durée, mais qui vont permettre d’avoir les compétences nécessaires pour tout de suite être utilisables par les entreprises ; et beaucoup d’entreprises sont déjà impatientes de pouvoir avoir les apprenants, les diplômés certifiés de cet établissement pour pouvoir les utiliser ; donc nous sommes dans la phase active de mise en œuvre de ce projet.

Madame la ministre du numérique et de la digitalisation, vous venez d’hériter à nouveau du secteur ou si vous voulez, du sous-secteur des médias, c’est curieux qu’il ne nous reste que quelques minutes pour pouvoir en parler. Alors, au nombre de projets du PAG, on a vu la modernisation des médias du service public. De quoi s’agit-il concrètement ? Est-ce qu’on va créer peut-être une 2e chaîne publique ? Dupliquer l’ORTB ?
Bon, je vois que vous voulez mettre vraiment le temps à profit parce que vous m’avez posé, je pense, 3 ou 4 questions en une mais je vais vous répondre.

On va à l’essentiel…
Premièrement, le secteur des médias, un secteur très important pour le chef de l’État et pour le gouvernement de la République. Ce secteur est en train de bénéficier d’une grande attention. Vous avez vu que dans le PAG, au nombre des 7 projets, il y en a 3 qui relèvent du secteur des médias.
Parmi effectivement ces projets, nous avons celui relatif à la modernisation des services publics. Nos services publics doivent aussi s’adapter à leur nouvelle ère, donc c’est cette modernisation, on parlait justement des outils numériques. Aujourd’hui, il y a que ce soit en production, en diffusion, en mesure d’audience, il y a pas mal d’outils, pas mal d’infrastructures qu’il faut mettre en place pour améliorer la qualité technique de ces médias publics. C’est dans ce cadre que le gouvernement a jugé opportun que nos médias publics soient aussi au niveau des attentes et des besoins des populations. Vous savez que les médias publics ont une très grande audience, une large audience, C’est d’ailleurs un instrument de service universel d’accès à l’information des populations. Donc, ce n’est pas négligeable pour un État responsable. Il faut pouvoir apporter la bonne information, la bonne qualité à tous les citoyens parce qu’ils y ont droit. C’est dans le cadre de ce projet que nous avons fait l’audit technique, par exemple des installations de l’ORTB. C’est dans le cadre de ce projet que le gouvernement a aussi consenti à investir des centaines de millions de francs CFA dans la modernisation du réseau de diffusion FM parce que la radio est un des masses médias les plus écoutés. Beaucoup d’autres projets sont ainsi prévus. De la même façon, la télévision numérique terrestre également va être mise en œuvre, lancée.

La TNT, ça fait quand même des années qu’on en parle. Ce n’est toujours pas une réalité.
La TNT en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que, c’est plusieurs volets. Nous avons mis en place des infrastructures, j’ai eu l’occasion de le dire, sur l’ensemble du territoire. Un taux de couverture de plus de 95%. C’est un élément primordial à dire parce que beaucoup de pays ont fait des sites pilotes, ce qui a fait que vous avez la TNT pour des zones privilégiées et le reste du pays ne l’a pas. Au Bénin, ça ne sera pas le cas. La TNT sera disponible pour tout le monde.
Ces projets médias dans le PAG sont des projets importants et les budgets sont prévus à ce niveau-là.

Est-ce qu’on peut parler agenda, Madame la Ministre, à quelle échéance, par exemple, la TNT va être vraiment effective dans notre pays ?
La TNT est effective dans notre pays. La TNT, aujourd’hui, la dernière phase qui reste, c’est le fait que les populations puissent s’approvisionner en décodeurs, en infrastructures de réception dans les foyers. Et si vous avez suivi, et je sais que vous le faites, les décisions du Conseil des ministres, le gouvernement, en plus des fournisseurs qui ont été agréés par la HAAC, le gouvernement a décidé d’acquérir un certain lot de décodeurs, toujours dans l’optique, en pensant aux populations, de ne pas être dans une situation, par exemple de non disponibilité des décodeurs, parce que c’est ce qui permet aux foyers de recevoir. Mais les infrastructures de la TNT sont live, sont en service, donc nous avons une effectivité de ce service dans notre pays.

Et pour ce qui est de l’offre justement, on parle de la TNT. Vous avez parlé tout à l’heure de nouvelles chaînes. La TNT vient avec une attente forte en termes d’offres de service de télévision. Il ne vous a pas échappé que déjà, depuis le PAG 1, nous avions ce projet de chaînes sportives, culturelles. C’est une diversité d’offres télévisuelles qu’il faut bâtir et mettre en place. Et ça aussi, le gouvernement s’engage dans cette voie et bien entendu, le secteur privé également est appelé à le faire.

