Patrice Talon, capitaine d’un dériveur ou d’un quillard ?

2 septembre 2024

Le bateau rupture est entré en eaux troubles. Il navigue à contre-courant des vents forts et doit maintenir malgré tout le cap tout en évitant des écueils parfois d’une sournoise traîtrise.
Fraichement rentré de vacances, (à supposer que c’en était vraiment) depuis quelques jours, Patrice Talon ne peut bénéficier du moindre répit. Il reprend le gouvernail pour affronter des courants rapides, des tourbillons et des gorges profondes que sa propre gouvernance ainsi que l’opposition politique en face ont dressé sur son chemin. Il sait que des pirates sont à l’affût, prêts à l’abordage à la moindre avanie.
Le vent de travers qui constitue une menace immédiate vient de l’ouest. Sur fond d’un scénario hollywoodien, un « kidnapping » aurait permis à un commando spécialiste d’un certain sport de combat de ramener au pays, pieds et poings liés, un compatriote qui était depuis longtemps dans le viseur des pouvoirs publics. « Frère Hounvi », grand pourfendeur de la gouvernance et juge impitoyable autoproclamé de la morale et de la conscience de Patrice Talon, est inculpé de harcèlement par voie électronique, incitation et publication de fausses nouvelles par le biais des réseaux sociaux et provocation directe à la rébellion. Depuis, un collège d’avocats, l’ordre des Avocats du Bénin, l’opposition unie pour la première fois pour une conférence de presse et autres syndicats s’insurgent et menacent. Comme pour leur donner du grain à moudre, le Procureur de la République du Togo donne de la voix, condamne « l’enlèvement » de Frère Hounvi qui avait trouvé refuge sur le sol togolais, identifie les auteurs et des complices. Il saisit Interpol contre les premiers tandis que les seconds sont mis aux arrêts. Autant dire que ceux qui appellent de leurs vœux un incident diplomatique et une protestation vigoureuse suivie de mesures radicales de la part de l’Etat togolais sont légion. Et ils y travaillent de toutes leurs capacités.
S’il parvient à passer ce cap, Patrice Talon devra aussi préparer le bateau rupture à affronter les vents debout de ses adversaires politiques qui préparent obus et torpilles pour empêcher qu’il franchisse le cap de 2026 avec succès. Alors qu’ils sont supposés animer la vie politique et préparer des candidats à l’élection présidentielle, les partis, tous bords confondus sont frappés d’agonie et sont devenus quasiment aphones. Et l’on s’interroge sur la valeur ajoutée de la réforme du système partisan dont le procès pourrait être relancé avec plus de virulence, à mesure qu’on se rapproche de l’échéance.
Les problèmes induits par la rentrée scolaire, la variole du singe et la peste porcine ne sont pas des moindres dans la balance des écueils. Sans compter les nombreux chantiers annoncés dont certains nécessitent toute l’attention et la concentration du capitaine de bord pour un achèvement heureux.
Au demeurant et en comptant avec tous ces facteurs défavorables ainsi qu’avec l’inévitable turbulence qui marquera le vote du budget exercice 2025 à l’Assemblée nationale, Patrice Talon doit aussi pouvoir réunir une majorité de sympathisants à la cause du Bénin pour placer les différents cadres positionnés pour représenter le pays dans différentes institutions internationales.
Autant dire que le cap n’est pas facile à maintenir. Mais le capitaine a repris du service avec son style particulier pour gérer les situations difficiles.
Une façon de montrer à tous qu’il tient solidement la barre et que le bateau rupture ne sera dérouté sous aucune contrainte imposée. En somme qu’il n’est pas aux commandes d’un dériveur mais d’un quillard.

Anicet Carlos Oké



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