Imam Mahmoud Dicko sur Zone Franche de Canal3-Bénin : « Il n’y a jamais eu de démocratie de façon réelle. Il y a toujours eu un rapport de forces dans ce monde »

La rédaction 12 septembre 2022

Nous sommes dimanche 11 Septembre et votre émission Zone Franche va accueillir une personnalité charismatique incontournable du paysage public malien, charismatique prêcheur, dignitaire religieux musulman. L’homme occupe le devant de la sphère ouest-africaine. Ses positions sont parfois en désaccord avec les pouvoirs publics et la communauté internationale, mais il est droit dans ses bottes. Encore en mémoire le forum de Bamako, l’un des colloques les plus importants en Afrique où l’Imam a eu le verbe incisif. Avant d’entrer dans la sphère publique, l’Imam Mahmoud Dicko est d’abord une figure religieuse et populaire du Mali Depuis 40 ans, il officie dans l’une des plus importantes et grandes mosquées de Bamako, la capitale malienne, pays à plus de 95% musulman. L’homme a présidé pendant plus de 10 ans le Haut conseil islamique du Mali, structure de dialogue entre les autorités et les chefs d’organisations religieuses. L’Imam en séjour au Bénin depuis le 12 août dernier dans le cadre de l’installation du nouveau bureau de l’Union Islamique du Bénin, a à cœur le combat pour la démocratie dans son pays et le retour à la normale dans une sous-région ouest africaine gagnée par une certaine instabilité politique.
Egalement dans la sous-région, la situation sécuritaire dans la sous-région avec la montée de l’extrémisme violent, la gouvernance dans les pays de l’Afrique de l’Ouest confrontée à la crise des systèmes politiques. Que propose-t-il pour sortir la sous-région des désillusions après les coups d’Etat. 60 minutes pour s’interroger sur la démocratie en Afrique et les formes de gouvernance adaptées aux réalités actuelles et comment lutter contre l’extrémisme violent.

Depuis le 12 août dernier, vous étiez au Bénin, notamment à Bohicon pour l’installation de l’Union Islamique du Bénin. Comment les choses se sont-elles déroulées ?
Je vais profiter de votre plateau pour saluer tout le peuple béninois. Je n’ai pas oublié cet accueil mémorable qui m’a été réservé quand je suis venu pour l’installation du Président de l’Union Islamique du Bénin. Je profite de cela pour remercier mon frère et cadet, l’He Issa Salifou que j’ai connu depuis plus d’une décennie. Je l’ai connu pendant que j’étais Président du conseil islamique du Mali où lui-même s’est rendu là-bas, et nous avons collaboré ensemble pour l’installation de Sunna TV Sabana au Mali. Et depuis lors, nous avons vraiment gardé de très bonnes relations. Chaque fois qu’il va en mission au Mali, il passe me voir, et cela a créé une grande sympathie entre nous. C’est lui qui m’a fait le privilège de m’inviter à cette installation au Bénin. Il y a aussi le premier Vice-Président du Conseil islamique du Mali, le Directeur de Sunna TV Sabana et autres de la sous-région qui a ont été aussi invités. J’ai été agréablement surpris quand je suis venu ici. J’ai vécu une grande ferveur religieuse. Quand j’ai été à Bohicon, cela a été une découverte pour moi. J’ai rencontré une grande communauté de Peulh de la sous-région qui y sont établis et vivent en harmonie. J’ai même vu des compatriotes. Chose que je ne pouvais pas m’imaginer.

Il y a une forte communauté malienne au Bénin…
Evidemment, il y a non seulement une communauté malienne au Bénin, mais aussi une forte communauté peulh en provenance du Mali et de la sous-région. Cela a été pour moi une découverte. Je salue encore l’He Issa Salifou qui m’a permis de rencontrer ces compatriotes et ces frères de la sous-région, et partager avec eux beaucoup de choses qui m’ont donné l’idée de justifier ce second voyage. Quand j’ai rencontré cette forte communauté peulh, j’ai compris qu’il y a un besoin. Parce que là-bas, je me suis exprimé en peulh, j’ai échangé avec elle, et j’ai vu qu’il y a un besoin de parler avec cette communauté dans sa langue, de m’adresser à sa jeunesse. Pour rappel, la communauté peulh s’étend du Sénégal aux cornes de l’Afrique. Donc, il y a vraiment une frange de cette jeunesse africaine qui a besoin d’être écoutée.

A l’occasion de cette installation, vous vous êtes adressé à l’Union islamique du Bénin. Qu’avez-vous dit concrètement ?
Je ne suis pas quelqu’un qui a l’habitude de cacher ses émotions. Je dis ce que je pense. Effectivement, lors de cette cérémonie, j’ai écouté certains responsables politico-administratifs. L’on nous a dit là-bas que le Président béninois est quelqu’un qui écoute beaucoup, qui parle peu, mais qui agit. J’ai dit que, si tel est le cas, l’Afrique a besoin d’un tel président. Et aujourd’hui, nous avons besoin des hommes politiques qui écoutent beaucoup, qui parlent peu, mais qui agissent. Ce n’est pas que j’ai rencontré le Président Talon. Je l’ai dit franchement. J’ai appris des choses venant des autorités pour qui j’ai de la sympathie. Mais je pense que notre lutte doit être sous-tendue par la vérité. Ma surprise a été grande quand j’ai entendu des gens dire que j’ai rencontré le président Talon. Je suis franchement désolé de dire que cela n’a jamais été le cas. Je vais vous aussi dire quelque chose concernant les Français que j’ai entendu aussi. Depuis le changement au Mali, le 18 Août 2020, je n’ai jamais rencontré un responsable français, aucun responsable.

