Entretien avec Martin Vihoutou Assogba et Blanche Clarisse Sonon : « Grâce au Programme PartiCiP, la gouvernance locale s’est nettement améliorée au Bénin »

Isac A. YAÏ 29 décembre 2020

Après huit années de mise en œuvre dans les communes du Programme de participation citoyenne aux politiques publiques au Bénin (PartiCiP I & II), l’heure est au bilan au niveau de l’Ong Alcrer et de Social Watch Bénin, les deux structures d’exécution de ce programme mis en œuvre grâce à l’appui financier de l’Ambassade des Pays-Bas près le Bénin. Dans cet entretien, Martin Vihoutou Assogba, le Président du Comité de Pilotage et de Suivi (Cps) du programme et Blanche Clarisse Sonon, la vice-présidente dudit Comité, lèvent un coin de voile sur les résultats obtenus et les défis identifiés pour une meilleure participation des citoyens à la gestion des affaires publiques au niveau local.

Amorcé en décembre 2012, le Programme PartiCiP arrive à terme ce 31 décembre 2020. Quel sentiment vous anime après les huit années d’exécution de ce programme de gouvernance ?
Martin Vihoutou ASSOGBA : En ma qualité de Président du Comité de pilotage du Programme PartiCiP, je puis dire que c’est un sentiment de grande satisfaction mais aussi de profonde reconnaissance qui m’habite. En ce moment où nous arrivons au terme de la seconde phase du Programme PartiCiP, nous notons avec satisfaction que nos deux organisations, Alcrer et Social Watch Bénin ont honoré leur engagement vis-à-vis de leur partenaire technique et financier mais aussi à l’endroit de notre pays le Bénin d’apporter une contribution significative à l’amélioration de la qualité de la gouvernance à la base. Ce n’était pas gagné d’avance mais avec détermination et l’engagement de toutes les parties prenantes que sont les Cellules de Participation Citoyenne (Cpc) - nos bras opérationnels dans les communes -, les élus locaux, l’administration communale, les services déconcentrés de l’Etat, les préfectures, les populations mais aussi le partenaire financier qu’est l’Ambassade des Pays-Bas, nous sommes parvenus à impulser une nouvelle dynamique en matière de gouvernance dans les communes. Nous notons avec satisfaction que la Société locale a été fortement aguerrie grâce à PartiCiP pour pérenniser la veille citoyenne, que les élus locaux ont bénéficié de nouveaux outils et approches pour garantir une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques locales et favoriser une meilleure implication des citoyens au processus de développement de nos communes.

De façon concrète, quels ont été les résultats obtenus grâce à la mise en œuvre de PartiCiP dans les communes du Bénin ?
Blanche Clarisse Sonon : Ils sont nombreux et font notre fierté. D’abord, au niveau des citoyens qui sont les bénéficiaires finaux de nos interventions. Grâce à PartiCiP, l’accès à l’information dans les communes s’est beaucoup amélioré et les citoyens sont mieux informés sur les initiatives de développement des élus. Leur présence est de plus en plus remarquable lors des sessions des conseils communaux au cours desquelles les décisions sont prises pour le développement local. Sur un autre plan, ils sont davantage impliqués à la définition, à la mise en œuvre et au suivi des initiatives de développement mises en branle par les conseils communaux. A titre d’illustration, le Budget Participatif (BP) promu par Social Watch Benin et Alcrer dans les communes, met les populations au cœur du processus d’identification de leurs besoins prioritaires, à la mobilisation des ressources pour leur satisfaction ainsi qu’au suivi de leur réalisation. Au cours de l’expérimentation de cette approche en 2018 et 2019 dans six (06) communes pilotes avec l’accompagnement technique et financier de PartiCiP aux communes bénéficiaires, la mise en œuvre du BP a permis de mobiliser plus de huit cent millions (800.000.000) francs CFA pour construire et équiper des modules de classe et des centres de santé, ériger des hangars dans les marchés, ouvrir des voies d’accès, acquérir des lampadaires solaires, construire des ouvrages de franchissement, réaliser des FPM (forage équipé de pompe à motricité humaine), construire des magasins de stockage de produits agricoles ainsi que des blocs de latrines etc. Ce sont des réalisations concrètes à l’actif du Programme PartiCiP. Grâce à ce programme, les OSC à la base, réunies au sein de la CPC, ont bénéficié d’une multitude de formations sur des thèmes aussi variés que le budget communal, le budget participatif, le plaidoyer et le lobbying, l’accès à l’information, la corruption, le Genre etc. Ces renforcements de capacités ont permis de faire avec efficacité la veille citoyenne sur les chantiers dans les communes ; toute chose qui nous autorise à dire aujourd’hui qu’il n’y a plus d’éléphants blancs dans les communes puisque l’attribution des marchés de réhabilitation ou de construction, le respect des délais d’exécution des chantiers sont étroitement surveillés par les CPC. En ce qui concerne la transparence dans la gestion des fonds publics, le programme PartiCiP a permis d’obtenir le titre d’observateur pour une quinzaine de CPC qui veillent également au grain ; toute chose qui a fait reculer la corruption et les fraudes dans les marchés publics.

