Véronique Tognifode Mewanou sur « Le temps des moissons » : « Ils sont 105 000 à pouvoir déjà bénéficier des soins de santé gratuitement »

La rédaction 29 avril 2020

Véronique Tognifodé Mèwanou, Ministre des Affaires Sociales et de la Microfinance était, le jeudi 23 Avril 2020 l’invitée de l’émission « An4 de la Rupture : le temps des moissons ». Occasion pour elle de faire le point des actions phares menées dans le secteur des Affaires Sociales et de la Microfinance en 4 ans de gouvernance par le régime du Président Patrice TALON et surtout celles inscrites dans le Programme d’Actions du Gouvernement.

Quelle était la vision du Chef de l’Etat sur le social dès son accession au pouvoir ?
La vision du Chef de l’Etat est de faire le social autrement, de manière que les actions aident les populations à véritablement sortir de leur situation de précarité parce que, pendant de nombreuses années, elles étaient habituées à ce qu’on leur apporte une aide sociale ponctuelle, qu’on résolve leurs problèmes du jour et le lendemain, les mêmes problèmes resurgissaient. Donc, une forme d’assistanat sans mécanisme durable, du social non structurant. Mais aujourd’hui, cette vision, grâce au leadership du Président Patrice Talon, a beaucoup évolué avec des mécanismes qui permettent à ce que les actions soient bénéfiques de façon durable.
Et quand on se réfère au Programme d’actions du Gouvernement en son pilier 3 qui concerne l’amélioration des conditions de vie des populations, il faut aller à la stratégie 6 pour comprendre le mécanisme. D’abord, le renforcement des services sociaux de base et aussi la protection sociale.
Concernant le renforcement de ces services sociaux de base, nous avons les centres de promotion sociale (CPS) qui sont déjà en train d’être mis aux normes, ainsi qu’un renforcement de capacités des agents sociaux qui y travaillent. Quand on prend la protection sociale, le projet phare est l’Assurance pour le renforcement du capital humain (ARCH).

Qu’est-ce qui a milité en faveur des communes choisies pour bénéficier de la phase pilote du volet Assurance Maladie du projet ARCH ?
Ces sept communes font partie de trois zones sanitaires. Déjà la répartition géographique : une zone sanitaire du nord, une du centre et une du sud. Ensuite, la qualité du plateau technique (ce qui va aider le mécanisme de référencement) et le taux de pauvreté. C’est donc sur ces critères qu’ont été désignées les sept communes pilotes du projet (ARCH).

Le projet se décline en combien d’étapes ? Qu’est ce qui est contenu dans ce volet ?
Le projet ARCH comporte quatre (4) services à savoir : l’Assurance Maladie, la formation, le microcrédit et la retraite. L’objectif visé est de permettre aux populations démunies de pouvoir se faire soigner gratuitement quand elles tombent malades. Et si elles sont en bonne santé, elles pourront bénéficier de la formation pour accroître leur capacité à se vendre sur le marché du travail, des crédits peuvent leur être accordés pour mener des activités génératrices de revenus. En cotisant pour la retraite, cela leur permet de ne pas retomber dans le cercle de pauvreté lorsqu’elles deviennent des personnes âgées avec une réduction de l’énergie de travail.
Avant le démarrage de la phase pilote du volet assurance maladie, il y a eu d’abord l’identification et le recensement des ménages pauvres. Ce qui leur a permis de bénéficier des cartes biométriques donnant accès à des soins de santé gratuits. C’est après cela que cette phase a été lancée pour qu’aujourd’hui, ces personnes en jouissent.

Ils sont combien à bénéficier du projet ?
Nous avons distribué cent cinq mille (105.000) cartes. Donc, ils sont 105 000 à pouvoir déjà bénéficier des soins de santé gratuitement. Nous sommes toujours en phase pilote ; suivra une phase d’évaluation en juin qui va nous permettre de corriger, et de réajuster s’il y a besoin, et de nous diriger vers la phase de généralisation. D’ailleurs, l’enquête d’identification pour la généralisation est déjà en cours.