Pourtant, les gens disent que l’Imam Dicko est manipulé par les Français…
Je ne suis pas quelqu’un de manipulable. Et je n’ai rencontré aucun responsable Français. Je mets quiconque au défi de me démontrer le contraire.

N’y a-t-il pas eu de contacts que vous avez peut-être refusés ?
Aucun contact. Je ne sais pas ce que les autres mijotent derrière moi. Mais personnellement, je n’ai rencontré aucun responsable français, qu’il soit officiel ou officieux. Je ne connais pas le Président Talon, et lui non plus ne me connait pas. Je l’ai peut-être suivi à travers les médias. Mais je ne l’ai jamais rencontré. Jamais de ma vie.

Est-ce l’Imam Dicko est n’pas incompris ?
Incompris ou non, je suis venu au Bénin dans un cadre bien précis. Mais dire que j’ai été en contact avec le Président Talon, c’est quand même un peu grave.

Est-ce que votre statut de leader religieux ne fait pas de vous quelqu’un vers qui les politiques convergent ?
C’est peut-être cela aussi. Parce que je suis d’abord un dignitaire religieux. Je ne suis pas politique, je ne suis leader d’opinion.

Mais vous avez une influence dans le monde politique.
J’ai côtoyé ce monde politique, parce que j’ai vécu tous ces changements, depuis la révolution de 1991 à ce jour. Il se trouve que j’étais déjà responsable dans une structure religieuse. Donc, j’ai joué un certain rôle, notamment de médiation, d’interposition entre les groupes politiques et les gouvernants. J’ai eu vraiment à côtoyer le monde politique par ce canal. Cela fait que je les connais et ils me connaissent aussi.

Oui, mais avant vous, il y a eu des leaders religieux, même s’ils ne sont pas musulmans, qui ont pris une part active dans la consolidation de la démocratie. Dans une interview, vous avez dit : « Ce que je sais faire le mieux, c’est faire prier les gens ». En faisant ainsi, ne devenez-vous pas quelqu’un auprès qui les gens viennent prendre conseil de gouvernance ? Ne devenez-vous pas quelqu’un qui est aux manettes ?
Je ne peux pas me qualifier de quelqu’un qui est aux manettes. Mais je suis quelqu’un qui est un citoyen malien qui a vécu les évènements. Ceux qui ont fait la révolution de 1991 sont de ma génération. Ce sont des gens avec qui j’ai partagé beaucoup de choses. Il y en a qui sont mes collègues, puisque j’ai été aussi enseignant, Professeur d’Arabe. Nous avons partagé beaucoup de choses ensemble. Nous sommes de la même génération, de la même époque. Cela a fait que j’ai des liens avec beaucoup de gens. Cette génération montante, ce sont des gens que nous avons vu grandir sous nos yeux. Mais cela ne fait de moi quelqu’un qui est incontournable. Aucun homme, quel que soit son titre, n’est incontournable dans un pays.

Hermann disait tout à l’heure que vous êtes incompris parce que vous avez de ces prises de position un peu singulières aussi bien sur le continent que face à la communauté internationale. Que dénoncez-vous réellement ?
C’est vrai que je ne suis pas souvent compris. Comme on le dit, nul n’est prophète chez soi. Et généralement les hommes qui viennent pour opérer un changement ne sont pas compris au début. Et il faut accepter cela aussi. Tout le monde ne peut pas partager votre point de vue. C’est le vrai symbole de la démocratie. Et jamais, aucun prophète n’a fait l’unanimité. Cela veut que quelle que soit la justesse de ce que vous défendez, on ne peut pas être mieux que les prophètes. Mais ils ont été persécutés chez eux, à tel point qu’on dise désormais que nul n’est prophète chez soi. Donc, en réalité, je n’ai pas été souvent compris par mes compatriotes, par la communauté internationale. Parce que, pour moi, il y a un problème. Et ce problème, il faut accepter de le régler. Nous traversons aujourd’hui une situation dans ce monde : la gouvernance. Ce n’est pas seulement dans notre pays ou même sur notre continent. Mais c’est la gouvernance mondiale qui est en cause.

Qu’est-ce qui ne va pas ?
Ce qui ne va pas, vous le savez. L’Afrique est un continent. Avons-nous droit à la parole ? Avons-nous un veto ? Pouvons-nous refuser quelque chose quand les autres le veulent ? Comment peut-on parler de démocratie dans un contexte où tout un continent n’a pas le droit de refuser quelque chose quand les autres le veulent ? Ils peuvent s’imposer à lui. Quand ils veulent quelque chose que les autres ne veulent pas, ils peuvent l’en empêcher. De quelle démocratie parle-t-on ? Cela veut dire qu’il y a un problème dans cette gouvernance mondiale. Il n’y a jamais eu de démocratie de façon réelle. Il y a toujours eu un rapport de forces dans ce monde. Ceux qui sont les plus forts sont toujours ceux qui imposent leur réalité.

