Sévérine Lawson : « Les résultats issus du recensement sont à prendre avec des pincettes »

La rédaction 16 janvier 2019

Madame Sévérine Lawson, à l’issue d’une réunion tenue le 26 juin 2010 à la Présidence de la République, le chef de l’Etat d’alors a, par décret numéro 2010-49 du 18 juillet 2010, mis en place un comité de suivi que vous aviez présidé. Selon vous, pourquoi le chef de l’Etat en est-il arrivé là ?
Mr le président, à priori je peux répondre que je ne saurai expliquer pourquoi le chef de l’Etat en est arrivé là. Mais permettez-moi de vous exposer en quelques secondes les circonstances dans lesquelles j’ai été embarquée dans cette aventure. Je n’étais pas à la rencontre du 26 juin. J’ignorais tout de cette rencontre. C’est dans la matinée du dimanche 27 juin 2010 que j’ai été appelée téléphoniquement par le ministre d’Etat Pascal Irénée Koupaki. Je n’étais pas à Cotonou. J’étais chez moi au village lorsqu’il m’a appelée et m’a demandé si le Président de la République a pu me joindre. Je lui ai répondu par la négative. Il m’a alors dit qu’il y a un dossier au sujet duquel une réunion devrait se tenir le lendemain lundi 28 juin à 11h dans son ministère et m’a convié à y aller. Quelques heures après, j’ai reçu un appel téléphonique m’informant que le Président de la République me demandait de passer le voir à sa résidence à 17h. Comme de coutume, en de pareilles circonstances, j’ai rangé mes affaires et j’ai pris départ pour Cotonou. Dès qu’il m’a reçue, ça a duré en tout et pour tout que 3 minutes. Le chef de l’Etat m’a demandé si j’ai démarré les travaux. A voir mon étonnement, il m’a demandé si je n’ai pas été informée. Je lui ai alors répondu que le ministre d’Etat m’a convié à une réunion pour le lundi 28 juin 2010 à 11h sans me dire de quoi il s’agissait. Il m’a alors dit ceci : « Partez vite et démarrez le travail. Le lundi 28 à 11h moins 10, j’étais au cabinet du ministre d’Etat. Connaissant la rigueur du ministre d’Etat quant à la ponctualité à ces réunions, j’étais donc là avant 11h. A 11h pile le ministre d’Etat a fait son apparition avec d’autres ministres. Au cours de cette réunion, les contours de la situation ont été décrits. J’avoue que j’ai mis du temps à cerner le problème. Mais après quelques explications fournies par certains participants, j’ai manifesté mon étonnement quant à l’implication de l’Etat dans une affaire qui oppose des particuliers. Mais j’ai noté que certains participants n’avaient pas la même appréciation que moi. J’ai alors insisté sur la nécessité de prendre des précautions afin que l’Etat ne soit pas amené à endosser des responsabilités qui n’étaient pas les siennes. Quelques actions urgentes ont été retenues au cours de cette rencontre et à l’issue des échanges, il a été décidé de la création du comité de suivi comme structure opérationnelle d’un comité de crise qu’on m’a dit avoir créé le samedi, de façon pas formelle. J’ai supposé que c’est au cours de la réunion que cette décision a été prise. Je dois préciser Mr le président qu’à cette rencontre, aux environs de 11h15, j’ai vu le procureur général Amoussou Georges faire son entrée. J’avoue que j’ai eu un peu de frayeur pour lui parce que le ministre d’Etat ne supportait pas du tout les retards aux réunions. Nous qui avons coutume de travailler avec lui le connaissions sur ce plan. J’ai jeté un coup d’œil au ministre, j’ai vu sa mine bien renfermée. C’était même une chance pour mon collègue parce que quand le ministre d’Etat a une réunion avec vous, dès qu’il fait son entrée, les portes étaient fermées. Mais ce jour-là, les portes étaient ouvertes et le Procureur Général a fait son entrée. Donc c’est ensemble avec le Procureur Général que les échanges ont eu lieu. Au cours des échanges, j’ai retenu deux choses. J’ai retenu qu’il y avait une question de PV qui avait été élaboré et qui n’avait pas eu d’orientation. J’ai retenu