Qu’en-est il de la redevabilité dans les communes ? Le dialogue entre les élus et les citoyens est-il désormais une réalité dans les communes ?
Blanche Clarisse Sonon : Absolument ! l’un des objectifs majeurs du programme PartiCiP était de faire institutionnaliser la reddition de comptes des élus aux populations. Nous sommes heureux de dire que désormais, au Bénin, c’est un acquis et que tous les conseils communaux sont astreints à l’obligation d’organiser, au moins deux séances de reddition de comptes par an, aux populations. Le respect de cette obligation est d’ailleurs l’un des critères phares pour l’octroi des fonds Fadec aux communes.
Il faut dire qu’en plus de cette reddition classique, le Programme PartiCiP a fait de la reddition de comptes financière, c’est-à-dire la production des comptes de gestion, l’une de ses préoccupations majeures. Ainsi, il a permis à nos organisations d’appuyer la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dgtcp) à hauteur de plus de trente millions (30.000.000) francs CFA pour rattraper les comptes de gestion en retard de plus de quinze communes. Dans ce sens, un plaidoyer a été fait pour que l’apurement desdits comptes au niveau de la Chambre des comptes de la Cour Suprême soit plus régulier afin que les fonds publics soient mieux gérés.

Pour finir, que convient-il de retenir de ces huit années de mise en œuvre de PartiCiP dans les communes ?
Martin Vihoutou Assogba : Nous retiendrons que grâce à PartiCiP, Alcrer et Social Watch Bénin ont apporté une contribution significative à l’amélioration de la participation citoyenne, de la transparence et de la reddition des comptes dans la gestion des politiques publiques au Bénin.
Cette conviction se fonde sur les résultats éloquents obtenus dans les soixante-deux (62) communes d’intervention du programme avec notamment l’introduction de nouveaux outils de gouvernance des affaires publiques tels que le Budget participatif, le Suivi d’Impact Local Participatif (SILP), l’adhésion des élus à l’accès des citoyens à l’information des usagers des services publics, au principe de la reddition régulière de comptes aux citoyens, l’enracinement de la veille citoyenne au sein des communes, le renforcement des capacités des Osc à la base pour une meilleure participation à la gestion des affaires publiques locales, la contribution à une meilleure implication des femmes à la gestion des affaires publiques locales.
Au moment où le Programme PartiCiP arrive à terme, j’adresse, en mon nom personnel et au nom des Ong Alcrer et Social Watch Benin, notre infinie gratitude à l’Ambassade des Pays-Bas pour son appui technique et financier qui a permis d’obtenir tous ces résultats au profit du développement de nos communes.



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