Que faites-vous de ceux qui sont détenteurs de cartes mais ne savent pas quoi en faire ?
En recevant la carte, ils ont déjà reçu l’information de ce à quoi elle sert. Il y a le panier de soins qui comporte 26 pathologies et actes répertoriés. Ce qui représente à peu près 70 % des infections les plus courantes. Ces informations sont données par les agents des Centres de promotion sociale (CPS) et nous avons aussi une grande campagne de communication qui a démarré, elle se décline sous plusieurs formes : dans les radios communautaires, des exposés qui sont faits dans différentes langues ; des mini-sketchs sont en train d’être préparés pour expliquer afin que toute la population puisse comprendre tout ce qu’il y a dans le volet assurance maladie.

Et quel retour avez-vous du terrain ?
Depuis le lancement de la phase pilote, nous avons effectué plusieurs visites avec le collègue de la santé pour suivre ce qui se passe. Et je peux vous dire que, globalement, la population est très satisfaite. Les améliorations pourraient concerner quelques extrêmes pauvres dont les noms ne sont pas retrouvés dans la base de recensement mais qui y seront ajoutés, avec les mêmes avantages, lors de la phase d’évaluation.

Concernant le volet microcrédit, qu’est ce qui a véritablement changé d’avec ce qui se faisait ?
C’est la digitalisation. Ce concept a réduit les impayés. On est encore en train de travailler sur le système pour assouplir les conditions d’octroi des crédits aux femmes. Ce qui justifie la pause. C’est d’ici un mois que nous relancerons le nouveau système d’octroi des microcrédits. Cette année, dix milliards de FCFA sont prévus pour impacter deux cent mille personnes à peu près.

Et qui sont ceux qui ont droit à ces microcrédits ?
Les microcrédits sont complètement dépolitisés. Tout le monde peut en bénéficier. Les personnes qui ont besoin d’un microcrédit de trente mille francs CFA, de cinquante mille ou ceux qui remboursent bien et qui veulent aller au-delà de cinquante mille sont éligibles. Et comme je le disais, nous sommes en train d’améliorer les conditions d’octroi. Avant, il fallait acheter une carte CARMES qui coûtait cinq mille francs. Cette condition n’existe plus. Il y a le taux d’intérêt qui était de 8,5% revu à 4%.

Est-ce que vous avez trouvé un mécanisme pour amener les bénéficiaires de ces crédits à payer dans les délais ?
Le mécanisme qui est mis en place, c’est toujours par la téléphonie mobile. Avec un simple code, on peut rembourser sans frais de commission.

Les remboursements posent-ils problème ?
Les remboursements continuent toujours. Avant la digitalisation, c’était des dossiers manuels. La digitalisation a résolu, un peu, le problème des remboursements. On peut savoir aujourd’hui, avec exactitude, qui n’a pas remboursé.

Y a-t-il un suivi des bénéficiaires des crédits pour que les activités dans lesquelles elles s’investissent leur permettent réellement de pouvoir rembourser les crédits ?
Chaque année, nous formons environ trente mille (30.000) personnes à travers l’éducation financière, une activité inscrite dans notre Plan de Travail annuel. Cela leur permet de savoir comment rembourser les crédits, comment rembourser à temps et comment mener des activités génératrices de revenus.

Quel bilan peut-on faire dans le domaine de la promotion de la Microfinance ?
Au Bénin, le taux de bancarisation est de 22,5%. Ce qui est très faible, c’est vrai, mais par rapport aux autres pays de l’UEMOA, c’est un taux qui est dans la fourchette de la moyenne (19,3%). Maintenant, quand on rajoute les services de microfinance, on se rend compte que le taux augmente à 78,7%. Cela veut dire que le taux de bancarisation élargi est vraiment maximal. Et cela prouve l’intérêt de la Microfinance pour améliorer l’accès de la population aux services de banque. Car, si on prend dix (10) personnes, on se rend compte que seulement deux (2) ont accès aux services de banque. Il faut pouvoir aussi aider les autres. Et donc, il faut promouvoir la microfinance.
Mais quand on fait l’état des lieux au Bénin, on se rend compte qu’il y a beaucoup de systèmes financiers décentralisés (SFD) qui ne se portent pas bien et d’autres qui exercent parfois en marge de la règlementation. Tout cela fragilise le système financier.
Avec l’aide du Ministère de l’économie et des finances, nous avons pu procéder à la fermeture de deux tiers de ces SFD qui étaient illégaux ce qui nous a permis d’assainir le milieu. Quand on regarde les chiffres de l’INSAE, on voit qu’il y a une réduction de 720 à 150 SFD en 2019. Et comme je vous le disais tout à l’heure, il y a l’éducation financière qui permet de former trente mille personnes par an, par nos services et, le renforcement des capacités d’environ 25 responsables des Système financiers décentralisés par an. Il y a également d’autres sessions de formation pour savoir comment gérer les Systèmes financiers décentralisés et pour favoriser la professionnalisation du milieu.
La Stratégie nationale d’inclusion financière est en cours de finalisation. Il y a une stratégie régionale mais le Bénin n’avait pas sa stratégie nationale. Elle va nous permettre de projeter nos priorités sur les prochaines années et principalement, notre politique d’inclusion financière ; d’assainir, de promouvoir et d’aider au déploiement de plus de Systèmes financiers décentralisés pour pouvoir absorber le besoin de la population qui est quand même très fort (environ 8 personnes sur 10).