également qu’il y avait eu un acte administratif qui avait été pris pour ce qui concerne les promoteurs. Le ministre de l’intérieur Armand Zinzindohoué dit avoir pris un arrêté d’internement administratif. Mais tout récemment, j’ai entendu parler d’arrêté de mis en résidence surveillée. Ce jour-là, autour de la table, j’ai objecté. Le ministre m’a répondu l’avoir fait avec l’onction du Procureur Général. Le Pg et moi sommes de la même promotion et nous nous connaissons tous. Comme vous pouvez vous en douter dans le corps de la magistrature tout le monde se connaît. On sait ce que chacun vaut. Connaissant la compétence du PG, je me suis dit ‘’ le pauvre, te voilà encore dans un cas d’ignorance’’. Je me suis donc tue. Je n’ai pas voulu discuter outre mesure. A la fin de la réunion, j’ai appelé le PG qui au-delà d’être collègue est un ami. C’est moi qui lui ai passé service. J’ai quitté le poste de Pg pour devenir Agent judiciaire du trésor. Je lui ai dit s’il sait que le ministre d’Etat n’aime pas les retards. Il n’a pas réagi. Je lui ai ensuite demandé sur quelle base légale vous avez pris l’arrêté d’internement administratif. Il m’a dit : « il n’y a pas de base légale ». Je lui ai demandé sur quoi ils se sont fondés. Il me dit sur la base d’un trouble à l’ordre public. Je lui ai répondu que ce n’est pas suffisant. Je lui disais qu’il voit maintenant qu’on veut lui faire endosser la responsabilité de la prise de cet arrêté. Il m’a répondu « ce dossier qui pend au nez de tout le monde qu’est-ce qu’ils veulent dire ».
J’avoue que je n’ai pas très bien compris. Mais je n’ai pas prolongé la discussion. Lorsqu’on se séparait le 28, il était question que le PG apporte les procès-verbaux pour que je puisse comprendre parce que ce que j’ai noté dans les explications du Procureur Général, c’est que l’infraction n’était pas constituée. C’est sur cette base qu’il n’a pas cru devoir faire poursuivre. J’ai dit avant de comprendre le problème qui se pose, il faut que nous ayons les PV. On devrait se retrouver le 29. Le 28 soir, le ministre d’Etat m’appelé et je m’étais rendue à son cabinet le 29. Bizarrement je n’ai pas retrouvé le PG avec nous. J’ai été un peu surprise. Je me suis dit qu’ils savent ceux qu’ils ont invités. Il était question de rédiger le rapport à adresser au chef de l’Etat. Ce que nous avons fait. Je crois le 30, le ministre d’Etat m’a encore appelée et je suis allé à son cabinet et c’est là où dans les échanges, il m’a fait comprendre qu’il semble que le Pg ait des accointances avec les promoteurs. Au cours de la réunion du 28, il a été décidé de la création du comité de suivi. Je dois dire que la plupart de ceux qui étaient à la réunion du 28 faisaient partie du comité de crise qui a été formalisé par la suite par décret. Il y avait le ministre de l’intérieur, le ministre des finances, le ministre de la justice, le représentant de la Bceao ou je ne sais pas s’il était conseiller technique Marcel de-Souza. Il y avait d’autres personnes. Il y avait quelqu’un du renseignement. Quelques jours après, le ministre d’Etat m’a encore appelée pour dire en tant qu’agent judiciaire du trésor et président du comité de suivi, vous allez prendre l’initiative de demander à l’INSAE un recensement et le superviser. C’est moi qui ai signé le communiqué qui convoquait les gens pour le recensement. Ce n’est qu’après ça que le décret que vous avez lu a été formalisé. Le comité de suivi a commencé son travail. J’ai dit dans mes propos introductifs que je ne peux pas dire pourquoi le chef de l’Etat a cru devoir prendre une telle initiative. Mais j’ai compris par la suite. Mr le président, j’ai eu l’occasion de travailler avec des politiques sans être politique. Je n’ai jamais été politique. Je n’ai jamais milité dans aucun parti jusqu’à mon départ à la retraite. Mais le simple fait de travailler avec des politiques à un niveau m’a fait