Si l’occasion vous est donnée de qualifier la démocratie en Afrique, que diriez-vous ?
Aujourd’hui, le continent africain se cherche. Nous sommes dans une situation où on est en train de subir. Le continent n’a jamais pris son destin en mains pour fixer le cap. Ce sont les autres qui disent quoi faire. Ils nous mettent dans un système où tout le monde parle de démocratie. On nous impose des changements. Ce ne sont pas des changements voulus par nous. Ce sont des changements qui nous ont été imposés. Il y a un problème. Il y a toujours un fossé entre les gouvernants et les gouvernés. Il y a toujours un problème entre ce peuple qui se cherche dans la misère et une élite qui se conforme à la volonté de ce que les autres veulent. On fait semblant en Afrique. Et c’est que je dénonce. Je ne veux pas des hommes qui font semblant. Il faut faire les choses telles qu’on doit le faire.
Souvenez-vous, en Afrique, il y a eu des programmes d’ajustement structurels avec la banque mondiale, le Fmi. Dans les années 1984, on a imposé à nos Etats certaines choses. Nous avons vécu cela avec les crises sociales que cela a engendrées. Parce que nos entreprises et autres ont été bradées, il y a eu la compression du personnel. On nous a imposé dans les années 1990-1991 la démocratie. C’est vrai que la démocratie est universelle et ne saurait être une marque déposée de quelqu’un. La démocratie, c’est pour l’humanité. Nous devons partager cette valeur entre nous. Cela n’appartient pas seulement aux autres. Même nos élections, pour qu’elles soient validées, il faut le quitus de l’Union Européenne et les autres organisations internationales, les autres puissances. Pourtant quand ils organisent les élections, ils ne nous invitent pas.

Comment faire pour obtenir cette cohésion au sein du continent africain pour qu’il y ait des positions fortes face à ceux qui nous imposent des systèmes ?
C’est pour cela que j’ai été sidéré quand j’ai écouté la déclaration de mon cadet que j’ai beaucoup respecté. Il est en train de mener ce que je trouve noble. Mais quand j’ai été moi-même victime de certains propos incohérents, je me demande si le combat en vaut la peine. Mais quand l’élite politique africaine, les gouvernants et les opposants, se comportent de cette manière, cela me laisse perplexe. Je deviens un peu pessimiste, malgré le fait que je suis de nature optimiste. Je crois toujours qu’il faut y aller et qu’on va obtenir quelque chose. En Afrique, le problème que nous avons, c’est le problème de l’élite africaine. C’est l’élite qui a failli. Et c’est cette faille qui explique la faillite du système africain.

On vous dira que l’élite a été formée par un système qui nous a également été imposé, puisque nous parlons Français.
Bien sûr que c’est vrai. Mais tout cela doit être mis sur la table afin de voir ce qu’il y a à faire. Je ne suis pas le genre de personne qui pense que telle ou telle personne est avec les Français ou avec les Américains. Je pense qu’il faut faire les choses avec beaucoup de méthodes et de réalisme.

Ne trouvez-vous pas cela gênant qu’après plus de 50 ans, on en soit à ce niveau.
Nous avons eu beaucoup de révolutionnaires que je salue au passage. Mais quand les choses ne sont pas faites de façon méthodique, et qu’on le fait sans la raison, on peut difficilement poser des choses durables. Nous avons besoin d’une révolution, mais pas d’une révolution spontanée, d’une révolution qui crie quelques jours et disparait. Nous avons besoin de poser de véritables jalons, de développement de notre continent, dans un système mondial qui nous impose de revoir notre façon de voir les choses. Nous allons, qu’on le veuille ou non, vers un nouvel ordre mondial. Ce désordre qui est créé maintenant va nous donner un nouvel ordre mondial. Puisque, après chaque désordre mondial, il y a un nouvel ordre mondial qui va s’installer. Et dans tout cela, quelles sont nos marques ? Moi, j’observe nos dirigeants.
Je vois notre élite. J’écoute ce qu’elle dit sur les plateaux. Je vois ceux qui s’agitent, qui défendent l’Afrique ou qui sont contre l’Afrique. Je pense qu’aujourd’hui, la situation mondiale, la marche mondiale doit nous imposer une approche un peu plus originale. Ce n’est pas en rejetant tout le monde. Il est question de pragmatisme. A travers ce qu’on observe aujourd’hui dans le monde, il n’y a plus de logique. C’est terminé. Toutes les doctrines qui ont eu à gérer le monde sont caduques. Ça n’existe plus. Il n’y a plus de capitalisme, ni de socialisme. Tout cela est terminé.

Imam Dicko, vous avez été acteur du changement au Mali. Dites-nous ce qu’il s’est passé.
Nous sommes en marche. Dans un changement, il ne faut pas se précipiter. Ce n’est pas parce que nous avons cherché le changement et qu’il y a des problèmes qu’il faut penser qu’ils vont demeurer. Chaque fois que vous posez un acte qui crée des problèmes, vous devez être là pour chercher des solutions à ces problèmes. Je pense réellement que le changement était nécessaire. Et nous l’avons fait, ce changement.

Qu’est-ce qui n’a pas marché pour que vous proposiez un changement que vous avez fini par obtenir ?
Ce qui n’a pas marché, c’était la gouvernance. Celui qui était là était un frère et un ami.

