Bains nocturnes aux intersections de voies : Des témoignages sur un fait troublant en fin d’année

25 novembre 2022

L’un des rituels marquant la fin de chaque année est le bain nocturne qu’exécutent nombre de personnes aux carrefours de la grande ville du Bénin et ses environs. Une pratique qui intrigue plus d’un en l’occurrence des citoyens qui, en passant par des intersections routières à des heures tardives, surprennent les pratiquants en plein acte.

La fin de l’an 2022 révèle son lot de bains nocturnes réalisés aux intersections routières dans les villes de Cotonou et ses périphéries. A un mois environ des fêtes de fin d’année, les croisements de voies dans plusieurs quartiers de la ville de Cotonou sont déjà le théâtre des bains à partir de minuit. Il y a une semaine environ, un monsieur a été vu en plein acte de rituel de bain dans un canari en argile cuite aux environs de 00h 30 min au carrefour du terrain de Kouhounou non loin de la pâtisserie Le Pantagruel. Le 18 novembre dernier, une femme ayant un linge blanc autour d’elle prenait un bain d’herbes macérées vers 00h 45 min au niveau de l’intersection avant les feux tricolores de Togbin, à l’extrême droite en venant de Godomey Magasin. Dans la nuit des 15 et 16 novembre derniers sur le premier tournant en forme de ‘’S’’ à Houalakomey, des agents d’assainissement urbain commis au nettoyage de la voie pavée se plaignaient du cas d’un monsieur engagé dans un bain nocturne de 3 jours qui, visiblement leur compliquait la tâche. A l’intersection indiquée, les détritus d’herbes trempées, l’éponge végétale déjà utilisée, l’eau qui coule fraîchement dans les caniveaux à travers les pavés, l’atmosphère soutenue par l’odeur du parfum. Même si le sujet n’est point présent sur les lieux, tout semble visible pour indiquer le rituel de bain nocturne récemment fait. « Hier, il était là pour se laver et aujourd’hui c’est le même scénario. Nous avons déjà balayé là mais lui vient encore de le salir et on apprend qu’il doit le faire pendant trois jours », s’est indignée une agente d’assainissement. Une pratique qui, en ces derniers temps, devient de plus en plus récurrente et la liste n’est pas exhaustive.

Les bains aux intersections de voies sont un acte purification
Si les bains de nuit deviennent de plus en plus fréquents aux intersections routières à la veille d’une nouvelle année, une raison bien fondée soutient cette pratique. « C’est un bain par lequel celui qui le pratique, se débarrasse de tous les mauvais sorts », a signalé Dah Métofodji, tradipraticien, fondateur de l’Eglise des cultes endogènes (ECE) ‘’Gbèzinkpo’’. Il a également fait comprendre que le choix d’une intersection routière s’explique par le fait que les esprits maléfiques, vecteurs des mauvais sorts empruntent forcément un itinéraire pour atteindre leur cible. « Le bain se fait au carrefour car il faut comprendre que c’est l’endroit propice pour les mauvais sorts déchargés de trouver une autre occasion pour la suite de leur voyage », a-t-il souligné. Dah Métofodji a confié qu’au regard de l’effet purificateur des bains nocturnes aux intersections routières, il doit être exécuté nu sans les bracelets, les anneaux, les colliers. « Celui qui pratique le rituel de bain nocturne doit aussi se raser la tête au même endroit y compris les poils aux diverses parties de son corps. Les habits que l’intéressé porte régulièrement doivent aussi être délaissés aux lieux du rituel et il quitte là dans un habit qu’il n’avait encore jamais porté », a-t-il ajouté. Dans le même sens a abondé M. Symphorien alias Labo Nat, tradipraticien en confirmant que les bains aux carrefours permettent de se débarrasser des mauvais sorts qui perturbent le cours normal de la vie des citoyens. « Les gens ne doivent pas normalement attendre la fin de l’année avant de se purifier à travers le rituel de bain. S’ils peuvent comprendre ce à quoi ils sont exposés chaque fois qu’ils sortent, ce rituel doit être fait à chaque retour à la maison », a-t-il indiqué. Hounon Kpossiandan a aussi confié que, toujours dans l’optique de conjurer les mauvais sorts, il n’attend pas forcément la fin de l’année pour préparer ce bain à ceux qui en ont besoin. « Cela peut sauver quelqu’un des balles mystiques ‘’Tchakatou’’ ou aider une femme à commencer à faire des enfants. Ceux-là, soit ils font le bain dans un récipient et viennent le verser à une intersection de voies, soit selon le cas, ils peuvent directement, à l’heure indiquée, le faire », a-t-il fait savoir.

Les témoins oculaires troublés et indignés
Si le rituel de bain aux carrefours permet de se débarrasser des mauvais sorts, les citoyens qui surprennent les auteurs en train de se laver, s’exposent et s’indignent. Anatole Gangbé a fait part de sa mésaventure à ce sujet. « La veille de Noel passée, au niveau du premier croisement après Carrefour IIta en allant à Houèto, j’ai dépassé un jeune homme qui finissait son rituel vers minuit puis il m’a dit : ‘’toi, tu vas faire accident tout à l’heure’’ et à hauteur de IIta, une autre voiture est venue heurter la mienne. Heureusement, il n’y pas eu de dégâts assez graves », a-t-il confié. Monique Dangbénon, gestionnaire de boutique de cosmétique à Cotonou n’a pas caché ses ressentis. « Même dans ma voiture, cela me dérange toujours chaque fois que je les croise sur la voie de Hêvié », a-t-elle laissé entendre. Dah Métofodji a indiqué qu’après le rituel, les mauvais esprits restent sur les lieux jusqu’au passage de leur prochaine victime. « Si tu n’es pas spirituellement fort, tu passes par là et tu pars avec des sorts maléfiques emportés », a-t-il fait remarquer. Une agente du service d’assainissement urbain ne s’est pas empêchée de soulever l’insalubrité que laissent ceux qui s’adonnent au rituel et propose une alternative. « Ils peuvent choisir un croisement dans un coin reculé loin des vues publiques », a-t-elle suggéré avant d’ajouter qu’à la vue, la scène heurte la sensibilité de plusieurs citoyens. « On est troublé ! », a-t-elle fait savoir. Dah Métofodji ainsi que Hounon Kpossiadan ont conseillé les zones reculées pour les bains nocturnes sur les voies d’intersection. Si Kpossiadan a souligné que parfois le croisement pour le bain est précisé par les génies à travers le Fâ, le fondateur de ECE ‘’Gbèzinkpo’’, a indiqué que ce n’est pas bon d’être vu lors du bain au carrefour. « Cela compromet les résultats attendus », a-t-il fait comprendre. Les concernés doivent tenir compte des désagréments éventuels laissés au passage.
Fidégnon HOUEDOHOUN



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