Menaces sur la coprospérité entre le Nigeria et le Bénin : Yayi renonce au pouvoir à cause de la victoire de Buhari

Angelo DOSSOUMOU 1er avril 2015

Boni Yayi, Président de la République du Bénin

C’est le scoop de l’année. Après l’annonce hier par le parti d’opposition All Progressive Congress (Apc) de la victoire du Général Muhammadu Buhari, son candidat à l’élection présidentielle au Nigeria, face au Président sortant Goodluck Jonathan, les Béninois eux ne tarderont pas à aller aux urnes pour élire un nouveau président. Et pour cause. Au vu de la défaite du président Goodluck Jonathan sur qui il a beaucoup misé et avec l’arrivée annoncée du Général Buhari, l’actuel locataire du palais de la Marina est K.O. Il a donc, en toute liberté, décidé de renoncer au pouvoir à un an de la fin de son mandat. Dans quelques jours, soit le 6 avril prochain, le président Boni Yayi, de façon solennelle, fera l’annonce à ses compatriotes.
En effet, la victoire de Buhari a définitivement fait perdre au président Yayi, ses illusions de coprospérité entre le Bénin et son géant voisin de l’Est, de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 et le rêve d’un troisième mandat. Autant quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent et sauver ce qui peut encore l’être. C’est donc dans cette logique et surtout pour sauver la coprospérité entre le Bénin et le Nigeria qui lui est si chère, que Yayi a décidé d’écourter son mandat à la tête du Bénin. Car, des sources proches du chef de l’Etat affirment que la victoire de Buhari est une bien mauvaise nouvelle pour le chef de l’Etat béninois. Boni Yayi et son entourage ont compris, à quelques jours des élections législatives pour lesquelles, ils comptent avoir au moins 50 députés pour donner des chances au projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 de passer que les données sont véritablement en train de changer en Afrique et dans la sous région. Les appréhensions sur de probables effets de contagion de la victoire de Buhari au Bénin ont fait perdre le sommeil au président Boni Yayi. D’ailleurs, c’est la première fois au Nigeria qu’un gouvernement sortant sera chassé du pouvoir par les urnes. Un signe qui ne trompe pas.

Des raisons économiques
De plus, les souvenirs du règne du président Umaru Yar’adua, un président du Nord comme Buhari qui plus est un Général, ne sont pas pour rassurer Yayi. Pour rappel, la coopération entre le Bénin et le Nigeria n’a pas été au beau fixe sous l’ancien président Yar’adua. Et pour qui sait que l’environnement économique nigérian a une influence sur les indicateurs macroéconomiques du Bénin et même des autres pays qui l’entourent, il y a de quoi que le régime de Cotonou ait perdu le sourire. Pour être plus complet sur l’importance du Nigeria pour le Bénin, il est à noter comme l’a si bien dit le Professeur John Igué, que le Bénin est en réalité un Etat-entrepôt du Nigeria, première puissance économique en Afrique avec un marché d’environ 200 millions d’habitants et plus de 60% du produit intérieur brut dans la Cedeao. D’autres n’hésitent même pas à affirmer que « Quand le Nigeria éternue, le Bénin s’enrhume ». Tout ceci puisque les importations par voie de contrebande sont évaluées à 90 milliards voire 129 milliards. Sans oublier que le trafic de l’essence frelatée y occupe une place de choix. Mais tous ces avantages que le Bénin tire du Nigeria peuvent être remis en cause avec l’arrivée de Buhari, un homme de poigne qui s’est déjà illustré lors d’un précédent séjour à la tête du Nigeria. L’exemple de 2002 où les Béninois ont dû faire face aux mesures d’interdiction d’importation de certains produits sensibles est encore là. A l’époque, une quarantaine de produits avaient été prohibés sur le marché nigérian après avoir transité par le port de Cotonou (véhicules d’occasion, poulets congelés, cosmétiques, lait, sucre, blé, pâtes alimentaires, huiles etc.) et les conséquences économiques qui s’en sont suivies sont encore dans les mémoires. Aussi, le Nigeria de Buhari peut faire du Bénin ce qu’il veut en jouant sur sa monnaie et en foulant aux pieds le partenariat gagnant-gagnant qu’a entretenu les présidents Goodluck Jonathan et Boni Yayi. Le locataire de la Marina est conscient de tout ceci et sait que Buhari ne lui fera aucun cadeau. Alors, il a logiquement décidé de démissionner de la présidence de la République pour que le bilan de ses neuf années de règne ne soit annihilé par la dernière année qui, normalement, devrait courir à partir du 6 avril prochain. Car, elle s’annonçait d’ores et déjà économiquement difficile avec Buhari à la tête du géant de l’est. Mais Yayi qui a l’art de toujours surprendre tout son monde, a décidé autrement en optant pour la démission. Comme quoi, le Bénin est fortement dépendant du Nigeria, et quand le « chanceux » Goodluck vient à être battu aux élections, il n’y a que ceux qui ne comprennent rien à rien qui puissent être surpris que l’homme du K.O Yayi, craignant les coups de Buhari, ait fait l’option de prendre sa retraite avant l’heure. Mais d’autres voient à travers cette démission inattendue, une manière pour le président Yayi de s’éviter le retour de la manivelle à la fin de son règne, surtout avec tous ses démêlés avec des opérateurs économiques. Il ne reste aux Béninois qu’à s’apprêter dès l’officialisation de cette démission à lui souhaiter, de bons prêches avec son ami Goodluck Jonathan, un repos paisible au milieu de sa famille et qu’il profite encore pour des dizaines d’années de l’Akassa et du bon poisson braisé au piment du 1er avril. (Poisson d’avril).



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