Vous êtes quelque peu gêné par le mode de gouvernance
Bien sûr ! Tout le problème que l’Afrique, voire le monde a aujourd’hui, c’est la gouvernance. C’est pour cela que je parlais de gouvernance mondiale remplie d’inégalité, d’injustice. Et c’est ce qui se reflète dans notre continent. La gouvernance était catastrophique dans tous les pays du continent. Les gens s’agitent. Tout le monde cherche à améliorer la situation tant bien que mal. Mais tous ces problèmes auxquels on est en train de faire face aujourd’hui sont en réalité le résultat d’une gouvernance. Depuis que j’ai été Président du Haut conseil islamique où les crises ont commencé dans notre pays, j’ai toujours martelé à l’Union Européenne, l’Onu et autres que les crises que nous avions ont toujours été des crises de gouvernance. Nos gouvernants ont des problèmes. On essaie de s’adapter à ce que les autres nous disent de faire.

On copie des modèles qui ne sont pas adaptés à nos réalités
Non seulement ils ne sont pas adaptés, mais aussi ils ne sont bien muris.

Qu’est ce qui fait la difficulté de l’Afrique de l’Ouest à s’adapter à ce modèle. On assiste à des coups d’Etat au lendemain desquels on assiste à des désillusions ?
Les responsables disent que ce sont eux qui vont changer les choses. C’est faux. C’est le peuple qui va changer les choses. C’est avec le peuple qu’il faut le faire. Il ne faut pas vendre des illusions au peuple. C’est pour cela que les gens ont déchanté quelques mois ou années après qu’on leur a promis monts et merveilles.

Pensez-vous que les dirigeants sont à l’écoute de ceux qu’ils gouvernent ?
C’est d’ailleurs pour cela que j’ai été très enchanté quand j’ai entendu quelqu’un dire que le Président Talon écoute beaucoup. J’aime les gens qui écoutent. Parce que pour comprendre, il faut écouter. Quand on me dit que quelqu’un écoute, je pense que c’est une bonne chose. C’est au moins un début. On doit écouter. Ecouter, c’est être préoccupé de savoir ce que l’autre pense, ce qui le préoccupe. C’est en écoutant qu’on peut savoir tout cela.

Que pensez-vous de la méthode de gouvernance imprimée au Bénin ces 6 dernières années ?
Je ne connais pas le Bénin, encore moins sa situation. Il m’est difficile de donner aujourd’hui une opinion par rapport à cela. Ce que j’ai dit, ce sont des propos qui ont été tenus en ma présence lors de l’installation du bureau. J’ai aussi appris qu’il y a un Haut-Commissariat rattaché à la Présidence qui s’occupe de la sédentarisation des éleveurs. J’ai trouvé l’idée vraiment géniale et très intéressante. Parce que le problème que nous vivons dans la sous-région en fait partie. Et cette idée doit être un début de solution. Le problème des éleveurs, il ne faut pas le minimiser. Si on n’y prend garde, et qu’on n’y trouve pas une solution durable, cela peut nous rattraper et déstabiliser, pas seulement la sous-région, mais toute l’Afrique. Moi, je viens du mali qui est un pays du Sahel. Je viens du Nord du Mali, notamment dans la région de Tombouctou. Donc, je sais de quoi je parle. Aujourd’hui, la dégradation de l’écosystème est en train de créer une situation terrible dans le sahel en général et au Mali en particulier. C’est que le Nord est en train de se vider, parce que peuplé par des pasteurs qui sont obligés de se déplacer vers d’autres endroit pour manger ou vivre. La situation est telle qu’il y a une forte pression sur le sud. Le cheptel du Mali, peut-être le tiers ou la moitié, se trouve dans les pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina, le Ghana et même le Bénin. Donc c’est une population qui n’a pas de statut. Les enfants n’ont pas d’acte de naissance. Ils n’ont pas droit à l’école. Ils sont souvent en brousse. C’est là-bas qu’ils doivent vivre, parce qu’ils ne peuvent pas vivre en ville avec des animaux. Donc, ils deviennent des proies faciles, des cibles faciles à atteindre. Aujourd’hui, il y a ce problème qui n’est pas seulement idéologique mais qui est aussi un problème de société qu’on n’est pas en train de bien gérer.