voir, que vous le veuillez ou non, vous êtes exposés. J’ai compris est que la vision des juristes n’est pas toujours en adéquation avec celle des politiques. En effet ces derniers, surtout certains ministres, ont coutume de dire : écoutez Mme Lawson, je n’ai pas besoin de vos problèmes juridiques mais plutôt des solutions juridiques. Lorsque le 28, j’ai manifesté mon étonnement quant à l’implication de l’Etat, je vous l’ai dit, ce n’était pas à l’appréciation de la plupart des membres présents. Mais j’ai compris par la suite qu’ils avaient raison. Et, ce n’est pas la première fois qu’au retour de pareilles rencontres, je me dis que nous juristes sommes trop orientés, trop accrochés à nos textes. Parfois le politique a ses raisons car lorsque le recensement a démarré, j’ai compris qu’il y avait vraiment un danger, un risque et que si l’Etat n’était pas intervenu, il y aurait un rush. Et là, j’ai donné raison au gouvernement. C’était des milliers de personnes qui se sont rendues dans les centres retenus pour le recensement. Et donc, cela m’amène à répondre à votre question. J’ai alors compris par la suite que c’est pour éviter un trouble à l’ordre public que le gouvernement a dû prendre ses responsabilités en mettant en place le comité de crise, lequel a insisté afin qu’un comité de suivi soit créé. A l’époque, je n’avais pas connaissance de l’existence d’une commission d’enquête.

Mme Sévérine Lawson, quelles ont été vos attributions à la tête dudit comité de suivi ?
Les objectifs du comité de suivi sont : mener les investigations nécessaires sur la situation des structures illégales de collecte de l’épargne et de placement de fonds ; inventorier avec le concours des dirigeants de ces structures tous les articles notamment les biens, les titres de propriété ainsi que le solde des comptes bancaires desdites structures et des personnes mises en cause ; faire évaluer tous les biens recensés en vue de leur réalisation dans le respect des textes en vigueur avec le concours des personnes concernées, d’un notaire et d’experts en la matière, d’assurer dans la transparence et dans la limite des sommes récupérées le remboursement ou décaissement des fonds dont ils ont été spoliés ; et enfin de mettre en œuvre toute décision dont le comité de crise lui confiera la responsabilité d’exécution. Voilà déclinés en 5 points les objectifs fixés au comité de suivi. Lorsque j’ai pris la mesure de ces objectifs, en tant que magistrat, j’ai essayé de les rendre conciliables avec l’existence d’une information judiciaire. Puisque j’ai constaté après qu’il y avait une commission d’enquête judiciaire avec laquelle nous avons travaillé par la suite et dont les PV faisaient l’objet d’ouverture d’information devant les juridictions. En ce qui concerne l’inventaire de biens nous ayant été demandé, nous nous sommes contentés de recevoir des dénonciations que nous avons transmises à la commission autonome d’enquête judiciaire. Par rapport à l’évaluation des biens recensés, j’ai compris que le comité de suivi n’avait ni le pouvoir ni la compétence pour cela. Ainsi, les biens recensés ont fait objet de transmission au juge d’instruction saisi du dossier. Quant à l’objectif relatif au remboursement des fonds aux spoliés, comme vous allez le comprendre tout à l’heure, le comité de suivi n’a remboursé aucun déposant. Il a plutôt accompagné les structures qui étaient en mesure de procéder au remboursement de leurs déposants. Lorsqu’on vous confie une mission, c’est à vous de voir quel est l’esprit de la mission et comment l’accomplir pour ne pas déborder du cadre administratif. Il faut le rappeler car je ne l’avais pas dit, le comité de suivi avait un caractère administratif.

Dans le cadre des investigations que vous avez menées, comment avez-vous rassemblé la documentation disponible auprès des structures de collecte des épargnes incriminées notamment Icc-services ?