Comment assurez-vous que d’autres n’exerceront pas en sourdine ?
Les systèmes de contrôle sont là pour réguler, et assainir le milieu.

Quelles sanctions pour ceux qui le feront de façon illégale ?
Les structures qui sont illégalement installées iront vers des fermetures. Par contre, lors des quatre dernières années, nous avons eu à faire neuf plans de redressement pour des Systèmes financiers décentralisés qui ne se portaient pas bien, afin qu’ils n’aillent pas en faillite.

Les réformes faites par le Gouvernement de la rupture n’ont-elles pas fragilisé l’amour des Béninois pour les microcrédits ?
Je ne pense pas qu’on puisse dire que l’amour que les Béninois ont pour les microcrédits soit fragilisé puisqu’ils en expriment toujours le besoin. Les Béninois d’une certaine catégorie ont besoin de ces microcrédits pour mener des activités génératrices de revenus et ils sont contents des réformes en cours pour améliorer les conditions d’octroi et de remboursement. Il n’y a donc pas de fragilisation. Nous avons échangé avec les groupements de femmes qui ont l’habitude de prendre des microcrédits et qui demeurent en attente pour continuer leurs activités. Il n’y a aucun problème.

PROTECTION SOCIALLE
Quel est l’intérêt de la mise en place du SIDOFFE-NG ?
Le SIDDOFFE-NG, c’est le Système Intégré des Données relatives à la Famille, la Femme et l’Enfant - Nouvelle génération. C’est une base de données, en rapport avec une application web qui permet la production et la diffusion de données désagrégées par sexe et par âge concernant toutes les cibles de l’action sociale. Pourquoi le SIDOFFE-NG ? Parce que pendant longtemps, nous n’avions pas de données fiables sur les cibles, les actions menées et leur l’impact. Nous avions une pluralité de données qui proviennent des Organisations de la société civile, des Partenaires techniques et financiers, des Directions techniques sectorielles. Parfois, ces données étaient même divergentes. Maintenant, avec le SIDOFFE-NG, nous pouvons dire que nous disposons de données fiables, des statistiques, et même mesurer l’impact des actions du ministère.

Qui peut avoir accès à ce système ?
Ce système est accessible à tout le monde.

Et ces informations servent à quoi ?
Quelqu’un qui fait une recherche pour savoir, dans tel département, quelles sont les statistiques de telle thématique (puisque nous avons beaucoup de types de cibles). Il y a aussi des données un peu plus sensibles qui ne seront pas accessibles au public.

Quelle est la finalité ?
Je dirai que c’est pour analyser l’impact des actions, savoir s’il y a des besoins et pour corriger aussi ce qui n’est pas bien fait. On peut chercher à savoir, par exemple, si dans tel département, il y a plus de grossesses en milieu scolaire, est-ce que dans tel département on constate une recrudescence de viols ? Les phénomènes qui existent dans tel ou tel département etc… Cela va nous permettre d’ajuster l’action et de pouvoir organiser la performance du système de l’action sociale dans notre pays.

