Opération annoncée de libération de la bande côtière : Talon allie rigueur et compassion

Moïse DOSSOUMOU 14 mai 2021

Il y avait de quoi donner des sueurs froides aux résidents et aux promoteurs de divers commerces. Installés sur la bande côtière notamment sur l’axe abritant la route des pêches, les intéressés étaient sommés de vider les lieux au plus tard ce jour, vendredi 14 mai. Entamés il y a quelques années puis suspendus, les travaux de libération de l’espace côtier en vue de son embellissement sont imminents. Le mot d’ordre du ministère en charge du cadre de vie était sans équivoque. Tous les occupants des lieux devaient plier bagages illico presto. S’étant retrouvés dos au mur, les promoteurs des maquis et restaurants vivaient déjà dans la hantise de voir leurs investissements partir en fumée, tant les signaux étaient au rouge.

Un passé douloureux
Il faut dire que le régime actuel n’a pas l’habitude de faire des cadeaux aux populations lorsqu’il s’agit de libérer l’espace public. Les habitants de Cotonou garderont pendant longtemps l’amer souvenir de cette fameuse opération de libération des espaces publics qui a fait grincer des dents. Sans ménagement et quelquefois sans discernement, les bulldozers aux ordres des autorités incarnant l’exécutif ont tout rasé sur leur passage. Déroutées et inconsolables, les victimes ont dû faire contre mauvaise fortune bon cœur. Des milliers de ménages ont ainsi payé un lourd tribut à cette volonté du gouvernement de libérer les trottoirs des commerces qui l’occupaient. Si l’intention est bonne, les conséquences économiques ont été par contre douloureuses.

Noble objectif
L’espace à libérer sur l’axe de la route des pêches sera aménagé afin d’offrir plus d’attractivité aux visiteurs et aux touristes. Si le défi de la salubrité de nos plages a été gagné notamment à Cotonou et à Togbin, il reste celui de l’embellissement. C’est d’ailleurs à cette fin que le ministère du cadre de vie a haussé le ton. Ainsi, 500 000 plants de cocotiers importés seront mis en terre et entretenus jusqu’à leur croissance. De quoi changer radicalement le visage de cette bande.

La surprise Talon
Ayant instauré une gouvernance ferme, rigide voire implacable, Patrice Talon s’est donné ces 5 dernières années l’étoffe d’un dirigeant qui fonce quand il a pris une décision. Les victimes de l’opération de libération de la côte étaient donc déjà convaincues que la messe était dite pour elles. Puis, comme par enchantement, la donne change et les sourires reviennent sur les visages fermés et crispés. Comme s’il avait perçu les multiples SOS lancés par les commerçants installés sur le site à libérer, le chef de l’Etat s’intéresse davantage au dossier. Après s’être longuement entretenu avec les membres du comité en charge de cette opération, Patrice Talon s’est déplacé en personne sur les lieux pour mieux toucher du doigt la réalité. Ainsi, le mercredi dernier, le chef de l’Etat était sur la route des pêches. Une visite concluante à plus d’un titre. Partant sur le principe selon lequel les intérêts des uns et des autres seront préservés, plusieurs décisions ont été prises au grand bonheur des personnes se trouvant sur ce tronçon.
Primo, les maquis et restaurants ne seront plus détruits. Cerise sur le gâteau, les promoteurs seront invités à sécuriser leurs investissements en signant des baux conséquents avec l’administration. Secundo, la zone sera viabilisée, donc bientôt pourvue en eau et en électricité. Tertio, les pêcheurs seront relogés dans un village qui leur sera dédié du côté nord de la route. Pour ne pas perturber la scolarité de leurs enfants, ils seront maintenus sur place jusqu’aux grandes vacances.

Une main de fer dans un gant de velours
A l’évidence, Patrice Talon s’aventure ainsi sur le terrain du social qui reste le parent pauvre de sa gouvernance. Veut-il se montrer plus souple que par le passé ? Tout porte à le croire. S’il a pu lâcher du lest sur une opération de libération de l’espace public alors qu’il y a tout juste 3 ou 4 années en arrière, le ton était au durcissement sur le même sujet, quelque part, de l’eau a coulé sur le pont. Il faut saluer à juste titre cette flexibilité que beaucoup de Béninois appellent de leurs vœux. Des centaines d’emplois ont été ainsi préservés du simple fait de la volonté du chef de l’Etat de soutenir l’initiative privée. « L’enfer est pavé de bonnes intentions », dit-on souvent. Il ne sert à rien d’avoir de bonnes intentions s’il n’en résulte que des conséquences fâcheuses. La fermeté est une vertu. Elle permet à un gouvernement surtout dans le contexte béninois de faire des réalisations. Accompagnée de souplesse, elle apaise les cœurs et nourrit moins de frustrations.



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