Il y a une forte communauté qui est souvent visée dans cette affaire à tort ou à raison, c’est la communauté peulh surtout dans le conflit entre éleveurs et agriculteurs dans lequel elle est souvent indexée. Quelle est votre analyse ?
La communauté peulh est indexée à tort mais ça peut être expliqué par ces raisons que j’étais en train de vous donner. Moi, je comprends que cette communauté vit du pastoralisme et ne peut pas rester sur place. C’est pourquoi, j’ai dit que l’idée dont j’ai entendu parler qui est de sédentariser les éleveurs doit être approfondie. Le premier qui a pensé à cette idée, c’est le souverain peulh qui a été le fondateur du royaume théocratique du Massena, le roi Séko Amadou. C’est lui qui a pensé le premier (puisque c’est un éleveur) à ce que les éleveurs peuvent être sédentarisés. Il a pensé que pour faire un royaume, un pays, il faut quand même le stabiliser et il a commencé à faire ce travail. Mais après lui, je n’ai plus entendu quelqu’un, un responsable quelconque qui a pensé à cette idée. C’est pourquoi quand j’ai retrouvé cette idée ici, cela m’a enchanté et c’est quelque chose qui doit être expérimenté. Au Mali, nous avons toute une communauté qui est en train d’immigrer du nord vers le sud et qui devient flottante avec des populations qui n’ont pas de statut, qui ne sont pas recensées et dont les enfants n’ont pas d’actes de naissance. Par conséquent, ils n’ont pas le droit d’aller à l’école. Il y aura de problèmes aussi parce qu’ils se sont installés désormais dans des milieux qui ne sont pas leurs milieux naturels. Ils viennent et ils s’installent à côté d’un village pendant un moment. Or, les populations du village ont besoin de cultiver cet endroit occupé et les chassent vers d’autres endroits. C’est ainsi qu’ils errent partout en Afrique et il faut trouver une solution à cela. Le djihadisme est donc venu révéler cette faille parce qu’aujourd’hui, eux, ils sont des cibles faciles auxquelles on peut faire croire des choses et leur faire des lavages de cerveau en leur disant qu’ils sont victimes des gouvernants. Donc ils vont les convaincre qu’il faut se faire justice soi-même. Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe dans le monde inondé par les armements qui sont là, la responsabilité est partagée bien que le terrorisme n’est pas à justifier, car nul n’a le droit d’ôter la vie à quelqu’un parce qu’il n’est pas content de lui. On ne justifie pas le terrorisme mais on peut l’expliquer.

De votre position de leader religieux, comment le message se transmet-il à l’endroit des fidèles car au-delà de la communauté peulh, c’est la religion musulmane qui est également visée, puisqu’on entend que ces terroristes avant d’égorger ou de tuer disent Allah Akbar ?
Tout cela doit être observé avec beaucoup de responsabilité et voir réellement quel est le problème, diagnostiquer le mal, connaitre en profondeur les raisons. Quand un jour, quelqu’un a parlé de Boko Haram, j’ai dit que les gens au Nigéria doivent se poser beaucoup de questions. Nous, en Afrique, on doit se poser beaucoup de questions en nous demandant pourquoi nos propres enfants se transforment en des monstres incontrôlables. Qu’est-ce qui s’est passé ? Où est-ce qu’on a failli pour que nos enfants ne trouvent d’autre forme d’expression que de se transformer en monstres à qui personne ne peut parler ? Il y a quand même des raisons qu’il faut avoir le courage de chercher. C’est pour cela que j’ai demandé à ce qu’on parle à ces jeunes gens, qu’on dialogue avec ces jeunes gens. Il faut dialoguer parce que si vous ne parlez pas avec quelqu’un, vous ne pouvez pas le situer. Qu’est-ce qu’il est ? Qu’est-ce qu’il veut ? D’où lui vient cette idée ? Où est-ce qu’il veut aller ? Avant de parler de négociation.

Est-ce-que l’Afrique n’est pas malade du fait que les réformes sont mal pensées ?
Il ne faut pas trop s’alarmer. Il y a un problème pour le moment mais on ne peut pas dire que tout est perdu. Moi j’ai de l’espoir, je suis optimiste et je pense qu’on peut trébucher mais on finira par se relever.

Qu’est-ce que vous proposez concrètement pour que les modes de gouvernance en Afrique soient des modes acceptés de tous et que cette jeunesse comprenne réellement le message de leurs dirigeants ?
Il faut que les dirigeants soient aussi des dirigeants honnêtes. Que le message ne soit pas populiste ou pour gagner seulement des élections. Nous avons des hommes politiques et non des hommes d’Etat, c’est le problème que nous avons. L’homme politique, son souci, c’est d’être élu ou réélu et ça, c’est son problème. Ce n’est pas un homme d’Etat car un homme d’Etat, c’est celui qui pose des jalons pour les générations futures, c’est des hommes d’Etat. Malheureusement en Afrique, nous avons des hommes politiques et leur problème, c’est le mandat, c’est comment être élu ou réélu et si cela n’est pas possible, il pense faire tout écrouler. Le continent a besoin qu’on y pense autrement.

Quelle fierté tirez-vous de la situation au Mali ?
Est-ce que je peux être fier ? Même quand je marche sur l’or au Mali et que le reste de l’Afrique est dans la misère, ou même l’humanité, on ne peut pas parler de fierté. Tous les hommes sont mes frères. Je ne vois pas la chose en terme seulement du Mali ou de l’Afrique mais de l’humanité, de l’homme que Dieu a créé et honoré. Cet homme subit aujourd’hui ce qui se passe par la faute d’autres hommes. Ce qu’on invente aujourd’hui, les armes de destruction massive, ce n’est pas contre les fauves mais c’est contre les hommes et c’est l’homme qui prépare ça. On est en train de nous armer partout. Il ne faut pas qu’on se fasse des illusions, les marchands d’arme ne peuvent pas être des promoteurs de la paix. Un marchand d’armes, son intérêt est de vendre l’arme. Pensez-vous qu’il peut être le promoteur de la paix ? Ce n’est pas possible.