Comme le décret l’a précisé, le comité de suivi est la structure opérationnelle du comité de crise qui était dirigé à l’époque par le ministre d’Etat Pascal Irénée Koupaki. C’est donc le comité de crise qui a été le premier à entrer en contact avec les promoteurs. Ainsi, les premières informations ont été fournies au comité de crise chargé de nous les transférer. Nous sommes alors partis sur la base de ces informations-là. Et c’est lorsque nous avons démarré les travaux du comité et avons commencé par écouter les promoteurs et leur demander de la documentation, non pas sur ce qui leur est reproché en tant que tel, mais sur le nombre de leurs déposants, le montant collecté. Il faut dire que le recensement réalisé courant juillet 2010 nous a donné les résultats globaux par rapport au montant compromis et au nombre de déposants. Il faut dire que les résultats issus du recensement sont à prendre avec des pincettes. Parce qu’au cours de l’opération, quand nous supervisions, nous avions remarqué et avons même aidé à faire poursuivre certains agents de certaines structures qui, dans la foulée, se permettaient de rédiger des contrats à des personnes. Par exemple, nous sommes allés à Sadognon où on a surpris dans un domicile un agent d’Icc-services qui rédigeait des contrats qu’il remettait à des gens dont les contrats ont été exigés lors du recensement. Je crois que certains n’avaient pas de contrat et ont cru devoir s’adresser à des agents de ces structures dont Icc services.
Je disais que ces résultats sont à prendre avec des pincettes, car soit les montants qu’ils présentent sont nettement au-delà de ce que certains promoteurs venaient nous déclarer, soit les résultats étaient nettement à la baisse. C’est en fait au moment des remboursements que nous avons été amenés à comparer les listes produites par les promoteurs à même de démarrer les remboursements et la liste découlant des résultats de l’Insae. Nous avons vu qu’il y avait des faussaires qui se sont infiltrés. Quant aux promoteurs qui tenaient leurs registres à jour, ils ont été capables de dégager des gens qui étaient munis de contrats falsifiés. Dès lors qu’un nom apparaissait, pour pouvoir procéder au remboursement, ils procédaient à des vérifications aussi bien sur les contrats produits que dans leur base de données. Parfois, l’Insae n’a pas recensé autant de déposants que la structure concernée n’a en réalité, parfois l’Insae a recensé des déposants au-delà du nombre que la structure a. (…)

« Le comité de suivi n’a procédé à aucun recensement et ne peut vous sortir aucune liste de biens recensés »
Au niveau d’Icc-services, étant donné qu’ils disent être dans l’impossibilité d’avoir la liste de leurs déposants, j’ai compris qu’il leur était également impossible de savoir qui a perçu quoi. Surtout le fait que les gens n’arrivent pas à disposer de leurs données a dû arranger certains déposants. Tout le monde ne s’était pas fait recenser. Il y a des gens, peut-être des fonctionnaires, des personnalités politiques, etc. tout le monde est resté dans sa cachette, disant avoir tout perdu. (…)
Donc, je ne peux pas dire d’où ils tirent les ressources pour pouvoir supporter les intérêts énormes qu’ils promettent à leurs déposants. Je ne saurais le dire mais l’explication la plus simple et la plus plausible, c’est que les dépôts des derniers puissent servir à payer les premiers. Là, il n’y a pas à dire. La belle preuve, certains déposants, les derniers qui ont vu faire et qui se sont aussi installés étaient peut-être aux premiers mois d’exercice dès que l’affaire a éclaté, ceux-là qui n’ont pas encore payé les intérêts ont retourné les sous. Nous avons au moins deux ou trois structures qui ont la possibilité de retourner les sous. Nous avons aussi eu une autre structure qui a pu retourner les sous. Mais certains ne nous ont pas dit avoir des activités connexes. Il y a d’autres promoteurs qui sont allés placer leurs sous auprès des premières structures. C’est-à-dire, se sont installé, ont créé l’activité et quand perçoivent les sous, ils vont placés auprès des premières structures. Ils perçoivent les intérêts là pour payer. Lorsque la crise est survenue, certains ont dû nous le dire. Dans la mesure où les premières structures sont dans la possibilité de rembourser leurs déposants, ils prévoient la part des structures qu’ils appellent coursiers. Donc nous prévoyons dans le remboursement des déposants, le montant que des coursiers doivent aussi payer. Si par exemple une structure doit payer les déposants de 100 000 francs à 200 000f, son coursier prévoit également des déposants de 100.000 francs à 200 000 francs. C’est le montant de l’ensemble de ces déposants que cette structure vient réclamer auprès de la structure mère qui est obligé de lui rembourser un montant qui n’est pas 100 000 francs, qui n’est pas 200 000 francs mais fois cent pour lui permettre à lui aussi de payer ses déposants. Donc, je ne saurais dire comment ils procèdent pour avoir les montants exagérés, des montants élevés pour payer les intérêts promis aux déposants.

