Le maire Christian Houétchénou, à cœur ouvert sur le développement de Ouidah « Notre vision, c’est de bâtir une ville prospère en valorisant ses potentialités touristiques et culturelles… »

Moïse DOSSOUMOU 11 septembre 2020

Depuis un peu plus de trois mois, c’est un intellectuel bon teint qui a pris les rênes de la commune de Ouidah. Cadre du ministère des finances, Christian Houétchénou entend mettre son expertise au service de sa commune en vue de valoriser davantage son potentiel touristique, culturel et cultuel. En lien avec le gouvernement qui y investit énormément, il compte apporter la touche de la commune à cette œuvre afin que l’ensemble de la commune présente un aspect moderne et attrayant. Ces défis, il entend les relever avec les forces vives de la Cité notamment pour ce qui est de l’accroissement des ressources propres mais aussi avec le concours de tous les Béninois appelés à œuvrer pour le rayonnement de la Cité des Kpassè dont la renommée dépasse nos frontières.

Que peut-on retenir de votre parcours professionnel ?
Après le Bac scientifique, j’ai fait une maîtrise en gestion des organisations et plus tard un DESS en gestion des projets et développement local. J’ai travaillé en tant que cadre au ministère des finances de 2001 à 2017 essentiellement au contrôle financier, au contrôle a priori, au contrôle budgétaire, à la préparation du budget, à la préparation de la loi de finances et enfin j’ai servi à la Direction générale du budget en qualité de chef service collectivités locales. C’est à ce poste que la coopération allemande a négocié mes compétences en tant que expert principal en charge des finances publiques et de la réduction de la pauvreté.

Qu’en est-il de votre engagement politique ?
Il faut dire que je suis un militant dans l’âme. Dès mon plus jeune âge au cours primaire, je souhaitais déjà être responsable de classe. Mais comme j’étais souvent le plus jeune de la classe, je n’avais toujours pas cette chance de diriger mes camarades. C’est à partir de la 3ème que j’ai ressorti mes velléités et à partir de la 2nde, j’ai commencé par avoir des responsabilités en classe et au niveau de l’établissement. Tout cela m’a conduit à militer dans les mouvements estudiantins dès mon entrée à l’université au sein de la Fédération nationale des étudiants du Bénin. Parallèlement, j’étais assistant de mon oncle député feu Agbozognigbé Emmanuel pour la législature 1999-2003. J’étais le seul membre de la famille qui m’intéressait à la chose politique. Tout cela a renforcé en moi mes compétences en politique.
J’ai donc adhéré à la Renaissance du Bénin dans les années 1994 avant mon entrée à l’université et j’y ai milité jusqu’en 2002. Après les premières élections communales, il y a eu des clivages et j’ai dû quitter pour m’occuper un peu de ma carrière administrative. Mais, je n’ai jamais laissé la chose politique. J’avais gardé de très forts liens avec différents acteurs politiques. J’ai mis un bout de temps pour observer avant de m’engager à nouveau. J’ai fini par entamer un flirt avec l’Alliance Force clé à partir de 2005 pour devenir militant de l’Union fait la nation en 2012. Tout naturellement, je suis devenu militant de l’Union progressiste.

Quel était l’état des lieux de la commune à votre prise de service ?
A notre arrivée, nous avons trouvé que sur le plan administratif, il y a des difficultés, parce qu’il n’y a pas assez de cadres. On a à peine 4 ou 5 cadres sur un effectif de 130 à 140 personnes. Cela pose vraiment un problème en termes de disponibilité des compétences. Ensuite, il faut dire que la ville n’a pas beaucoup de ressources propres parce que les contribuables ne paient pas les impôts et la ville n’a pas réussi à discuter avec le gouvernement pour mettre en place des mécanismes qui lui permettront de tirer des revenus de sa ressource naturelle principale qui est le tourisme. Cela a fait que la commune vivote. Tout ça reste des grands défis à relever.