Les médias, ce n’est pas que la TNT, ce n’est pas que les médias de service public, c’est les médias de façon générale, vous avez hérité à nouveau de ce secteur.
Quels ont été déjà vos contacts avec ce secteur ? Quelles sont vos ambitions pour le secteur ?
J’ai dit à l’instant que pour la diversité du paysage audiovisuel, le gouvernement s’engageait, mais que les médias aussi, du secteur privé, s’engagent également dans le cadre de la TNT. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec les promoteurs des chaînes puisque nous l’avons fait de façon participative, notamment dans cette dernière phase pré-lancement.

Et j’ai également reçu les faîtières, l’UPMB et le CNPA pour qu’on parle justement des préoccupations. J’ai eu le plaisir d’entendre que ces faîtières envisagent également des réformes à leur niveau. Un peu à l’instar du gouvernement, ils ont identifié les éléments qui nécessitaient une adaptation et je crois que le progrès, c’est l’adaptation et donc ils sont en train de travailler sur cette question donc je pense que nous sommes dans la bonne dynamique.
Il y a encore des préoccupations qui demeurent, on n’aura peut-être pas le temps d’aller dans le détail, mais les questions de modèle économique dans les entreprises de presse, les entreprises de médias en général. Est-ce qu’il faut rester encore dans les modèles individuels où chacun a son entreprise de presse ou bien il faut bâtir des entreprises de presse solides qui ont un modèle économique viable ?

Peut-on le faire sans le fonds des médias ?
Ces choses-là nécessitent une réflexion profonde. Ce n’est pas que des opinions à émettre, mais des réflexions profondes à avoir, et c’est ce qui permettra ensuite de pouvoir montrer les éléments qui vont dans le sens d’une mise en place cohérente d’un fonds d’appui au développement des médias.

Vous nous avez fait une promesse à l’entame de cet entretien. C’est celle de parler du code du numérique. Vous avez cité comme un acquis de matérialiser la digitalisation en cours dans notre pays. Mais c’est vu par un certain nombre de citoyens plutôt comme un point négatif. Est-ce qu’on va procéder à une relecture du code du numérique ?
Moi, je connais des citoyens, et des citoyens qui sont gérants d’entreprises, qui apprécient le fait qu’aujourd’hui, nous avons une clarté dans le code sur ce qu’il faut faire quand vous voulez prester dans le secteur.

J’ai des citoyens qui apprécient le fait qu’aujourd’hui, bien que le numérique soit un outil favorable au développement, ce numérique entraîne aussi les dérives dont nous le savons, des citoyens sont contents que le code ait prévu des dispositions justement pour lutter contre la désinformation, pour lutter contre ceux qui veulent abuser justement de ces outils là pour commettre des forfaits.
J’ai des citoyens qui apprécient le fait que le code du numérique soit là pour aborder les questions de Cybersécurité.

J’ai des citoyens qui apprécient que quand ils doivent faire des transactions, et surtout dans la période COVID avec des entreprises à l’étranger et qu’ils doivent faire des contrats en ligne, que le code ait prévu ces dispositions.

Et comment réagissez-vous à ceux qui estiment que ce code est liberticide ?
Quand on parle de bon nombre de citoyens, il faut pouvoir dire de combien de citoyens nous parlons. Sur les questions qui suscitent la polémique, parce que nous sommes dans le secteur, effectivement, nous entendons et nous écoutons tout le monde. Effectivement, il y a eu des expressions de préoccupation par rapport à certaines dispositions du code. Je veux rappeler que le code c’est 647 articles et le code du numérique ne peut pas être réduit à la vingtaine d’articles qui semblent poser des préoccupations et d’ailleurs ces préoccupations, lorsque nous avons l’opportunité de les discuter avec ces entités, eh bien, nous arrivons à leur démontrer l’importance d’avoir cette disposition, justement pour permettre que nous ayons dans notre pays, un dispositif, un arsenal qui permet à chacun de faire ses activités et d’avoir justement des dispositions claires par rapport aux rôles et aux responsabilités.

Alors Madame la Ministre, nous avons fait l’exercice un an du 2nd mandat de Patrice Talon dans les secteurs dont vous avez la charge. Il était difficile de dissocier les actions du premier quinquennat de celles de celui en cours mais dites-nous, tout au moins, quelles sont les perspectives pour le secteur du numérique et de la digitalisation ?
S’il y a un élément ou deux, phares, que je voudrais souligner dans le cadre de ce PAG 2, c’est premièrement, la transformation numérique des collectivités locales. La dynamique qu’il y a eu au niveau central, le gouvernement veut l’apporter au niveau déconcentré, décentralisé parce que nous avons vu les effets, nous avons vu la valeur produite pour tous, pas seulement pour l’administration, mais aussi pour les usagers. Donc, cette transformation numérique des collectivités locales est un des éléments vraiment importants de ce PAG 2.

Le second, c’est en termes d’infrastructures. Vraiment de façon transversale, les infrastructures numériques pour tous les types d’usage, les usages fixes, les usages mobiles, l’accès des citoyens, des entreprises au haut débit. Ça va être également des investissements colossaux qui seront consentis dans le cadre de ce PAG 2. Je ne vais pas revenir sur les autres points mais ces deux points me paraissent essentiels à souligner.



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