Dans votre rapport, celui du comité de suivi, vous avez dit, et ça rejoint la préoccupation du procureur spécial le vendredi passé que le montant le plus élevé de 189 000 000 FCFA été déposé par un client de Icc-services. Il est de sexe féminin, et son âge se situe entre 45 à 59 ans, il travaille à son propre compte et a déjà perçu comme intérêt 207,9 millions de FCFA.
C’est des données que nous avons juste extirpées du rapport des résultats de l’Insae. Lorsque l’Insae a déposé son rapport, il a fait des tableaux et des commentaires. La tranche d’âge, les professions. Je ne sais pas si ça fait partie de leur lettre de mission. Mais ces éléments ont permis aux sociologues, et même au Fond monétaire international d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène et des couches socioprofessionnelles qui ont été les plus touchées. Donc c’est juste un extrait de ce rapport que nous avons pris. Il ne s’agit pas de notre analyse.

Qui a commis l’Insae ?
C’est le président du comité de crise, le ministre d’Etat Irénée Pascal Koupaki

Par rapport à Icc-services, où est-ce que vous en êtes en ce qui concerne les biens recensés leur appartenant ?
Merci monsieur le président, parler de recensement au niveau du comité de suivi, ça serait trop dire. Je vous ai dit tantôt, une chose est de nous confier une mission, une autre est de voir de quelle manière nous avons l’exécutée. On nous a dit de recenser, mais le comité de suivi n’a pas les moyens de procéder à ce recensement. Qu’est-ce que nous avons fait ? Nous avons ouvert une ligne téléphonique et des dénonciations, nous en avons reçu. Lorsque nous recevions des dénonciations, nous les transmettions à la commission autonome de l’enquête judiciaire. Au niveau du comité de suivi, il n’y a pas eu de recensement en tant que tel. Nous n’avons rien recensé. Nous avons reçu des informations que nous avons livrées à la commission autonome d’enquête judiciaire. C’est donc elle qui a procédé au recensement en tenant compte de ce que nous leur avons produit et également des dénonciations qu’ils ont eu à recevoir ou même des aveux des promoteurs des structures illégales de collecte de l’épargne et de placement de fonds. Le comité de suivi n’a procédé à aucun recensement et ne peut vous sortir aucune liste de biens recensés.

Donc ça ne peut être que la commission d’enquête judiciaire ?
Oui. Et je crois. Lorsqu’ils ont procédé au recensement, ils doivent avoir produit dans leur PV les résultats. Ce que je sais, pour ce qui concerne les biens meubles dont les véhicules, des commissaires-priseurs ont été désignés par le juge d’instructions pour procéder à la vente. C’est l’occasion de préciser, parce que depuis 8 ans, j’entends dire que madame Lawson a vendu nos biens. Et comme ce procès est retransmis, c’est de repréciser à l’opinion publique que madame Lawson n’a vendu aucun bien. Le comité de suivi n’a vendu aucun bien. Les biens ont été vendus par des commissaires-priseurs désignés par le juge d’instruction dans deux conditions précises. Première condition, je vous ai dit lorsque nous avons reçu les promoteurs et que nous avons échangé avec eux, il était question qu’ils mobilisent les fonds pour démarrer les remboursements de leurs déposants. Il nous a été dit que des fonds auraient été gelés au niveau des banques. Les conseils que nous leur avons prodigués, c’est de s’adresser au juge d’instruction pour le dégel, si tant est que leur volonté soit de désintéresser les déposants. Il en est de même des biens qui ont été saisis. Qu’il vous souvienne, au moment de la gestion de la crise, il n’y a pas de jour où il n’y a de grogne quant à la dépréciation probable des biens, surtout des véhicules qui étaient exposés au bord de la mer. Presque tous les jours, les gens criaient disant que les biens vont perdre leurs valeurs, ce qui était réel. Nous avons conseillé à tous les promoteurs dont les biens auraient été saisis, surtout ceux dont les dossiers se trouvaient au niveau des tribunaux de s’adresser au juge d’instruction ou au procureur pour obtenir