Chômage au Bénin : L’activité de « Zémidjan » n’est plus la solution secours

10 mai 2022

Des jeunes au Bénin s’adonnent à l’activité de zémidjan pour gagner leur vie. Ce métier de taxi-moto s’est avéré une solution au problème de chômage pendant de nombreuses années. Mais avec la crise économique, la conduite de zémidjan n’est plus une alternative pour gagner sa vie.

Des vrombissements assourdissants sur la route inter-Etats Cotonou-Lomé accompagnent le lever du jour ce lundi 09 mai 2022 dans l’un des quartiers huppés de Cotonou. Dieudonné Agbo, dans un uniforme jaune est matinal. Il a emprunté la grande route sur sa moto dès 06 heures du matin et se lance dans son activité. Il est conducteur de zémidjan et réside à Abomey-Calavi. Sa maison est une location à une pièce communément appelée « entrée-coucher ». A l’intérieur de sa chambre, on trouve à peine trois chaises et une table installée au coin. Deux marmites, une douzaine d’assiettes, des fourchettes, une palette, deux gobelets, deux plastiques et un sceau composent ses ustensiles de cuisine. Derrière la porte est dressée une grande natte artisanale lui servant de couchage. Des vêtements d’hommes, de femmes et d’enfants trainent sur une corde attachée sur la longueur de son mur. Dieudonné est en couple, a un enfant et vit une vie de misère. « C’est difficile pour moi et ma petite famille. La conduite de zémidjan ne me permet pas de répondre à tous nos besoins. Je suis dans une location de 16.000 FCFA mais c’est difficilement que je paye mon loyer. Nous mangeons un seul repas par jour totalement le soir. Dans la journée, chacun se débrouille. Je fais une tontine pour pouvoir acheter les fournitures pour mon enfant dès la rentrée prochaine », explique-t-il. Comme lui, plusieurs jeunes ne parviennent plus à gagner leur vie grâce à l’activité. Le gain issu de la conduite est insuffisant pour mieux vivre. « Je fais un gain de 2000 à 3000 francs CFA par jour. Et dans le mois, je gagne à peine 50.000 francs CFA. Nous qui gagnons l’argent par jour, il nous est difficile de réaliser parce que l’argent ne reste pas. Les dépenses sont instantanées quand l’argent est dans la poche. J’ai appris le métier de coiffure mais cela ne me permet pas de me nourrir », révèle Dieudonné.

L’activité de zémidjan autrefois alternative au chômage
Ils sont nombreux dans les villes de Cotonou et d’Abomey-Calavi reconnaissables à leur uniforme de couleur jaune et à la marque « Bajaj » de leur moto. A Cotonou, on compte une centaine de milliers de zémidjan qui abordent les routes chaque matin à la recherche de clients afin de gagner leur pitance. C’est devenu un métier qui sauve son homme et cela dure déjà une cinquantaine d’année. Le phénomène a pris d’ampleur à Cotonou depuis quelques temps car, il est une alternative de gagne-pain. La plupart se sont engagés dans le métier parce qu’ils ont connu des ainés qui y ont réussi leur vie. « J’ai eu un oncle qui a fait le métier entre 1993 et 2006. Mais avec ça, il a pu acheter un carré à Akassato et y a construit. Il a financé les études de ses enfants qui ont évolué et ont obtenu des diplômes universitaires. A l’époque, il gagnait au moins 10.000 par jour et pouvait compter 60.000 par semaine. Il ne vit plus aujourd’hui mais ses enfants sont de grandes personnes qui gagnent bien leur vie. L’un est dans la fonction publique et l’autre est dans la police », témoigne Francis Kata, également engagé dans l’activité de zémidjan. Cette activité a réglé de nombreux problèmes sociaux dont le chômage et la déliquescence. Elle a permis à de nombreux chômeurs et d’autres jeunes non scolarisés d’être occupés à une activité. Le taxi-moto est donc depuis de nombreuses années une alternative au chômage des jeunes au Bénin. « Le Zémidjan a commencé en 1969 mais il a connu un boom à la suite de la crise économique de 1989. Les jeunes chômeurs et travailleurs licenciés avaient trouvé en cette activité une alternative à leurs problèmes financiers. Ainsi le métier leur permettait de payer leur loyer, d’envoyer leurs enfants à l’école, de subvenir aux besoins de la famille et même d’épargner à travers le système de tontine. Cette tontine leur permettait avec le temps, de s’acheter des parcelles et de construire. Avec les différentes réalisations, beaucoup se reconvertissent dans d’autres secteurs d’activités après avoir fait du profit dans la conduite de Taxi », explique Yvon Kossou-Yovo, historien à l’Université d’Abomey-Calavi. Pendant des années, la conduite de zémidjan a aidé de nombreux jeunes à trouver leur gagne-pain et à construire leur vie. « J’exerce le métier de zémidjan depuis 17ans. Grâce à cette activité, j’ai pu me construire une maison à Akassato et j’y vis avec mes deux femmes et mes enfants. Je gagne mieux que la plupart des jeunes parce que j’ai des stratégies que j’adopte. Avec le temps et l’expérience, je connais les circuits où se trouvent de nombreux clients. J’arrive à trouver ceux qui vont loin et qui paient plus chèrement. J’ai également adopté la stratégie de l’abonnement avec des clients », révèle Francis Kata. Ce dernier a pu s’en sortir à cause de son expérience contrairement à Dieudonné engagé dans l’activité il y a 5ans. L’activité de zémidjan a dépanné de nombreux jeunes pendant des années. Mais, ce florissant métier a pris un coup suite à un boom de conducteurs.

Un zémidjan pour 7 clients, le boom du phénomène !
Un individu au bord d’une chaussée peut être abordé par plusieurs zémidjan en quête de client. C’est ce fait qui a intrigué Comlan Sossa sorti attendre son ami au bord de la route qui viendrait le remorquer pour le boulot. Debout sur le caniveau du trottoir pendant une dizaine de minutes, il a été approché par 7 différents taxi-motos. « C’est embêtant. J’attendais un ami qui va venir me prendre pour qu’on aille au boulot mais les zémidjan ne faisaient que m’emmerder. Ils me demandaient à chaque fois si je m’en allais. J’ai compté jusqu’à 7 conducteurs qui m’ont approché en l’espace de 10 minutes. C’est bizarre », a-t-il déclaré tout confus. Les zémidjan se livrent chaque jour à cette chasse aux clients. Ils sont très nombreux dans la ville et se livrent à une concurrence pour se trouver des personnes à remorquer. L’activité connait une véritable affluence qui n’est pas contrôlée. La plupart des conducteurs de taxi-moto ne se formalisent pas avant de se lancer dans l’activité. Ce qui donne une surpopulation au sein de la corporation. Mais, quand la survie est au prix de l’effort, seuls les plus endurants s’en sortent.
Ange M’TOAMA (stag)



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