Aristide Dagou sur les décès en période de crue : « Kandi nous interpelle…. »

15 octobre 2020

L’Assemblée générale des Nations Unies a désigné le 13 octobre comme Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe (DIRRD). Invité sur Radio Tokpa, Aristide Dagou, Directeur Général de l’Agence Nationale de la Protection Civile rappelle les efforts du Bénin et revient sur les cas de chavirement de barque qui alourdissent le bilan des dégâts humains. Voici, en extrait, une partie de son intervention.

En termes de pertes, quelle est la situation actuelle cette année ?
Vous m’amenez à donner quelques chiffres provisoires. A la date du 13 octobre 2020, les inondations de cette année ont causé directement 7 décès.

Pourtant, pas plus tard que le week-end dernier, il y a eu un mort à Bensékou à Kandi où le bilan serait déjà passé à une dizaine de morts. Est-ce réaliste ?
Kandi nous a étonnés cette année. Elle n’est même pas une commune à haut risque d’inondation. Mais cette commune a connu le plus de décès. Nous sommes aujourd’hui à 10 décès dans Kandi dont 6 directement dûs aux inondations. Il y a 4 qui ne sont pas dus aux inondations.

C’est quoi la différence ?
Pour les décès directement dus aux inondations, nous sommes sûrs que s’il n’y a avait pas inondations, ces décès n’auraient pas lieu. L’inondation, c’est l’occupation d’un espace normalement émergé par l’eau. Il faut d’abord qu’il y ait inondation avant qu’on ne parle de décès dus aux inondations. Or généralement, il y a une certaine confusion. Il suffit que la personne décède par le fait de l’eau pour que les gens parlent d’inondation. Quand il y a chavirement de barque, et que les gens sont décédés, on dit que c’est les inondations. Ce n’est pas le cas. C’est vrai que nous suivons aussi ces chiffres parce que nous avons la charge de réduire les risques de catastrophes. Ceci, en vue de proposer des solutions qui vont mettre en œuvre les secteurs de l’Etat qui s’occupent de la question. Quand nous prenons par exemple le transport fluviolagunaire, ce n’est pas des prérogatives de l’Anpc. Mais nous suivons ces chiffres pour suggérer par la suite des recommandations au ministère du transport, pour que dans ses politiques, il puisse tenir compte les faits que nous avons observés et les analyses issues de ces faits.

Mais le Ministre de l’intérieur par des communiqués appelle souvent les populations à ne plus naviguer sur des bassins à la période de crue. Cela ne voudrait-il pas dire que c’est de votre compétence ?
Le communiqué est fait pour sensibiliser les populations à éviter les comportements à risques. Lorsque les populations s’entêtent et font preuve d’imprudence, les décès qui en résultent ne sont pas toujours dus aux inondations. Je vous donne un exemple, vous surchargez votre barque, et elle chavire. Pendant ce temps il pleut. Est-ce à dire que ce sont les inondations qui vous ont tué ? Le transport fluvial doit être suivi comme le transport routier. Quand bien même il y a accident en temps de pluies, on ne dit pas que c’est du fait des inondations. On dit que c’est un accident de la route. De la même manière, s’il y a accident sur l’eau, on ne doit pas dire que c’est les inondations qui ont tué simplement parce que nous sommes en saison des pluies. C’est cette confusion qu’il y a au niveau de certains citoyens et nous travaillons à corriger cela. Les décès qui sont enregistrés en période de pluie, peuvent être enregistrés comme des catastrophes. Mais on ne doit pas dire que c’est des catastrophes dus aux inondations. Si bien que nous avons deux chiffres distincts. Nous avons les chiffres relatifs aux décès dus aux inondations et ceux relatifs aux accidents qui sont liés à l’eau. S’il pleut de façon intense et que le courant d’eau emporte quelqu’un, on peut considérer en ce moment que c’est dû aux inondations. Mais si le cours d’eau est normal et que quelqu’un prend sa barque, la surcharge, et que malheureusement il y a décès, on ne dira pas que c’est les inondations. Nous faisons cette nuance pour que la presse nous aide à relayer la bonne information parce que ça ne sert à rien les chiffres. Dans le domaine de prévention des risques de catastrophes, on ne ment pas. Parce que les chiffres sont analysés et c’est sur cette base que les politiques et les stratégies sont formulées. Aujourd’hui, il faut retenir qu’il y a 7 morts dont 6 à Kandi. Kandi nous interpelle.

Pourquoi ?
Kandi nous interpelle parce que le travail que nous faisons depuis le début de la saison a porté ses fruits au niveau des communes à haut risque. Nous en avons 21, il n’y a pas de décès au niveau de ces communes. Ça veut dire que le travail de prévention et de préparation que nous avons fait en amont a porté ses fruits. Mais Kandi n’était pas une commune à haut risque d’inondation. Elle vient de se révéler et déjà nous travaillons avec les autorités de la mairie pour rapidement les aider à avoir leur plan de contingence, et avec l’appui des partenaires, nous envisageons faire une nouvelle cartographie des risques. Parce qu’avec les effets des changements climatiques, nous constatons que la cartographie des risques que nous avions est dépassée. Il y a des zones qui reçoivent des quantités données de pluies qui n’en reçoivent plus, et ce sont des communes qui n’en recevaient pas qui reçoivent abondamment. Il faut alors refaire l’étude et actualiser la cartographie des risques. Et je pense que Kandi doit être une commune à prendre en compte. De toutes les manières, nous la surveillons de près et je crois que pour la saison prochaine, vous n’allez plus entendre parler de ces dégâts.

Avez-vous déjà des éléments qui pourraient expliquer cette situation ?
C’est d’abord le fait que les pluies tombées sont excédentaires dans la partie septentrionale. Les prévisions l’avaient dit. Elles l’ont été. Comme nous n’avions pas mis l’accent lors de nos campagnes de sensibilisation, d’information, de préparation, sur cette commune dans le département de l’Alibori, ça explique peut-être ce qui est arrivé. Dans ce département, nous avons travaillé dans les communes de Karimama, Malanville, Banikoara qui relativement à l’année passée avait été secouée par les inondations de 2019. Ces communes dans lesquelles nous nous sommes investis, nous avons constaté que les dégâts sont moindres. Et là où nous n’avons pas du tout travaillé, ces dégâts sont importants ; Donc, cela voudrait dire que nous avons eu le mérite de travailler et il faut continuer à le faire. La politique que nous avons expérimentée depuis 2016 marche, il faut la continuer. Cela voudrait dire aussi que la cartographie de risque doit être actualisée. C’est elle qui nous permet de cibler les communes dans lesquelles nous intervenons. Elle doit être actualisée et prendre en compte la commune de Kandi et d’autres communes. Voilà les deux leçons que nous tirons.
Transcription : Fulbert ADJIMEHOSSOU



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