Atman Bouba sur l’utilisation à but professionnel des médias sociaux : « Les médias sociaux ne sont plus seulement des outils ludiques mais aussi des outils professionnels »

La rédaction 31 mai 2022

Ils sont des milliards d’utilisateurs dont l’effectif s’accroit chaque jour sur les médias et les réseaux sociaux. Au nombre des raisons évoquées pour expliquer ce constat, leur usage à des fins professionnelles est une réalité déjà au Bénin. Spécialiste de l’histoire des TICs, blogueur, web-journaliste et consultant en communication digitale, Atman Bouba se prononce dans cet entretien sur la manière dont il faut exploiter les médias sociaux pour le développement personnel et professionnel des internautes.

Qu’appelle-t-on médias sociaux et réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux sont imbriqués dans les médias sociaux. Quand on parle de médias sociaux, on parle des outils du web 2.0 qui permet une interaction entre les utilisateurs. L’interaction dont il s’agit ici englobe les ‘’like’’, les commentaires, les partages et tous les échanges qu’il peut y avoir autour d’un post et entre les utilisateurs. Le web 1.0 ne permettait par cette interaction. Les plateformes qui rendent possible cette interaction sont appelées médias sociaux. Dans la catégorie des médias sociaux, il y a une nuance qui fait se démarquer les réseaux sociaux : c’est la nécessité de créer un compte d’utilisateur avec un nom d’utilisateur et un mot de passe avant de pouvoir interagir avec autrui. Ainsi certaines plateformes comme Facebook, Twitter, LinkedIn se distinguent-elles comme réseaux sociaux en raison de la nécessité du compte d’utilisateur pour interagir. Les autres qui n’en ont pas besoin pour l’interaction, se distinguent simplement comme médias sociaux tout court. C’est le cas par exemple des forums, des blogs...

Quelle est la typologie des médias sociaux ?
On a les médias sociaux de contenus, les médias sociaux de contact et les médias sociaux de réseautage. Dans le premier cas, nous pouvons citer wordpress et autres. Dans le deuxième cas, nous pouvons citer Facebook, Twitter et autres. Dans le troisième cas, nous pouvons citer les médias sociaux qui permettent le réseautage professionnel comme Linkedin. Il faut tout de même souligner que certaines plateformes d’interaction ne sont ni des médias sociaux ni des réseaux sociaux. C’est le cas de WhatsApp, Viber, Signal et autres. Il s’agit ici des applications de discussion instantanée. Leur particularité est qu’elles requièrent absolument un échange de contacts téléphoniques avant d’établir une quelconque interaction. C’est le même principe que celui des sms mais appliqué au digital. L’interaction n’est possible qu’avec les personnes du carnet d’adresse de l’utilisateur. Alors que dans le cas des médias sociaux, le nom d’utilisateur est suffisant pour retrouver et échanger avec le concerné, lire et commenter ses posts.

Comment sont apparus les médias sociaux ?
Ils sont apparus au début des années 2000. Le web 1.0 est apparu plus tôt, en 1990 et sans possibilité d’interaction. L’évolution s’est faite jusqu’à ce jour au web 4.0 avec l’Internet des objets. Le monde est déjà au stade de l’intelligence artificielle et certaines structures au Bénin en parlent déjà. Dans la mesure où des ateliers se tiennent sur le sujet et que des robots appelés bots sont développés, je dirai que c’est déjà une réalité au Bénin.

Pourquoi les médias sociaux ont suscité autant d’engouement ?
D’abord l’interaction qui fait de tout le monde entier un village planétaire. Vous pouvez prendre et reprendre contact avec n’importe qui, quelle que soit sa position géographique. L’accessibilité à internet à moindre coût et l’achat facile des smartphones ont favorisé aussi cet engouement. Au fur et à mesure que le temps passe, les médias sociaux développent des outils pour inciter davantage les internautes à interagir entre eux. Avec un forfait Internet de 100 FCFA, l’internaute pourrait déjà charger ses messages, répondre et interagir avec plusieurs personnes. Il arrive à avoir plus d’impact et plus d’informations. Au contraire, 100 FCFA en crédit d’appel ont vite fait de se consumer rien qu’avec une seule personne.