Quelles ont été vos premières actions à la tête de la commune ?
Quand vous prenez la direction d’une vieille commune comme Ouidah où il y a beaucoup de personnalités, une commune où on retrouve le plus grand nombre de cadres au Bénin et que vous êtes jeune, vous devez vous imprégner des réalités, discuter avec les différents acteurs, recueillir leurs appréhensions et préoccupations et voir comment intégrer tout ça dans un ensemble cohérent qui puisse faire fonctionner la machine. Sinon, tout de suite la machine va s’enrayer sur de petits détails et de petites mal compréhensions. Ensuite, quand vous venez à la tête d’une ville où les jeunes sont désœuvrés malgré leurs années de formation à l’université et trainent à longueur de journée dans les ruelles pour s’adonner à des choses pas sérieuses, vous devez prendre le taureau par les cornes et revoir le système de gestion. Tenant compte de ces deux grands défis majeurs et des contraintes qui sont les nôtres, on a décidé de relancer fortement la machine du développement local. Cela nous a obligé à échanger avec les différents acteurs sur les priorités que nous avons et partager avec eux la vision afin d’avoir leur adhésion. Il y a de grands problèmes qui vont se poser. Le gouvernement va ériger de grandes infrastructures dans la ville. Cela va nécessiter qu’on casse parfois, cela va demander des expropriations. Il faudrait que les populations soient capables de comprendre et d’accepter que le développement passe par là. Ensuite, il y a les questions du foncier. Il faudra mettre les jeunes au travail, leur trouver un boulot décent dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat et ailleurs. Il faudra donc négocier les terres et régler les questions de litiges domaniaux qui font 90% des dossiers en instance au tribunal. Nous avons d’abord décidé de prendre le côté de la négociation et de l’accompagnement des grandes collectivités familiales ainsi que des forces vives de la commune de Ouidah. Dans ce cadre, nous avons rencontré quelques personnalités, cadres et hauts dignitaires religieux pour avoir leur accord et appui. Ensuite, nous avons posé une base très claire pour mettre les jeunes au travail. C’est ainsi que nous avons mis en place une commission statutaire chargée de la formation, de l’entrepreneuriat et de l’emploi des jeunes. Cette commission a travaillé et a fait en sorte qu’une première cohorte de cent jeunes soit formée et installée dans les domaines du maraîchage et de petit élevage. En effet, nous avons reçu des demandes de certaines entreprises en matière de production maraîchère et de volaille.

Comment se fait-il que la ville soit un nid d’intellectuels et qu’il n’y ait qu’une poignée de cadres à la mairie ?
La difficulté, c’est le recrutement. Les mairies ont hérité du personnel des anciennes sous-préfectures. Des gens sont partis à la retraite et au niveau des nouvelles recrues, il n’y a pas assez de cadres. Il faut aussi dire que les communes n’ont pas les moyens de payer de hauts cadres. Du coup, on fait avec ce qu’il y a comme personnel.

Vous parliez tantôt de vision. Quelle est-elle ?
Notre vision, c’est de bâtir une ville prospère en valorisant ses potentialités touristiques et culturelles tout en permettant à ses fils et filles d’avoir un cadre décent de vie. Cela veut dire que nous allons pouvoir nous appuyer sur le potentiel touristique et culturel de la ville, c’est-à-dire le tourisme patrimonial, culturel, sportif, médical et des affaires pour faire en sorte que de petites et moyennes entreprises prospères dans différents maillons de valeur de la chaîne du tourisme. Cela permettra aux habitants d’avoir un cadre de vie décent.

Parlant de la vision, le gouvernement vous a déjà donné un grand coup de pouce à travers les projets inscrits dans le Pag…
Il faut dire que le gouvernement fait un très grand pas en lançant plusieurs grands projets touristiques dans la commune de Ouidah notamment la construction de la marina, la réhabilitation de la place des enchères, la reconstruction à l’identique du fort portugais, la construction du musée international et de la mémoire de l’esclave, la reconstruction des murs du fort français, la réhabilitation de la route de l’esclave, la pose du bateau négrier et beaucoup d’autres choses. Tout cela va attirer de grands groupes hôteliers qui ont commencé par s’installer progressivement. Mais cela ne suffit pas, parce qu’il faut voir tout cela dans un cadre global. Tous ces projets se situent dans 4 arrondissements (Djègbadji, Avlékété, 1er et 4ème arrondissement). En plus, des 41 divinités de Ouidah, il n’y a qu’une seule qui ait été prise en compte par le gouvernement à savoir la divinité Sakpata. Les 40 restantes, il faudra les identifier et les réhabiliter. La mairie devra le faire pour que tout cela rentre dans un cadre harmonieux. Il ne faudrait pas que les réalisations du gouvernement soient coquettes et que juste à côté ce qui est fait à la mairie ne soit pas du même standing. Ensuite, les routes et pistes doivent être aménagées, entretenues et éclairées pour assurer la sécurité des touristes. Il y a l’ancienne ville qui est très sale où il est noté la divagation des animaux. On devra mettre un terme à tout ça. Il y a aussi les anciennes maisons coloniales et familiales qu’il faudra réhabiliter, les rues piétonnes à paver pour faire en sorte que tout cet ensemble soit harmonieux et donne un aspect agréable. Voilà les grands défis que nous devons relever. Nous sommes entrain de consigner tout ceci par écrit avec l’aide des experts et voir comment nous pouvons revoir un peu le plan de développement communal.

Où comptez-vous trouver les ressources pour faire face à toutes ces charges ?
C’est là le grand challenge. Si ces choses ne sont pas faites, la commune ne sera pas prête pour accueillir les touristes. Cela reste un défi à relever aussi bien pour nous exécutif communal, mais aussi pour les fils et filles de Ouidah et également pour tous les Béninois puisque Ouidah reste aujourd’hui la plus grande vitrine touristique du Bénin et de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons l’obligation de travailler à bâtir Ouidah qu’on soit de Natitingou, de Lokossa ou d’ailleurs.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU



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