Entretien avec Rufino d’Ameida : « Je me devais de rendre un peu à Bohicon ce qu’elle m’a donné »

Arnaud DOUMANHOUN 3 juillet 2020

Le maire Rufino d’Almeida expose sa vision pour le développement de la cité qui lui a tout donné. Ancien directeur de cabinet du ministre du plan et de développement, l’homme a au cours ses charges, mieux appréhendé les enjeux de la gouvernance locale, et se dit armé pour relever le challenge à Bohicon : « C’est ma ville de naissance, celle qui m’a donné mes premiers amis, l’éducation, où mes parents sont basés. Je me devais de rendre un peu à Bohicon ce qu’elle m’a donné ».

Pourquoi avez-vous voulu être maire ?
C’est tout simple. Il faut voir mon parcours. Je viens du privé, je suis avocat au barreau de Paris. J’ai fait l’expérience du privé, après j’ai eu l’opportunité au ministère du plan et du développement de faire l’expérience de l’administration centrale. Il ne me restait qu’une seule administration, celle décentralisée. Donc, j’avais cette opportunité de faire la troisième expérience d’une administration. Je rappelle que je suis administrateur public et privé de formation. On me connaît avocat mais pas souvent cela. C’était bien que je fasse toutes les expériences. Outre que Bohicon, c’est ma ville de naissance, celle qui m’a donné mes premiers amis, l’éducation, où mes parents sont basés. Je me devais de rendre un peu à Bohicon ce qu’elle m’a donné.

Rendre à Bohicon ce qu’elle vous a donné est une noble ambition. Concrètement comment cela va-t-il se traduire ?
Je suis dans un ministère dont l’une des directions a en charge le développement à la base. Je vois le rapport sur le développement de nos communes, et on ne peut pas toujours être fier. J’ai simplement voulu relever ce challenge-là. Me lancer dans la vision que mon parti, le Bloc républicain a du développement. C’est-à-dire apporter de l’eau, de l’électricité, un environnement sain, le développement de l’économie locale, être exemplaire et transparent dans la conduite des activités de la municipalité. Apporter de l’éclairage, engager la salubrité. Ce sont des actions simples, qui constituent chacune, un pas vers le développement.

Un vaste chantier mais avec quelles ressources comptez-vous relever le pari du développement de la ville carrefour ?
C’est sans doute mon premier chantier. Monter considérablement les ressources de la commune parce que sans ressources, on ne peut rien faire. Cela voudra dire que nous allons davantage réformer la gestion de nos unités marchandes essentiellement à Bohicon, les gares et les marchés. Ensuite consommer bien et vite les ressources allouées par l’Etat à travers le Fadec (le Fonds de développement communal) afin d’en avoir davantage. Mais aussi, mettre à contribution mon carnet d’adresse à l’extérieur pour que grâce à la coopération décentralisée internationale nous puissions également avoir quelques subsides pour engager le développement à Bohicon.

Quel pan de votre action sera réservé à l’intercommunalité notamment la cohabitation avec Abomey ?
Parmi les dix engagements pris par nous autres candidats du Bloc républicain, il y a justement la promotion de l’intercommunalité. C’est-à-dire la préparation et le soutien à des projets qui concernent plusieurs communes afin que chacune des communes puisse apporter sa force, sa population, ses moyens pour que nous puissions mieux gérer nos communes. Ça peut être le cas de certains projets. Si vous prenez par exemple une intercommunalité, qui est bien connue c’est le Grand Nokoué. Les communes les plus connues du Grand Nokoué sont Cotonou, Porto-Novo, Ouidah, Abomey-Calavi et autres. Je crois qu’on peut également imaginer un tel projet dans le département du Zou par exemple dans le cadre de l’enlèvement et le traitement des déchets. Tout comme ça peut être la construction de domaine agricole en commun. Nous savons très bien que Bohicon commence par manquer de terre alors que Djidja en a suffisamment. Pourquoi ne pas imaginer une collaboration entre les deux avec d’autres communes qui le souhaiteraient pour que nous initiions des projets agricoles. Je pense que c’est autant de possibilités que nous avons pour gérer les ressources pour nos communes mais aussi pour résorber quelque peu le chômage endémique qui frappe la jeunesse béninoise.