Vous parlez de ce qu’il faut communiquer, dialoguer avec la jeunesse parce que le manque d’informations pose problème. Vous avez procédé au lancement d’une chaine de télévision fulfude, et la langue du peulh y sera parlée. Quel est l’objectif que vous visez à travers la mise en service de cette chaine de télévision ?
Encore une fois, permettez-moi de remercier sincèrement mon frère et cadet, l’honorable Issa Salifou parce que cette invitation pour venir à Bohicon a été pour moi une découverte, ça m’a donné une inspiration pour penser qu’il y a quelque chose qui manque et il faut trouver ça. J’ai fait un centre au Mali à Bamako qui s’appelle ‘‘Centre de l’Imam Dicko pour la paix et le vivre-ensemble dans les pays du Sahel’’. Mon objectif, c’est de vraiment contribuer à trouver des solutions pour ces problèmes du djihadisme. Mais je n’ai pas pensé à cet outil combien important qui est la communication, avant de venir ici où je me suis retrouvé dans l’obligation de faire un discours en peulh en parlant à cette communauté. Le discours que j’ai émis, l’écho que cela a eu à travers le monde, à travers les réseaux sociaux, m’a permis de savoir qu’il y a quelque chose qui manque, je me suis dit qu’il faut trouver ça. C’est de ça que j’ai discuté avec le frère, l’honorable Issa Salifou, de la mise en place de cette chaine et par la grâce de Dieu, le lancement a déjà eu lieu en Fulfudé. Donc nous allons parler en peulh et nousadresser à cette jeunesse, engager aussi un débat doctrinal parce que nous avons besoin de ça. Nous allons inviter de grands savants du monde musulman et qui parle la langue peulh pour essayer vraiment de conscientiser la jeunesse, d’aller dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent. Quel est le discours qu’il faut tenir à l’endroit de cette jeunesse ? Je le dis bien, cette jeunesse, cette communauté subit une injustice terrible, il faut l’accepter et il faut le dire. C’est des gens qui errent. C’est pour cela je l’ai dit quand j’ai écouté aussi cette idée qui consiste à sédentariser les éleveurs cette fois-ci, pas seulement la communauté peulh mais les éleveurs de façon générale. Le problème entre éleveurs et agriculteurs, si on n’y prend garde, ça va se poser. J’ai compris que nous avons besoin d’un outil pour communiquer, pour parler, pour convaincre et orienter cette jeunesse.

Est-ce que vous ne craignez pas de ne pas pouvoir convaincre une jeunesse qui est déjà emballée et radicalisée ?
Il faut faire la part des choses aussi. Il y a une jeunesse urbaine et une jeunesse qui ère en brousse. Il y a une différence. Il y a effectivement un problème au niveau de la jeunesse urbaine, elle est manipulée par l’élite, les hommes politiques. Ce sont eux qui font comprendre à cette jeunesse qu’ils peuvent avoir de l’argent facilement sans se fatiguer.

Est-ce qu’en tant que leader religieux, vous n’avez pas été trop silencieux ?
Il y a une réalité à laquelle il faut faire face et que j’accepte volontiers. D’abord, je suis un religieux et de surcroit musulman et ça pose énormément de problème. Le fait que je suis musulman gène beaucoup de gens. Ils n’acceptent pas qu’un religieux et musulman soit à la tête d’une révolution. Vous avez vu qu’après immédiatement la révolution, quand le régime a chuté, je me suis retiré pour ne pas créer de problèmes à mon pays.

Les gens ont qualifié cela d’un faux départ ?
Non, ce n’est pas un faux départ. Moi je sais ce que je fais. A ce que je sache, je suis un religieux, je suis un musulman. Aujourd’hui, les musulmans, de façon générale, sont stigmatisés dans le monde. Et je suis un imam de surcroit. Quelqu’un qui est connu pour ses prises de position, ils vont penser autrement. C’est une autre comédie qui vient. On veut faire de la révolution islamique. On va vraiment amener mon pays dans des problèmes. Je ne suis pas là pour créer des problèmes à mon pays.

Votre retrait porte préjudice à la session actuelle du Mali. Vous êtes retiré, vous n’êtes plus écouté et vous préférez attaquer par médias interposés. Est-ce vous ne risquez pas de voir la situation pourrir dans votre pays le Mali ?
Vous savez, pour toute chose, il y a quand même la situation qu’il faut voir. Au tout début, si je m’étais impliqué avec beaucoup de force, cela va peut-être aussi donner d’autres situations. Avec tout ce qui circule dans notre pays comme djihadistes et autres, même à tort, je serais accusé d’être sympathisant. Il faut faire énormément attention pour ne pas ajouter plus aux problèmes auxquels l’on fait face. Pour ne pas donner à cette jeunesse qui est là, qui cherche de solutions, plus de problèmes. Moi-même qui suis là, je deviens un problème pour eux, comment ils vont gérer avec les occidentaux. Donc j’ai préféré vraiment me retirer. Je l’ai fait volontiers pour mon pays et pour l’Afrique.

Est-ce que c’est un retrait vraiment sincère et est-ce à dire que désormais vous vous consacrez à votre vie religieuse ?
Je suis dans mon pays et tous ceux qui sont là-bas, beaucoup d’entre eux sont mes enfants. Il y a quand même 40 ans que j’officie dans une mosquée. Et certains acteurs n’étaient pas encore nés. On a beaucoup de relations et, malgré les crises et tout, on continue vraiment à vivre ensemble en bonne intelligence

Entre temps dans votre engagement pour la démocratie au Mali, il y a eu des critiques à votre encontre. A travers ce qu’on lit sur les réseaux sociaux, on pense que vous vous êtes retiré peut-être parce que le francs CFA est passé par là. Vous avez reçu de l’argent, vous vous êtes retiré sans vous assurer que les réelles solutions seront trouvées face à ce que vous dénoncez dans le passé.
C’est vrai, cela peut paraître un peu précipité de me retirer mais la situation était telle que moi, de mon point de vue, je peux me tromper parce que personne ne sait la réalité absolue. Je peux me tromper dans mes analyses mais je me suis dit, en tout cas, à l’époque, j’ai joué ma partition, il faut maintenant laisser les états-majors politiques jouer leur rôle. C’est leur rôle et ils doivent vraiment prendre leurs responsabilités.