Qu’est-ce qui est fait aux personnes en situation de handicap ?
Pour les personnes en situation de handicap, il existe beaucoup d’appuis. Il y a 2600 enfants qui ont bénéficié, durant les 4 dernières années, de réadaptation. Nous avons 500 personnes qui ont bénéficié d’appuis en vivres.
Dans le pays, nous avons plusieurs centres de promotion sociale et de formation spécialisés : des centres de formation professionnelle des personnes handicapées à Akassato (Abomey-Calavi) et à Péporiakou (Atacora).
Durant ces dernières années, 90 apprentis ont été libérés de ces centres avec des appuis pour mener des activités génératrices de revenus. Nous avons les Centres de promotion sociale des aveugles à Sègbèya (Cotonou) et à Parakou qui ont encadré 400 apprenants ces dernières années avec de très bons résultats. Parmi eux, en moyenne 70% de réussite au CEP, 64% de réussite au BEPC, 53% de réussite au BAC. C ‘est encourageant.

Qu’est-ce qui est mis à leur disposition pour avoir de telles performances ?
Tout ce dont ils ont besoin. Ils ont besoin d’un cadre adapté, des vivres, mais surtout des enseignants spécialisés très compétents dans ces domaines et de matériels spécifiques (pour la lecture en alphabet braille par exemple). Le Gouvernement joue sa partition.

Est-ce que vous avez un regard à l’endroit des autres catégories de handicap ?
Les handicapés moteurs se retrouvent aussi dans les centres de formations professionnelles qui sont à Akassato et à Péporyakou et qui apprennent des activités génératrices de revenus. En dehors de cela, nous avons aussi des étudiants porteurs de handicap que nous appuyons à hauteur de cent mille (100.000) franc par an. Ils sont à peu près une centaine soutenue par notre Ministère chaque année.

Ainsi que les personnes du troisième âge ?
Les personnes du troisième âge ne sont pas classées dans la catégorie des personnes handicapées. Il y en a quatre mille (4000) environ qui ont bénéficié de consultation gratuite ; six cent (600) d’entre eux qui ont bénéficié aussi des opérations chirurgicales gratuites. Nous avons des centres qui sont destinés à leur épanouissement (CIEPA) dans plusieurs localités du pays.

Quels appuis aux personnes sinistrées ?
Nous avons appuyé, ces derniers temps, une vingtaine de communautés sinistrées. On peut avoir des inondations comme c’est souvent le cas à Athiémé, Lokossa et autres. Il y a eu des incendies dans le Couffo, par exemple, mais aussi ailleurs. Des dégâts causés par des tornades qui emportent tout et les gens, en quelques secondes, perdent leurs logements /abris, leurs greniers etc.
Le Ministère les appuie avec des vivres, et parfois, avec des espèces non remboursables, du matériel.
Nous ne faisons pas que des appuis. Nous sensibilisons pour prévenir ces sinistres. Par exemple, beaucoup d’incendies sont causés par des feux de brousse. Il y a aussi une sensibilisation par rapport aux inondations ; car, il y a des endroits où les citoyens ne doivent pas s’installer. Quand on ouvre les vannes de Nangbéto dans le Togo, il y a des localités béninoises qui se retrouvent dans l’eau. Cela veut dire qu’il leur faut éviter de s’installer sur les passages connus des eaux. Il faut qu’on puisse régler les problèmes de façon durable, comme nous l’avions dit en rappelant la vision du Chef de l’Etat.

Pourquoi avoir pris l’initiative de récupérer les malades mentaux de la ville de Cotonou ?
La campagne de récupération des malades mentaux de la ville de Cotonou est née du constat amer de cette vision : ce sont des personnes humaines comme nous, qui ont droit, tout autant que nous, à un minimum de dignité humaine. Et c’est dans cet esprit que cette campagne a eu lieu en Décembre 2019.
Nous sommes en train de faire le point et nous avons prévu l’étendre aux autres localités. Nous avons récupéré, à peu près, entre cinquante et soixante personnes malades mentales, qui ont été amenées vers les centres psychiatriques. Nous prenons de leurs nouvelles régulièrement et je peux dire que 80% parmi elles se portent mieux, aujourd’hui. Il y a une amélioration notable de leur état de santé. Malheureusement, il y a eu des cas de désertion. Nous allons étendre la campagne dans d’autres localités du pays. Et je lance un appel aux populations pour qu’elles n’abandonnent plus leurs parents qui ont une pathologie mentale dans la rue ; car c’est une situation qui peut arriver à tout le monde.