Pourquoi c’est votre personne qui a bénéficié de la confiance du parti pour conduire les destinées de la mairie de Bohicon ?
Le parti m’a choisi sans doute à cause de mon parcours. J’ai la chance sur beaucoup de venir d’un ministère qui a en charge le développement. Qu’est-ce qu’on nous demande de faire dans les communes ? C’est le développement. C’est ce que je fais au quotidien. Il va falloir mettre en application ce que je théorise, et que j’accompagne ici. Mais cette fois-ci, c’est moi-même qui serais au four et au moulin.

Quelle serait la partition du parti face à ce challenge ?
Le parti entend jouer un grand rôle. Vous n’êtes pas sans savoir que le dimanche 21 juin dernier, j’ai eu le grand bonheur en ma qualité du maire de Bohicon, de recevoir un atelier de formation de l’élu BR. Cet atelier a regroupé tous les maires BR élus au Bénin, et leurs premiers et deuxièmes adjoints. A ce rendez-vous étaient présents, les 59 membres du bureau politique sans oublier le bureau exécutif national, ainsi que les 10 ministres du gouvernement. Ce fut un atelier d’envergure nationale, la 3è réunion du Boc républicain après le congrès de Parakou et la rentrée politique de Porto-Novo. Il n’y avait pas moins de 250 participants et presque autant d’homme de soutien, garde-corps, chauffeurs. Voyez ce que cette activité a rapporté aux hôteliers, aux commerçants de Bohicon. Je suis heureux que le choix ait été porté sur ma ville. C’est également une reconnaissance du travail abattu par les militantes et militants non seulement de Bohicon mais de la région. Dans la 23è circonscription, lors des dernières élections législatives nous avons arraché deux sièges de députés sur les quatre. Ce qui a étonné. Lors des dernières élections communales cette propension à la victoire a été confirmée puisque des quatre communes de la circonscription nous en avons eu deux : Djidja et Bohicon que nous avons gagnées de fort belle manière en décrochant neuf sur dix arrondissements. Tout ceci pour vous dire que la réunion organisée par le Bloc républicain, c’est aussi pour que l’atelier continue aussi un clin d’œil envoyé aux militants de Bohicon qui ont œuvré inlassablement pour que le parti gagne. Je prends également cela comme une reconnaissance du parti envers les militants du département du Zou parce que vous savez que sur les neuf communes du Zou, le Bloc républicain en contrôle cinq. Donc, le Zou est conjugué aux couleurs vertes et blanches, les couleurs du Bloc républicain.

Le maire partagé entre la vision de son parti et les orientations du conseil communal, comment la gestion va-t-elle se faire ?
C’est le maire et son conseil exécutif qui sont aux commandes des communes. Cependant, aujourd’hui contrairement à ce qui s’est fait hier, ils ne sont plus des électrons libres. Ils ne sont là que par la volonté d’un parti politique. Ils doivent incarner les principes, les valeurs et la vision du parti. C’est pour cela que bien avant que nous allions aux élections, chaque candidat BR s’est engagé sur dix points qu’il opérationnalisera une fois élu.
Vous avez entre autres la démocratie, le développement local, la nécessaire exemplarité de l’élu BR, les libertés individuelles à préserver, l’obligation de formation, le nécessaire accompagnement du gouvernement (Pag), le développement de l’économie locale, l’emploi, la formation des jeunes et la transparence qui doit caractériser l’élu BR. C’est donc 10 engagements que l’élu a pris avant les élections. Maintenant qu’il est élu, il était important que le parti lui rappelle ces engagements et l’aide à les opérationnaliser. Avant cela, les élus sont outillés sur les droits, obligations et devoirs d’un maire. Vous savez qu’il n’y a aucune école qui forme les maires. Vous savez que le Bloc Républicain est un parti qui met l’homme au cœur du développement. Et ceci se traduit à travers l’allégorie : « Il vaut mieux apprendre à pêcher que de donner du poisson ». Lorsque vous leur donnez du poisson, vous serez obligés d’en donner tous les jours. Mais si vous leur apprenez à pêcher, ils peuvent se débrouiller. C’est cette philosophie qui est portée par le BR qui s’est traduite à l’atelier de Bohicon. Au cours de cet atelier, nous avons une formation politique qui a consisté à rappeler les principes, la vision et les valeurs. Le volet était technique. Il y a eu l’étude des textes sur la décentralisation. Il s’agit de comment mobiliser et augmenter les ressources d’une mairie afin d’avoir les outils idoines pour travailler. Ce fut un moment inoubliable, les débats étaient très nourris.