Certains ont dit que vous avez fonctionné de façon à dire tout sauf Ibrahim Boubakar Keita
Pas du tout. Ibrahim Boubacar Keita, je vous dis au passage que c’est un frère à moi. C’est un grand ami. On a partagé énormément de choses ensemble. Je prie vraiment pour le repos de son âme. C’est quelqu’un qui aime bien faire mais cela n’a pas été le cas. Et si cela n’a pas été le cas, pourquoi je dois le choisir, le privilégier au détriment de tout le peuple malien ?

C’est toujours la question de gouvernance qui a été la pomme de discorde entre vous ?
Absolument !

La situation aujourd’hui au Mali, c’est que des localités continuent d’être saccagées, le décombre des macabres, des morts sont comptés, des familles qui sont en brousse. Est-ce que l’espoir suscité par les coups d’Etat ne s’estompe pas finalement ?
C’est vrai qu’on ne peut pas nier aujourd’hui qu’il y a des problèmes. Et puisqu’il y a de problèmes, il faut chercher des solutions. Le jour où il n’y aura pas de problème, le monde va cesser d’exister. Il y aura toujours des problèmes quelle que soit la situation. Je regrette vraiment ce qui se passe aujourd’hui dans mon pays. Les morts qui se comptent
et ces problèmes, ce sont des choses qui ne sont jamais souhaitables. Mais comme je le dis, l’espoir est permis.

Qu’est-ce qui fait la difficulté des chefs d’Etat de la sous-région ouest africaine un peu comme le Bénin, le Mali et d’autres pays à s’entendre pour lutter contre le terrorisme ?
Je ne sais pas puisque je ne suis pas en leur sein, je ne connais pas leur politique. Donc il est difficile pour moi de les juger comme cela pour dire que voilà les difficultés, voilà les raisons pour lesquelles ils ne sont pas ensemble, c’est difficile.

Pendant que Bénin travaille à sédentariser les éleveurs, on peut par exemple dire que dans une même politique, d’autres pays qui sont attaqués peuvent travailler de sorte à aboutir aux mêmes résultats.
Je crois et c’est pour cela que j’ai parlé des initiatives et je pense que c’est une idée géniale. Mais pourquoi ne pas poser ce problème au niveau même de la CEDEAO pour voir comment il faut donner une certaine envergure à cette idée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dans le cadre aussi de la lutte contre la marginalisation des franges de populations qui sont des laissés pour compte, qui deviennent des proies et des cibles faciles pour tous les vendeurs d’illusions. Je pense réellement que ces idées sont très géniales et méritent d’être approfondies par des gens qui sont avertis et qui savent, puisque par rapport à cette affaire, il faut savoir de quoi il s’agit. Mais il ne s’agit pas d’aller manger. Je ne suis pas contre que les gens s’arment, le fait qu’on aille payer des armements. Mais avec ces armements, on tue des personnes qu’on doit protéger et nourrir. Et c’est pour cela que le problème est un problème tant sérieux. Il faut le faire. Il faut avoir une l’armée, ceci et cela mais aujourd’hui, nous avons besoin d’un peu de lucidité pour étudier ce phénomène, pour savoir le pourquoi, pour chercher les tenants et les aboutissants, pourquoi tout cela. Vous avez parlé de quelque chose que j’ai beaucoup aimé. Cette jeunesse urbaine qui se radicalise, c’est réel et dans toutes les capitales régionales, cette jeunesse se radicalise et se révolte parce qu’il y a un problème de gouvernance qui est là. Parce que tout simplement entre les actes qu’on pose, ce qu’on promet à cette jeunesse, et les réalités que le monde nous impose, il y a un problème. Donc, je suis vraiment d’accord que l’approche, la vision, la façon de faire soient aujourd’hui l’idéal.

Vous parlez tantôt de la jeunesse. Il y a cette jeunesse plus large qui pense que l’eldorado, c’est à l’extérieur. On préfère y perdre de sa vie embarquée dans des navires.
C’est regrettable mais vous voulez que cela soit quoi ? Ce sont les responsables qui doivent vraiment créer les conditions de maintenance de cette jeunesse. S’ils ne les créent pas et que cette jeunesse pense que chez elle, il n’y a plus de solution, il n’y a plus d’espoir, il ne peut en être autrement.

Est-ce le désespoir qui les amène à prendre tout ce risque ?
Mais tout ce risque pour aller ailleurs c’est le résultat du désespoir parce que tout simplement on leur a pas fait comprendre que la richesse, ce n’est pas cela. C’est dans la tête des hommes. Nous on n’est pas pauvres, nous sommes un continent qui a tout. Quand quelqu’un n’est pas orienté, il n’est pas accompagné mais cela ne suffisait pas. Sa seule intelligence, sa seule façon de voir les choses ne suffit pas. Il faut qu’il sache que chez lui, il peut aussi développer quelque chose qu’ailleurs, là où il va, ce sont des hommes qui ont travaillé et ce qu’il y a, ce n’est pas descendu du ciel. Donc on peut changer. Maintenant, quand il y a divorce entre l’élite et cette jeunesse, entre les responsables politiques qui promettent monts et merveilles à cette jeunesse qu’ils manipulent avec l’argent et à travers les réseaux sociaux, quand cela ne va pas, il y a un divorce entre cette jeunesse et l’élite, la jeunesse pense alors qu’il faut aller voir ailleurs.

