Retour de l’Etat dans l’investissement industriel : Une option sujette à interrogations

Moïse DOSSOUMOU 25 mai 2021

L’annonce n’est pas passée inaperçue. Dimanche dernier, au terme de sa prestation de serment qui inaugure son nouveau quinquennat, Patrice Talon a situé l’opinion sur les chantiers qui seront ouverts sous sa présidence. Si la plupart des secteurs clés ont été passés en revue, le chef de l’Etat a tenu à embrasser un nouveau domaine : l’industrialisation. Une ambition qui, quoique légitime n’est pas sans susciter certaines interrogations.

Un état des lieux déprimant
Embryonnaire depuis les indépendances, ce secteur a toujours fait partie des parents pauvres des politiques publiques. Certes, par le passé, des unités industrielles implantées çà et là à travers le pays ont fonctionné avec des fortunes diverses. La SONICOG avec le savon à succès Palmida, la SOBETEX, la SITEX, la COTEB qui a récemment fermé ses portes, pour ne citer que celles-là, ont vécu. Hélas, avec le temps, les gestionnaires ont dû mettre la clé sous le paillasson. De la même manière, la société sucrière de Savè, communément appelée les 3S, implantée à coût de milliards n’a jamais produit un gramme de sucre. A l’heure actuelle, on peut compter du bout des doigts, les sociétés industrielles en activité, encore qu’elles ne tournent pas à plein régime. Les usines d’égrenage de coton et la SHB font partie des exceptions.

Une tentative mal ficelée par le passé
Il y a tout juste quelques années, Boni Yayi, alors chef de l’Etat avait jugé opportun de miser sur des mini unités industrielles de transformation de produits agricoles. C’est ainsi que les usines de transformation de la tomate de Kpomassè, d’agrumes de Za-Kpota et de mangues de Natitingou ont vu le jour. Hélas, elles n’ont jamais fonctionné. Laissées à l’abandon, les installations effectuées avec les fonds publics sont exposées aux intempéries. « L’enfer est pavé de bonnes intentions », enseigne l’adage.

Des perspectives heureuses…
L’indispensable denrée qui fait tourner une installation industrielle, c’est bien évidemment l’énergie électrique. Convaincu de ce qui sera fait, le chef de l’Etat a martelé que l’autonomie énergétique sera effective dans 30 mois. A priori, si les fruits tiennent la promesse des fleurs, les futures usines seront pourvues en électricité. Quid des matières premières ? La mécanisation intelligente de l’agriculture plus performante et plus créatrice de richesses, une autre annonce de Patrice Talon devrait faire l’affaire, tout au moins pour les entreprises orientées vers l’agrobusiness. La densification du réseau routier afin qu’au terme du mandat toutes les communes soient reliées entre elles par des voies bitumées, une autre promesse du chef de l’Etat, si elle était effective, règle le problème de l’acheminement des matières premières vers les usines mais aussi celui de la production vers les centres commerciaux. L’investissement en question, d’où viendra-t-il ?

Le privé, partenaire incontournable
Le chemin étant plus ou moins balisé pour l’installation des futures unités industrielles, il sied de se tourner vers les potentiels investisseurs. Mieux que l’Etat, le secteur privé est en pôle position pour relever ce défi. C’est une évidence que l’Etat n’a pas vocation à créer de la richesse. Son rôle, c’est de créer les conditions pour la création des richesses. Si l’intention du chef de l’Etat est de créer l’environnement incitatif à l’investissement privé, il est sur la bonne voie. Si par contre, son vœu c’est que l’Etat concurrence le privé en termes d’investissements industriels, ce sera un challenge difficile à relever. Certes, le gouvernement a plus de facilités à lever de lourds financements. Mais le management public bien qu’il soit de plus en plus orienté vers les règles et méthodes du privé est loin de produire les brillants résultats du privé. Opérateur économique de son état, Patrice Talon n’est pas sans connaître cette réalité. Comment procèdera-t-il sur ce chantier ? La réponse sera donnée au cours des mois à venir.



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