l’autorisation de procéder à la vente de ces biens. Je m’en vais vous dire que la première vente aux enchères des biens d’Icc-services a été réalisée sur demande à la requête des promoteurs d’Icc-services. J’ai là les placards et c’est bien mentionné à la requête de messieurs Akplogan Guy Athanase, Dohou Ludovic Pamphile, Sohounou Clément, Akplogan Jean Marc, Tchindro Etienne, Tègbènou Emile et dame Akplogan Guyane et en vertu de l’ordonnance faite à main levée. Le comité de suivi n’a fait qu’assister en spectateur à ces ventes. Donc que ça soit bien compris dans l’esprit de tout le monde que le comité de suivi n’à procédé à aucune vente. Et cette vente réalisée sur la requête des promoteurs sur certains de leurs biens a concerné 53 véhicules automobiles comme suit. Me Gbaguidi leur avocat était présent comme les membres du comité de suivi. A la deuxième vente aux enchères, je ne sais dans quelle condition elle a été ordonnée. Mais il n’est plus mentionné dans la requête 2. Il est seulement mentionné en vertu des ordonnances. Donc il y a eu la deuxième vente, mais en toute honnêteté, à la deuxième vente, je n’ai plus observé la présence de l’avocat des promoteurs d’Icc-services. Mais il faut dire que cette vente ne concernait pas seulement Icc-services. Cette vente concernait plutôt plusieurs autres structures. La preuve, ce n’était pas une seule ordonnance. Il y a l’ordonnance 79 RU10, ordonnance 105 RU10, ordonnance 110 Ru10, ordonnance 117RU10, ordonnance 137 RU10 et suivant. Ce qui suppose qu’il y a eu plusieurs procédures dans lesquelles, le juge d’instruction a cru devoir prendre des ordonnances pour faire procéder à la vente de ces biens. Donc pour me résumer, la commission d’enquête, la commission autonome d’enquête judiciaire doit être en mesure de dire combien de véhicules ont été saisis, quels autres biens meubles ont été saisis, combien d’immeubles ont fait l’objet de saisies ou de marquage ? Tout dépend de ce qu’on entend par marquage. Mais j’ai cru comprendre, parce que je l’ai lu quelque part, qu’il y aurait eu 120 véhicules au total qui auraient été saisis. Et parmi ces 120 véhicules, il y a les véhicules des gens d’Icc et les véhicules d’autres promoteurs. S’agissant des immeubles, je ne peux pas vous dire le nombre exact parce que le comité de suivi n’a pas procédé aux recensements des immeubles. Je l’ai dit tantôt, je peux me répéter, lorsque les dénonciations parviennent au comité de suivi, le comité les transmet à la commission autonome d’enquête judiciaire qui se charge d’intégrer ces biens-là dans l’ensemble des biens dont elle a dressé la liste.

Vous pouvez renseigner la cour sur là où se trouvent les fonds provenant de la vente de ces objets ?
Merci monsieur le président. Comme je l’ai dit tantôt, la première vente a été réalisée à la requête des promoteurs d’Icc-services. Toute la première vente n’a concerné que les biens d’Icc-services et naïvement, moi j’ai pensé que aussi bien la première vente que la deuxième qui a vu réaliser des biens de Icc et d’autres biens. La première vente, je crois c’est en juin 2010 et la deuxième en septembre 2011. Donc naïvement, j’ai pensé que les produits des deux ventes devraient être versés sur le compte ouvert au trésor. Parce que ce que nous avons pu obtenir des promoteurs par seulement de Icc, de l’ensemble des promoteurs, un compte ayant été ouvert au trésor à la naissance de la crise. c’est qu’ils demandent aux juges, que les fonds soient versés ou virés sur le compte du trésor pour leur permettre de payer les déposants, parce que le risque qu’il y avait , c’est de voir ces fonds restitués aux promoteurs et qu’ils disparaissent. Ce qui reviendrait à voir à néant tous les efforts qui ont été fournis jusque-là. Un compte ayant été ouvert au trésor, donc j’ai pensé naïvement en tant que présidente de la commission de suivi que tous les fonds devraient se retrouvés sur le compte du trésor. Lorsque nous avons évolué avec les structures et consorts, ils remboursèrent. Il faut dire que la pression a été trop forte dans ce dossier.