Quels sont les usages des réseaux sociaux ?
Au départ, c’était pour tisser des relations et pour garder contact. Aujourd’hui, les médias sociaux sont allés plus loin. Ils sont devenus des outils professionnels et des outils d’information. Plusieurs observations le justifient. En premier lieu, les recruteurs sont sur les médias sociaux et ne passent plus par les canaux conventionnels pour le faire. Ils préfèrent aborder directement l’internaute qui répond à leurs critères. Ensuite, les organes de presse ont, eux aussi, opéré une mutation digitale car ont compris que les médias sociaux sont devenus des canaux d’informations très exploités par la génération tête baissée que nous sommes. Fraternité Bénin, Banouto, et bien d’autres sont très présents en ligne et alimentent les internautes en informations

Quelles sont les plateformes qui sont recommandées lorsque l’on veut faire un usage professionnel des réseaux sociaux ?
Cette recommandation dépend du secteur d’activités car chaque réseau social avec sa cible qui peut représenter un intérêt pour le professionnel selon son activité. Par exemple, un banquier, un journaliste-télé et un footballeur n’ont pas les mêmes intérêts et par conséquent pas les mêmes cibles. Dans un but purement professionnel, le premier pourrait se retrouver sur Twitter qui est très interactif et utilisé par les grandes personnalités, alors que le deuxième, du monde du showbiz se retrouvera sur Tiktok. La plateforme généralement appropriée reste quand même Linkdin car c’est le CV en ligne. Il est très utilisé par les recruteurs. Facebook aussi est indiqué car très ouvert.

Quelles sont les stratégies à utiliser pour se développer professionnellement sur les réseaux sociaux ?
Déjà se demander : qu’est-ce que j’apporte aux gens ? Il s’agit là de définir ses objectifs personnels et professionnels.
En fonction, il faut définir ses outils et choisir les plateformes sur lesquelles l’on s’inscrit.
Ensuite, il faut définir sa ligne éditoriale. A cette étape, le professionnel répond à la question : qu’est-ce que j’aborde comme thèmes ? Cette réponse définit sa spécialité, la ligne éditoriale à suivre.
Une fois ces choix opérés, il convient de s’y tenir et de ne pas s’en éloigner. Lorsque le professionnel est à ses débuts surtout, il lui faut identifier des comptes à suivre. Il s’agit des comptes de personnes dont les activités cadrent avec sa ligne éditoriale. Un exemple ! Pour un historien, ça peut être Alain Foka référence en histoire de l’Afrique avec son émission Archives d’Afrique ou d’autres personnes qui œuvrent pour la promotion d’autres aspects de l’histoire de l’Afrique. Il faut ensuite identifier sa cible : quel est mon public ? Juste après, il faut aussi choisir son registre, ce style qui particularise le professionnel. Il dépend également de la cible et se crée avec le temps. Vient en dernière position le contenu. Je parlerai là de l’importance des hashtags encore appelés des mots-dièse. Placer ce symbole # au début d’un mot lui fait prendre une coloration bleue et permet de recenser toutes les publications faites avec ce mot-clé sur ce réseau. Cette astuce permet de donner de la visibilité au post car toute personne à travers le monde qui tape ce mot-clé sera redirigé vers ce post parmi les propositions que lui feront les moteurs de recherche. Si le post est jugé pertinent, il peut récolter des likes, susciter des commentaires et créer de la discussion. C’est aussi là, la force de l’interaction.

