Covid-19 et environnment : Les masques usagés, ces nouveaux déchets qui inquiètent

Fulbert ADJIMEHOSSOU 12 juin 2020

En vue de faire barrières à la propagation du virus de la Covid-19, les Béninois sont contraints de porter des masques depuis fin mars. Au fil des semaines, des outils de protection usagés se mélangent à d’autres types de déchets et inquiètent.

Traversant une flaque d’eau non loin du campus universitaire d’Abomey-Calavi, pas à pas sur des briques, Adrien Dèffodji aperçoit un masque chirurgical flottant et s’en préoccupe. « Rien ne nous garantit que ce masque n’était pas infecté avant d’être emporté ici par les eaux de ruissellement. Ou encore, peut-être que c’est tombé de quelqu’un qui tente de traverser la flaque d’eau. Dans ces conditions, nous avons vraiment de quoi faire attention », s’inquiète-t-il.
En réalité, le masque chirurgical est conseillé pour éviter la projection vers l’entourage des gouttelettes émises, réduisant ainsi le risque de contamination de la Covid-19. Cette fonction rend plutôt infectieux le masque et expose le porteur ou d’autres qui entreront en contact avec par une mauvaise manipulation.
Il n’y a donc pas que cet étudiant en partance pour les cours dans une université privée à Cotonou qui soit le seul à s’inquiéter de ces nouveaux déchets qui atterrissent dans les rues et dans les déchets ménagers.

Des éboueurs, « la peur au ventre »
L’idéal, recommandé par les autorités sanitaires, c’est de détruire les masques à usage unique avant de les jeter dans la poubelle pour éviter sa réutilisation. « Pour retirer le masque : l’enlever par derrière (ne pas toucher le devant du masque) ; le jeter immédiatement dans une poubelle fermée ; se laver les mains avec une solution hydro alcoolique ou à l’eau et au savon », propose l’Organisation Mondiale de la Santé.
Mais, pour qui connaît les lacunes du système de gestion des déchets au Bénin, surtout avec un défaut de tri à la source, jeter à la poubelle n’élimine pas le risque. Ghislain, éboueur, s’en préoccupe même si la proportion retrouvée dans les poubelles n’est pas considérable. « Pour le moment, nous n’en trouvons pas beaucoup dans les déchets que nous ramassons dans les ménages. Parce que, beaucoup n’en utilisent pas encore. Les gens s’accrochent aux masques en tissu. Mais n’empêche que, on en retrouve quelques-uns. Et chaque fois que c’est le cas, nous en avons peur », confie-il.
D’autres craignent plutôt que les enfants récupèrent ces déchets parfois jetés dans la rue. « En ces temps où les enfants pour la plupart ne vont pas à l’école et s’amusent dans la rue, c’est très facile qu’ils se les approprient si on n’y prend pas garde », craint Augustine Ateyiho.

Un héritage de 400 ans
Les masques médicaux sont composés de matières filtrantes, de matériaux non tissés. C’est le cas du polypropène, une matière plastique isotactique, un dérivé du pétrole. Les granulés de polypropylène sont fondus puis filés et étirés. Les filaments obtenus sont traités de sorte à avoir l’apparence d’une toile d’araignée qui filtre très bien les particules entre 0,1 et 1 micron. Et donc les virus.
Mais la durée de vie avant de se dégrader commence à faire débat. « Un masque peut mettre 400 ans avant de disparaître. C’est à peu près la même longévité que certains plastiques. Si on avait réfléchi, un tout petit peu, on aurait préféré nos masques faits maison que ceux offerts par des généreux donateurs pas si généreux que ça. C’est un autre os que va nous laisser la Covid19. Attention à ceux qui les jettent surtout les masques de la pharmacie », alerte Didier Hubert Madafimè, Journalistes spécialiste des questions de l’Environnement.
Placide Clédjo, Professeur Titulaire en sciences de l’Environnement partage le même avis. « Ce sont des masques en plastique et après la Covid-19, ils mettront 450 ans avant de se désintégrer. Ça pose un réel problème d’assainissement, la gestion des déchets après Covid-19. Ce serait des déchets qu’on va trimballer pendant 400 ans. Déjà, avec les masques en tissu que nous avons, on peut limiter la pollution », a-t-il martelé.
Déjà le 7 avril 2020, Sandra Idossou engagée dans la lutte contre les sachets plastiques au Bénin a tiré la sonnette d’alarme. « Les masques dorénavant obligatoires au Benin sont pour la plupart non biodégradables et doivent être surtout changés toutes les 3h. Vous voyez donc l’impact sur notre environnement ou la santé des enfants qui les ramassent dans un pays comme le nôtre où les déchets ne sont ni triés, ni traités ».
Deux mois plus tard, son inquiétude n’a pas varié même si elle est soulagée que les masques en tissu aient pris le pas sur les masques médicaux. « Le fait que du jour au lendemain, les Béninois se soient mis aux masques réutilisables prouvent une fois encore que si on veut, on le peut. Par contre, il faut faire très attention. Tout ce qui est vendu aux abords de nos routes ne respecte les règles de sécurité. Il y en a quelques-uns qui les respectent. Je salue l’effort de ceux qui travaillent pour que les Béninois aient des masques de tissu pour éviter de continuer à déposer des tonnes de masques jetables dans la nature. Quand on sait que dans notre pays, les déchets ne sont pas traités, malheureusement, il nous arrive d’en trouver sur les bords de nos routes », déclare la promotrice de Sachet Hélou. C’est aussi une question de responsabilité individuelle et collective.



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