PROTECTION DE L’ENFANT
Quelles sont les différentes actions que vous menez pour la protection de l’enfant au Bénin ?
Nos actions se basent sur la Politique nationale de l’enfant (PNPE) avec un plan d’action bien défini. L’objectif de cette politique, c’est de pouvoir réduire toutes les formes de maltraitance, de violence et d’abus à l’endroit des enfants. Plusieurs actions sont menées aussi bien dans le cadre de la prévention que de la mise en œuvre du plan d’action. Nous apportons notre aide aux parents de triplés et plus, nous avons des centres d’accueil et de protection de l’enfant (CAPE) que nous sommes en train de mettre aux normes pour assainir ce milieu. Nous avons suivi et inséré 650 enfants en conflit avec la loi. Nous avons eu à recruter et former des familles hôtes ces derniers temps ; mille (1000) enfants en situation difficile ont été insérés dans ces familles. Nous avons eu à mettre en place la Ligne d’assistance aux enfants (LAE) avec le 138, qui est un numéro gratuit permettant de dénoncer les violences exercées sur les enfants et d’activer les différents services pour la résolution des problèmes qui peuvent concerner les enfants dans toutes les localités du pays.
Nous avons toute une politique de prévention, notamment la campagne de tolérance Zéro aux violences faites aux enfants (CTZ). Cette campagne est en cours depuis un moment et a reçu récemment l’adhésion des leaders religieux et traditionnels pour nous aider à mieux lutter contre ce fléau.

Est-ce que les populations vous appellent ? Quels sont les types de violences que vous avez enregistrés ?
Si je vous fais un point sur deux semaines, nous avons eu près de mille (1000) appels. Parmi ces appels, il y a 68 cas qui sont un peu préoccupants. Au sein de ces cas, il y en a qui sont d’extrême urgence qui ont pu être résolus. En guise d’exemple, nous avons les cas de mariages forcés et de viols. Effectivement, dans certains cas, le mal est déjà fait mais on aide l’enfant qui est en situation difficile. On empêche que le même problème arrive à d’autres en trouvant les moyens pour poursuivre les auteurs de ces forfaits.

Comment est-ce qu’on parvient à résoudre le mal en amont ?
La prévention doit suivre son cours. Elle doit être intensifiée et amplifiée. Et des cas doivent être dénoncés et poursuivis, parce que le code de l’enfant est bien clair sur tout ce qui mérite d’être sanctionné et il faut appliquer strictement la loi.

Les centres de sauvegarde d’enfant sont insuffisants. Comment on fait pour en avoir d’autres ?
Nous nous occupons des Centres d’accueil et de protection de l’enfant (CAPE). Il y en avait beaucoup qui n’étaient pas aux normes. Il ne suffit pas d’avoir un local, d’y mettre des enfants orphelins de certains villages pour espérer des dons. Il faut pouvoir respecter des normes préétablies. Nous devons donc refaire le point sur tous les CAPE existants et voir les perspectives avant de s’engager dans les nouveaux projets.

Quel impact recherchez-vous à travers la campagne « Agbazatché », Madame la Ministre ?
« Agbazatché » qui veut dire « mon corps », pour les jeunes « mon corps vaut de l’or. Je dois en prendre soin ». Cette campagne est née du constat de toutes ces déviances qui existent en milieu scolaire. Bien sûr des cas de grossesse en milieu scolaire mais aussi des cas de prise de drogue et d’alcool. Cette campagne permet également de briser le tabou sur la sexualité, car ce qu’on ne dit pas aux enfants, ils iront le chercher dans leur univers : à l’école, auprès des camarades, dans la rue etc… Entre l’école et la maison, il y a la rue.
Cela nous a permis de leur dire tous les risques qu’il y a à avoir une sexualité non responsable ; aussi bien les grossesses précoces que les maladies sexuellement transmissibles. Concernant le VIH par exemple, c’est que nous avons une prévalence générale assez stable. Mais ces derniers temps, nous avons une féminisation des nouveaux cas. Ils se retrouvent à 40% dans la jeunesse, chez les adolescentes entre 15 et 24 ans. C’est le moment de les sensibiliser, car beaucoup de leurs actes partent de l’insouciance et une désinformation en plus de l’impact de tout ce qui est internet, téléfilm etc. Et donc, il faut leur apporter la bonne information.
Quand nous faisons la sensibilisation, nous leur distribuons des bouts de papier pour qu’ils posent des questions dans l’anonymat et nous leur répondons.
Nous profitons également pour parler du code de l’enfant pour qu’ils puissent aussi avoir les outils pour dénoncer les cas de harcèlement et d’abus. Et enfin, nous parlons aussi avec les parents parce que le dialogue entre les enfants et leurs parents est très important. D’ailleurs, nous pensons que ce n’est que ça qui peut nous sauver de la situation actuelle, l’Etat joue déjà sa partition dans ce sens. Cette campagne de sensibilisation impacte et contribue à l’éveil des consciences. Mais il y a un minimum de vigilance qui est aussi attribué à la cellule familiale.