Quelles sont les choses à ne pas faire ?
Personnellement, je les appelle les ‘’don’t’’. Premièrement, il ne sert à rien d’être présent sur toutes les plateformes à la fois. C’est vrai que ce n’est pas dangereux en soi mais il ne sert à rien de créer un compte et de ne pas pouvoir l’alimenter. Deuxièmement, il ne faut pas relayer n’importe quoi. La raison est toute simple, nous sommes à l’image de ce que nous partageons. Si je partage quelque chose, c’est que je le conçois. Autrement, je dois mettre en commentaire pourquoi je ne suis pas d’accord. De ce fait, il est déconseillé de poster tout et n’importe quoi. Cela prend en considération toutes les images inappropriées, y compris les images de beuveries et les images impudiques. Les supprimer ne résout pas le problème puisqu’Internet a de la mémoire et des recherches approfondies peuvent exhumer des dossiers compromettants. Tout cela participe à la construction de l’image de soi sur Internet. C’est ce qu’on appelle l’e-réputation. Selon qu’elle est positive ou négative, des opportunités peuvent se présenter ou s’éloigner de l’internaute. Ensuite, il faut éviter d’être grossier. Nul ne connait la valeur même des collaborations auxquelles la vie peut nous conduire demain.

Quelles dispositions légales pour encadrer l’utilisation des médias sociaux ?
Le code du numérique est très adapté à cette préoccupation parce qu’il prévoit des sanctions allant du fournisseur d’accès internet jusqu’à l’utilisateur lui-même. Les dispositions de ce code protègent l’internaute et régulent l’usage et le traitement des informations en ligne. Diffamation, incitation à la haine, incitation à la rébellion, usurpation d’identité, atteinte à la vie privée d’autrui sont des actes durement punis. Les sanctions de privation de liberté vont de 6 mois à 7 ans de prison ferme pendant que les sanctions financières vont de 1.000.000 fcfa à 10.000.000 fcfa.

Que faire lorsque les données personnelles à soi sont détournées ?
Il faut saisir l’office central de répression de la cybercriminalité (OCRC) avec les preuves incriminant les coupables. Il peut s’agir de captures d’écran, des URLs vers de faux comptes créés, ou autres. L’OCRC se charge alors de remonter jusqu’aux coupables pour les saisir et les présenter aux juridictions compétentes.

Que faut-il faire pour protéger ces données personnelles ?
Il ne faut pas cliquer sur les liens douteux. Ceci car elles ouvrent des portes dérobées et créent des failles de système par lesquelles les mal intentionnés accèdent aux données personnelles de leurs victimes. Ils peuvent par la suite en user à leur guise. Une autre parade est de copier ces liens et de les ouvrir en navigation privée pour mieux préserver les données personnelles. Par ailleurs, il est strictement déconseillé de partager des images et autres données privées avec des inconnus. Avec l’appât d’offres d’emplois, certains se font avoir et peuvent être victimes au mieux de sextorsion avec des photomontages nus ou au pire avec leurs vraies photos ou vidéos nues. Aussi faut-il lire les conditions d’utilisateurs à l’installation des applications sur les téléphones portables car beaucoup sont autorisées à collecter les informations personnelles à l’insu des utilisateurs. Certaines vont jusqu’à activer en off les caméras des smartphones pour espionner leurs utilisateurs ou mettre sur écoute. La réalité est qu’il est difficile d’avoir un contrôle absolu sur ces détails importants. Il faut dans ce cas retenir que rien de compromettant ne peut être stocké sur les téléphones. Ceci car même en cas de perte, les informations sont livrées au bon vouloir de celui qui aurait ramassé le téléphone perdu.

Votre mot de la fin
Aujourd’hui, nous devons retenir que les médias sociaux ne sont plus seulement des outils ludiques mais aussi des outils professionnels. Il y en a qui gagnent leur vie avec les réseaux sociaux. Community manager, social média manager, social média strategist, rédacteurs web, consultant en communication digitale, bloggeur, graphistes web, programmeurs web…ils sont nombreux à faire ces métiers dits du numérique ou d’avenir. De la même façon, beaucoup d’opportunités peuvent s’offrir aux internautes. Il faut donc cultiver une certaine hygiène numérique sur les réseaux sociaux pour parvenir à monétiser sa présence.
Propos receuillis par Fredhy Armel BOCOVO (Coll)



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