Nous sommes en pleine saison pluvieuse. Comment gérez-vous l’inondation ?
L’inondation est un vrai problème à Bohicon, comme dans d’autres villes. Je suis passé par Cotonou ce matin et la situation est critique. Malheureusement, les travaux de sortie d’eau sont des travaux très onéreux. Je crains qu’aucune commune au Bénin ne puisse seule financer ces projets. Cotonou a la chance d’avoir un projet d’assainissement pluvial de plus de 230 milliards Fcfa. C’est vrai qu’on ne pourra jamais avoir ces ressources, si ce n’est à compter sur l’Etat pour nous aider à canaliser les eaux de ruissellement provenant d’Agbangnizoun et de Djidja. Je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y a un tel projet dans le pipeline qui devrait permettre de réduire la souffrance des populations de Bohicon et des communes environnantes en cas de fortes pluies.

Comment expliquez-vous le projet de construction d’un nouveau Lycée à Bohicon ?
Il faut se rendre à l’évidence que Bohicon est une ville attractive. Une ville carrefour. C’est la ville de tout le monde. A partir de là, il est aisé à aux ressortissants du Mono, Couffo, Ouémé, Plateau, Atlantique, Littoral, Collines et du septentrion de résider dans cette ville. Le Conseil communal de Bohicon a été diligent dans la levée des conditionnalités pour recevoir ce projet. C’est donc tout cela qui a favorisé le choix et le maintien du choix porté sur la commune. C’est un Lycée de référence qui sera spécialisé dans la formation de nos jeunes aux métiers de BTP ainsi que dans la conduite d’engins lourds.

Bohicon est aussi une ville touristique. Avez-vous déjà pensé à la réhabilitation du site d’Agongointo ?
Je suis un enfant de Zakpo à Bohicon. Il n’y a que la voie qui sépare Agongointo de Zakpo. Je connais bien ce site. D’ailleurs, j’entrevois faire une visite dans les prochaines semaines pour m’enquérir des difficultés liées à ce joyau touristique. C’est un vestige du passé, du caractère intrépide et courageux de nos aïeuls, les rois, les amazones et autres guerriers du royaume de Danxomè. Nous avons vocation à mieux cerner le problème et à trouver dans les mois à venir les solutions convenables afin que Bohicon ne perde pas sa place de ville touristique et de ville mère, ville sans laquelle le royaume n’aura pas existé, puisque les fondateurs d’Abomey sont partis de Bohicon.

Vous démarrez sans votre premier adjoint au maire. Je veux nommer Armand Gansè qui a démissionné. Qu’est-ce qui s’est passé ?
J’ai bel et bien un premier adjoint au maire. Il s’appelle Joseph Bertin Agbo dont le père a été le plus grand bâtisseur que Bohicon ait connu de toute son histoire.
Vous avez compris qu’en 2 semaines, non seulement j’ai réussi à avoir un lycée de référence, mais j’ai également organisé la plus grande réunion de l’histoire du Bloc Républicain. Et je peux vous dire que, dans les tout prochains jours, j’aurai à organiser à Bohicon la journée mondiale de la population qui va drainer encore des milliers de personnes vers la ville de Bohicon qui, rappelons-le, est la première place hôtelière du Bénin.

Un message à l’endroit de vos compatriotes ?
Je voudrais dire à mes compatriotes de Bohicon que nous sommes là pour travailler. Je suis un politique, mais mon premier défi, c’est faire en sorte que la politique reste à l’écart de nos actions. Cela n’est pas une mince affaire. Mais je pense qu’ensemble, nous allons changer la physionomie de Bohicon.

Propos recueillis : Arnaud DOUMANHOUN



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