Qui vous mettait la pression ?
C’est la pression de l’opinion, la pression des victimes de sorte que quand une opération est entamée et exécutée, après on crie pour demander les remboursements. Nous avons démarré les remboursements avec les promoteurs qui montraient la preuve de leur capacité à dédommager les déposants. Donc nous avons quelque peu négligé Icc-services parce qu’il n’y avait pas d’autres moyens d’évoluer. Mais dès que la pression est forte, le président de la République m’appelle pour dire "Mme Lawson, mais qu’est-ce que vous faites par rapport à Icc ? J’ai décidé de faire le point du montant disponible sur le compte ouvert au trésor pour Icc. Il était question qu’on démarre avec les petits déposants d’Icc-services. Au départ, bien entendu, ce n’est pas le comité de suivi qui va rembourser, la condition sine-qua-none est toujours la possibilité pour des personnes détenues d’aller procéder aux remboursements. Ailleurs ces personnes-là ont trouvé des représentants, mais Icc-services dit qu’il n’a aucun représentant disponible. Donc le problème demeure. Mais pour répondre, à la demande du chef de l’Etat, j’ai cru devoir faire une simulation pour dire ce que nous sommes censés avoir sur le compte et ce que nous pouvons rembourser. Mais la condition qui demeure, c’est comment faire pour organiser les opérations étant attendu que le comité de suivi n’a pas la compétence, pour procéder à un quelconque remboursement. C’est lorsque j’ai voulu faire ce point que je me suis aperçu qu’il y avait des problèmes. Je me suis aperçu qu’il y avait des problèmes parce que le montant espéré n’était pas ce qui était disponible. J’ai assisté à la vente et que je sais combien ils ont récupéré, le produit brut je connais. C’est lorsque je n’ai pas vu sur le compte, tous les montants que j’ai appelé les commissaires-priseurs. Il y a une chose que j’ai omise sur laquelle il faut que je revienne. Avant de procéder à la vente, avant la première vente, j’ai appelé les commissaires-priseurs pour leur demander de ne pas brader pas les biens des promoteurs. Parce que l’objectif, c’est de recouvrer le maximum d’argent pour payer les déposants. Pour ce faire, essayer de faire évaluer les biens, et ils m’ont dit qu’il n’y a pas de problème qu’ils vont commettre leurs boulots et c’est ce qu’ils ont commencé par faire. Et je leur ai dit, parce qu’au cours d’un entretien avec M. Akplogan, il a mis en doute les prix auxquels ces véhicules peuvent être vendus. Donc j’ai dit aux commissaires-priseurs "rapprochez-vous des promoteurs pour avoir d’eux, leurs avis, et eux ils m’ont dit qu’ils se sont rapprochés d’eux pour leur indiquer les montants retenus par l’expert. Donc j’ai invité une deuxième fois les commissaires-priseurs pour dire que les ventes ont donné tels montants qu’on n’a pas retrouvés sur le compte. C’est là où ils m’ont dit que pour le premier montant, le juge d’instruction a demandé de virer ça sur le compte ouvert au trésor, mais que la deuxième vente, il devait être consigné au greffe. Après analyse, j’ai peut-être compris en ce sens que la première vente a été à la requête des promoteurs, qui certainement dans leurs requêtes, ont indiqué de nous autoriser à vendre pour que les fonds soient versés sur tel compte en vue du dédommagement des victimes. La deuxième vente, je n’en connais pas les conditions. Je ne sais pas si cela a été faite à la requête. Si c’est le cas, les placards les auraient mentionnés. Donc seul le produit net de la première vente a été versé sur le compte ouvert au trésor. Ça faisait 226.712.880 francs. La seconde vente qui aurait donné un produit net de 193.721.040 francs serait consignée au greffe du tribunal. Je ne connais pas les termes de l’ordonnance. Moi j’ai même pensé que c’était une erreur de leur part. J’ai écrit aux commissaires-priseurs leur demandant de faire virer cet argent sur le compte. Mais j’ai compris que leurs résistances tenaient du fait qu’on ne leur aurait pas demandé de verser ce montant sur le compte ouvert au trésor. Voilà ce que je peux dire pour ce qui concerne Icc-services.