On a vu votre lecture des pays pris individuellement mais quand vous prenez la CEDEAO et l’Union africaine, ce conglomérat des chefs d’Etats africains. Quelle est votre lecture du fonctionnement de ces institutions sous régionales ?
J’ai beaucoup de respect pour les chefs d’Etats et beaucoup de respect pour les institutions qui sont des institutions africaines. Le respect pour l’Afrique me recommande de respecter aussi les institutions telles que l’Union africaine et tout cela. Mais je pense réellement que nous avons besoin d’avoir un autre regard, une autre approche, une autre façon de faire. Ce n’est pas encore cela, pas du tout.

Quand on parle de la CEDEAO, il y a aussi la question de la limitation de mandat qui fait aujourd’hui débat ?
Ecoutez ! limiter ou pas limiter, le seul juge, c’est d’abord le peuple. Moi je ne m’inscris pas pour nécessairement dire aux gens de limiter ou de ne pas limiter. Ça, c’est le peuple qui doit faire son travail.

Oui mais si le peuple veut intervenir après, ce sont des coups de force avec des morts au besoin. Alors que quand on va dans les urnes, c’est direct, pacifique, démocratique et tout ?
Les urnes aussi sont perverties. Mais en réalité en Afrique, le problème des urnes, cela pose de problème. C’est pour cela les élections sont contestées. Au Mali, cela a été le cas il y a un moment. Et dans beaucoup de pays, aujourd’hui, c’est le même problème. Il y a même la difficulté de savoir qu’est-ce qu’un coup d’Etat et ce qu’il n’est pas. C’est quand les élections sont truquées, quand les opposants sont malmenés, quand personne n’a droit au chapitre et on s’impose comme on veut. Mais quelle est la différence entre cela et celui qui prend le fusil aussi pour s’imposer ? Vraiment il y a un problème.

Pour la question de Hermann, je vois un peu où il veut en venir. A travers vos déclarations, on comprend qu’il faut en finir avec les hommes politiques pour en venir aux hommes d’Etat. Est-ce qu’on peut être un homme d’Etat lorsqu’on fait des promesses et qu’on ne respecte pas les textes, c’est-à-dire qu’on a deux mandats constitutionnels, après ces deux mandats, on essaie d’épousseter les textes très rapidement, on se proclame et on se pose candidat et dans les rues, quand le peuple veut réagir, ce sont des morts et des drames alignés.
Ce ne sont pas des hommes d’Etat mais des hommes politiques. Parce que ce qui les préoccupe eux, c’est le pouvoir. Ce n’est pas le choix de ce peuple qui crée le problème. C’est comme cela que moi, je vois les choses parce que celui qui est là qui pense qu’il doit s’imposer par la force pour être là et quand bien même une partie du peuple n’est pas d’accord avec ça, quand bien même qu’il y a des règles qui ont été fixées et malgré tout cela, il pense qu’il faut changer ces règles et faire ce qu’on veut, je dis non. Il est là pour qui ? Comment on peut parler de démocratie dans ce sens ? c’est pour cela que je dis que l’élite pose un problème.

Dans la sous-région, c’est vrai, il y a des pays qui ne connaissent pas pour l’instant l’extrémisme violent même s’ils sont tout de même inquiets. Qu’est-ce que vous proposez de façon concrète pour prévenir l’extrémisme violent au niveau des pays qui, pour l’instant, ne sont pas encore concernés ?
L’extrémisme violent n’est pas que religieux. C’est cela qui trompe les gens. Et souvent, c’est parce que nos gouvernants ont failli que les gens basculent dans l’extrémisme violent. Et cet extrémisme peut conduire des gens plus loin.

Déjà les politiques échouent et on condamne les religieux ?
Bien sûr, puisqu’avec l’extrémisme violent, on fait même un procès à l’islam pour parler de l’islamisme violent. L’extrémisme est l’extrémisme. Le radicalisme est le radicalisme. Il y a le radicalisme politique, il y a l’extrémisme politique, ce n’est pas lié aux religions.

Un mot sur la situation entre le Mali et la Côte d’Ivoire
Je regrette qu’il y ait cela entre deux pays frères. Je pense que la raison va triompher. Nous trouverons une solution vraiment pacifique et honorable à cette situation.

Votre mot de la fin
C’est d’abord vous remercier et tout le peuple béninois et singulièrement mon frère cadet He Issa Salifou pour saluer combien cet acte est important pour que je voir venir car je n’ai jamais pensé à cela. C’est grâce à lui et par la grâce de Dieu que je pense à cette structure de communication dans nos différentes langues pour cibler la jeunesse aujourd’hui qui est prise en chasse par des vendeurs d’illusions. Je le remercie beaucoup, je remercie vos téléspectateurs et je demande pardon s’il y a eu abus ou excès de langage parce que cela peut arriver.
Transcription : Journal Fraternité



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