A vous écouter, vous avez senti la nécessité de vous porter vers ces adolescents pour leur parler. Qu’avez-vous relevé comme préoccupations de leur part ?
Quand ils posent des questions, on sent que c’est tout un monde dans leur tête. Et ils ont besoin de réponses précises.
On nous a reproché de leur parler des préservatifs, ce qui pourrait les inciter à la dépravation. Mais pas du tout ! Beaucoup d’entre eux connaissent déjà certaines choses et on ne va pas continuer par être hypocrites avec eux. Il vaut mieux leur donner les informations qu’il faut pour se préserver des difficultés.
On m’a donné l’exemple d’un enfant à qui des dealers faisaient croire que s’il prend de la drogue il pourrait jouer comme Maradona. Quel enfant, qui rêve de devenir footballeur, n’a pas envie de jouer comme Maradona ? C’est comme ça qu’ils détournent, par exemple, certains enfants vers ce fléau-là. Donc, il faut le leur expliquer. Il faut les prévenir. Il faut en parler. Si on n’en parle pas, comment peut-on les prévenir ?

Avez-vous le sentiment qu’ils prennent conscience de vos messages ?
C’est sûr qu’une seule fois, ça ne suffit pas. Mais une seule fois par des Ministres, souvent, ça marque. C’est pour ça que nous descendons parfois à deux. Nous l’avons fait avec le Ministre de l’enseignement secondaire et avec la Ministre de l’enseignement supérieur à l’UAC. Le fait de voir des Ministres qui s’expriment sur ces sujets souvent encore tabous, participe à l’éveil de conscience.

Vous allez souvent avec des artistes comédiens et autres.
Tout à fait ! Nous allons souvent avec des artistes parce que ça aussi, c’est un autre canal qui permet de véhiculer le message. Les enfants sont sensibles à leurs prestations.
Par exemple, nous avons des chorégraphes qui exécutent des scènes contre des violences et autres. Ça choque. Mais ça attire l’attention des jeunes sur ce qu’ils doivent éviter. Notre descente avec des jeunes est pour compléter la panoplie de communications pour atteindre leur conscience et espérer un changement de comportement.

Mais lorsque vous avez fini de faire toutes ces descentes en tant que Ministre, Médecin gynécologue et mère d’enfants et que cette affaire de sextape occupe l’actualité dans les écoles, qu’est-ce que vous ressentez ?
Il faut situer simplement les responsabilités. L’Etat joue bien sa partition à travers les campagnes de sensibilisations et autres mais c’est un problème qui concerne tout le monde : les parents d’élèves, les enseignants. Ce problème de sextape est parti, non seulement du vice exprimé mais de la banalisation du vice, avec de la production. On filme avec un téléphone portable et on balance sur les réseaux sociaux. Mais les enfants ont eu les téléphones portables comment ? Ils ont accès à internet comment ? Ils ne gagnent pas leur vie ! Donc, forcément, il faut situer les responsabilités et que chacun reprenne son rôle, autant que possible.

Madame la Ministre, on ne vous voit pas vous entretenir aussi avec les parents
Si ! Nous nous entretenons avec les parents. Nous avons même un guide qui a été élaboré, avec le concours de certaines ONG sur le dialogue entre parents et enfants et qui permet d’outiller les parents à mener ce dialogue qui est très important pour établir la complicité qu’il faut avec leurs enfants. Et au-delà du dialogue, nous parlons de la surveillance, de la vigilance des parents. Ils ont aussi un rôle à jouer en plus du rôle des encadreurs et des gouvernants.

Comment ça se passe avec les enfants en situation difficile ?
A peu près mille (1000) enfants en situation difficile ont été insérés dans des familles hôtes. Et ça se passe très bien. Nous avons eu à former également 68 familles hôtes.

