Au Bénin, la cybercriminalité sous forme d’escroqueries téléphoniques connaît une inquiétante montée en puissance. Des individus malintentionnés se font passer pour des recruteurs, des responsables d’entreprises ou même des agents de services de téléphonie mobile, dans le but d’extorquer des informations personnelles et financières à leurs victimes. Ces arnaques, souvent sophistiquées, utilisent des méthodes qui exploitent à la fois la crédulité des victimes et les failles technologiques. Deux récits, ceux de Catherine, étudiante en instance de soutenance à l’Uac, et de Mathias, chômeur et débrouillard, illustrent ce phénomène inquiétant qui frappe de plus en plus de Béninois.
Catherine, 23 ans révolus. Étudiante en instance de soutenance à la Faculté des sciences économiques et de gestion, option économie à l’Université d’Abomey-Calavi. Elle pensait avoir décroché un entretien pour un stage dans une entreprise internationale. Le vendredi 26 octobre dernier, un appel téléphonique dans cette matinée ensoleillée, allait changer sa perception de la sécurité en ligne. Au bout du fil, une voix calme et assurée se présenta comme un recruteur de l’entreprise. L’homme, qui se disait responsable des ressources humaines, connaissait parfaitement le parcours académique de Catherine, ce qui renforce son sentiment de confiance. "La personne s’est présentée très rapidement et me demande si c’est bien moi. En un mot, c’est une personne qui connait tout sur moi, du moins mon parcours scolaire et académique. J’étais ahurie", raconte la jeune femme. Selon son récit, le "fameux recruteur" lui proposa un poste intéressant, mais demanda des informations personnelles : son CV, une copie de ses pièces d’identité et même des détails de comptes pour faciliter les paiements liés au stage.
L’escroc, s’appuyant sur des informations préalablement collectées, avait su tordre le fil de la réalité. En manque d’opportunités professionnelles, Catherine, séduite par la proposition et rassurée par l’apparente authenticité de l’appel, obéit "fidèlement" aux instructions. Quelques jours plus tard, elle se rendit compte que l’entreprise n’existait pas, et le numéro de téléphone était désormais inactif. Les informations qu’elle avait fournies avaient été utilisées pour accéder à ses comptes. "En quelques minutes, des transactions plus ou moins autorisées sinon forcées, avaient vidé mon solde. J’avais environ 6700f dans mon compte en ce moment. Étant rassurée, j’ai validé la demande de transaction malheureusement".
Les risques de la téléphonie mobile
Le cas de Mathias est un autre exemple frappant de cette "nouvelle" forme de cybercriminalité. Mercredi, 17h, alors qu’il venait de finaliser une transaction importante, il reçoit un appel prétendant provenir de son opérateur mobile. La voix au bout du fil, semblant être celle d’un agent du service client, lui explique qu’il y a un problème avec son compte et qu’il doit fournir des informations supplémentaires pour sécuriser ses services. La voix, fluide et professionnelle, imite à la perfection celle d’un agent d’un centre d’appel.
Ne se doutant de rien, le "pauvre" fournit les détails demandés. Quelques heures après, il reçoit des alertes de transactions suspectes sur son compte. Un montant a été prélevé sans son consentement. L’escroc, ayant accédé à ses informations personnelles, avait pu vider son compte et compromettre ses finances. Le numéro de l’appel n’était plus joignable, et Mathias comprit trop tard qu’il avait été victime d’une fraude bien orchestrée.
Un système de manipulation soigné
Ce phénomène, bien que relativement plus ou moins nouveau, s’inscrit dans un schéma classique de fraude par téléphone, souvent appelé "vishing" (pour voice phishing). Dans ce type d’escroquerie, l’arnaqueur se fait passer pour un recruteur, un agent de banque ou le représentant d’une entreprise légitime, souvent en imitant des voix connues, voire celles des opérateurs de téléphonie mobile. L’objectif est de faire croire à la victime qu’elle est en contact avec un professionnel de confiance, de sorte à l’amener à fournir des informations sensibles, telles que des numéros de cartes bancaires, des identifiants, ou encore des mots de passe.
Les victimes sont souvent ciblées en raison de leur vulnérabilité, qu’il s’agisse de jeunes adultes à la recherche de leur premier emploi ou de personnes moins familières avec les outils numériques. Les escrocs savent comment manipuler leurs interlocuteurs en se basant sur des informations préalablement collectées, rendant leur discours plus crédible.
Rester vigilant...
Les récits de Catherine et Mathias ne sont que des exemples parmi tant d’autres des dangers auxquels sont confrontés les Béninois à l’ère du numérique. En l’absence de mesures de prévention adéquates et d’une réglementation plus stricte, ces escroqueries risquent de se multiplier, ciblant particulièrement les jeunes et les personnes moins averties. Face à ce phénomène, la prudence et la vigilance restent les meilleures armes pour éviter de tomber dans le piège tendu par des criminels habiles, mais invisibles.
Les autorités béninoises et les opérateurs de téléphonie mobile ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre ces fraudes, en renforçant la sécurité des réseaux et en lançant des campagnes de sensibilisation pour alerter la population sur les dangers des appels frauduleux.
Mahussé Barnabé AISSI (Coll.)
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