Mme Séverine Lawson, est-ce que la commission autonome d’enquête judiciaire est créée après le comité de suivi ?
M. le président, je ne saurai le dire. Parce que lorsque la crise a surgi, et que le comité de suivi a été créé, il m’est arrivé d’aller à la présidence dans ce laps de temps. Je dois dire que l’Ajt a pour chef hiérarchique immédiat, le Président de la République. C’est le décret de 2007 de 09 février 2007 qui crée l’agence judiciaire du trésor et le place sous l’autorité du Président de la République. Donc je n’ai pas d’intermédiaire. Au moment de la création du comité de suivi, je voyais à la Présidence, le procureur Gbènamèto, et puis d’autres personnes, sans savoir ce pourquoi ils étaient là. Je n’ai pas su quand la commission judiciaire autonome d’enquête a été créée. Est-ce que c’est avant, est-ce que c’est après, mais j’ai compris par la suite, sur la base des reçus de versement sur le compte, qu’il y avait des quittances qui dataient du 16 juillet 2010. Je crois, parce que, le comité de suivi a été créé de façon formelle, le 18 juillet 2010. Mais je dois avouer que nous avions démarré les travaux vers le 15 juillet, un premier décret avait été pris. Je crois qu’il y avait des coquilles et qu’ils ont dû reprendre.

Sévérine Lawson : « s’ils ont 27 milliards, ils n’auraient même pas eu besoin de nous produire un plan d’affaires »
Madame Séverine Lawson, la question vous est posée parce que vous étiez de concert avec des promoteurs de ses structures illégales à la recherche d’un plan de remboursement. En lieu et place du plan de remboursement d’Icc-services, ceux-ci vous ont offert de voir un plan d’affaires. Or, Émile Tégbénou a soutenu ici que Icc-services était dans la capacité financière de faire face à ses obligations financière vis à vis de ses clients. La preuve est qu’il disposait à lui seul de cinq coffres forts à domicile dans laquelle il y avait 27 milliards 500 millions Fcfa. Est-ce qu’au moment où vous cherchez les voies et moyens pour amener Icc-services à désintéresser les victimes, une telle préoccupation était-elle élevée à votre connaissance ?
Jamais, je n’ai entendu parler de 27milliards de francs CFA. Comme je l’ai dit à travers mes propos, lorsque nous avions reçu les promoteurs d’Icc-services, on a noté de leur part une certaine disponibilité, spontanéité. Ce qu’ils nous ont fait savoir est qu’ils allaient mener des activités pour mobiliser les fonds et payer les déposants. La moindre des choses, Mr le président, si une telle cagnotte existait, c’est de nous le dire puisqu’ils ne reconnaissaient que 15 milliards environs. S’ils ne reconnaissaient que 15 milliards, alors qu’ils ont 27 milliards, ils n’auraient même pas eu besoin de nous produire un plan d’affaires.
On n’a pas travaillé que seulement sur Icc. Il y a d’autres structures qui nous ont dit avoir des commandes ciment, ou qu’il doit percevoir l’argent, ou qu’ils ont de l’argent dans telle compagnie d’assurance. Nous leur avons dit de s’adresser au juge d’instruction, au procureur. Ils ont pu récupérer ces fonds qui ont permis de démarrer les remboursements de leurs déposants. Mais au grand jamais Tégbénou Émile n’a eu à dire aux membres du comité de suivi qu’il avait 27milliards quelque part. C’est à l’Assemblée nationale que j’ai entendu dire qu’il y a aurait eu de l’argent pris chez certains promoteurs ou dans les domiciles. Dans la mesure où je ne suis pas OPJ, je n’ai pas participé à ces perquisitions et autres. Je ne me sentais pas concernés. Tout ce que je disais est que moi au moment où j’ai pris la charge de ce comité-là, je peux parler de ce que j’ai fait, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu. C’est à travers ce procès que j’aurais appris qu’ils auraient eu 27 milliards ‘’retrouvés et saisies ‘’. Je saurais dire si cela a été retrouvé au domicile d’Émile Tégbénou. Vous pouvez leur poser la question. Au grand jamais ils n’ont eu à nous dire qu’ils avaient des milliards sur les comptes au trésor, les comptes dans les banques.



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