PROMOTION ET AUTONOMISATION DE LA FEMME
C’est quoi la nécessité d’aller vers les femmes et de leur apporter des appuis ?
Une femme financièrement autonome est une femme qui est indépendante. C’est une femme qui peut se prendre en charge, elle et sa famille, au besoin. Mais pour arriver à cette étape d’autonomisation, il faudrait que la femme soit préservée des violences de toutes sortes et se sente en sécurité. Il faudrait qu’elle soit en bonne santé et maîtriser sa fécondité (espacement des naissances), ce qui lui permet d’avoir un contrôle sur sa capacité financière à gérer ses charges. Et quand on a tout ça, on peut se demander ce qu’on peut mener comme activité génératrice de revenus et ce que l’Etat peut apporter comme appui.
Les équipements ont aidé ces femmes dans l’amélioration de leurs productions, dans l’amélioration de leurs conditions de travail et donc celles de leur vie. Ces dernières années, pas moins de mille (1000) groupements ont été appuyés à hauteur de trois (3) milliards FCFA. Ça, c’est du concret.

Est-ce que vous ressentez l’impact de ces appuis ?
Il suffit d’écouter leurs commentaires pour s’en rendre compte. Maintenant, quand elles ont les équipements, elles peuvent se tourner vers les microcrédits pour un peu d’argent et s’acheter les matières premières. Donc, avec ces appuis, elles peuvent travailler, produire de la richesse et avoir un meilleur rendement.

Une femme autonome, c’est une femme qui peut participer au processus de décision aussi. Qu’est-ce qui se fait dans ce sens ?
Les femmes participent de plus en plus aux processus de décision. Dans notre Ministère, nous avons eu à installer la plateforme du Compendium des compétences féminines pour mettre bien l’accent sur le mérite des femmes. Il ne suffit pas seulement de favoriser les femmes. Il faut aussi aller vers le mérite. Dans ce Compendium accessible, il y a plus de 1500 femmes avec leurs profils de compétences professionnelles, leur curriculum vitae. Ensuite, il y a aussi la plateforme dénommée « 50 millions de femmes africaines ont la parole » qui est destinée aux femmes entrepreneurs sur laquelle elles peuvent s’inscrire pour vendre leur savoir-faire au-delà de leur localité, c’est une plateforme ouverte sur le monde.

Qu’est-ce qu’on fait pour limiter les violences basées sur le genre ?
Une femme qui est violentée n’est pas épanouie. Et une femme qui n’est pas épanouie aura du mal à être aussi autonome. C’est un cercle un peu vicieux. La lutte contre les violences faites aux femmes est une lutte qui existe partout dans le monde parce qu’il n’y a nulle part où on peut dire qu’il n’y existe pas de violences faites aux femmes.
Au Bénin, nous menons des campagnes de prévention. En plus de cela, nous avons 85 centres de promotion sociale qui sont des lieux d’écoute où les femmes victimes de violences sont reçues, écoutées, rassurées et apaisées. C’est d’abord, la première étape de la prise en charge. Ensuite, elles sont orientées si elles ont besoin d’une assistance sanitaire et ou juridique. Nous travaillons également avec les Centres Intégrés de Prise En Charge des victimes de violences faites aux femmes (CIPEC). Il y en a trois dans le Bénin. Tout ce dispositif contribue à lutter contre le fléau. Mais, il faut dire que nous devons poursuivre et accentuer les campagnes de prévention.

PERSPECTIVES
Quelles sont les perspectives qui s’ouvrent aujourd’hui pour le public ?
C’est de poursuivre ARCH qui est un pilier de la protection sociale ; réaliser la généralisation de l’Assurance Maladie ; la relance des microcrédits qui est imminente ; finaliser la formation qui va permettre d’accéder à une augmentation des compétences professionnelles pour accroître la capacité à produire des revenus des artisans puis des autres secteurs ; mettre en marche la phase pilote du volet Retraite en 2020, comme c’est prévu.
Du côté de la protection de l’Enfant, asseoir davantage la Ligne d’Assistance et les services qui suivent la dénonciation pour que nous réduisions, non seulement les violences, mais toutes les autres formes de maltraitance d’enfants. Concernant les femmes, il s’agira de poursuivre cette promotion d’excellence des femmes au service de la Nation à tous les niveaux et dans toutes les catégories socio-professionnelles.



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