Détection et traitement précoces du paludisme chez la femme enceinte : Une chance pour le nouveau-né selon le projet Recipal

Moïse DOSSOUMOU 10 décembre 2019

Evaluer la fréquence et les conséquences du paludisme au 1er trimestre de la grossesse, et notamment ses effets sur la croissance fœtale ainsi que ses interactions avec le statut nutritionnel de la femme au Bénin, tel est l’objectif du projet Recipal. La salle de conférence de l’Institut de recherche clinique du Bénin (Ircb) a servi de cadre à la séance de restitution qui s’est déroulée le lundi 2 décembre dernier.

C’est une évidence que le paludisme sévit en Afrique subsaharienne. Chaque année, plus de trente millions de femmes enceintes sont exposées à cette infection et courent le risque d’être anémiées. En outre, considéré comme une cause majeure de survenue d’un petit poids du bébé à la naissance, le paludisme n’est pas souvent détecté et combattu en début de grossesse. L’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide et le traitement préventif intermittent ne sont utilisés que souvent tardivement. Le projet Recipal dont la pertinence se passe de commentaire visait donc à évaluer la fréquence et les conséquences du paludisme au début de la grossesse. Période clé et pourtant non explorée et non protégée, le premier trimestre de grossesse est souvent passé en pertes et profits par les femmes, les cliniciens mais aussi la communauté scientifique, qui minimisent la fréquence du paludisme à cette période et ses possibles effets dévastateurs sur le fœtus (retard de croissance intra-utérin, RCIU, fausses couches), ainsi que sur la santé de la mère. Il fallait donc, sur une base scientifique, entamer un suivi médical rigoureux dès la confirmation de la grossesse afin de documenter au mieux ces effets sur la santé de la mère et de son enfant.
« En Afrique sub-Saharienne, le paludisme au cours de la grossesse est une des principales causes de RCIU. Des travaux de modélisation ont suggéré que les infections survenant au 1er trimestre de la grossesse contribueraient pour plus de 60% à cette morbidité. Toutefois, l’impact réel de ces infections précoces a encore très peu été documenté, en raison du recours tardif des femmes enceintes à la maternité en Afrique ». C’est en ces termes que le Dr Valérie Briand a planté le décor de l’étude avant de passer la parole à son co-équipier le Dr Manfred Accrombessi qui a entretenu l’assistance constituée principalement de chercheurs sur le déroulement des travaux.

Déroulement de l’étude
Le projet a bénéficié d’un financement de l’Agence Nationale de la Recherche en France, la Fondation Simone Beer et l’Ird. Trois localités ont servi de cadre à l’étude : Abomey-Calavi, Akassato et Sô-Ava. Une équipe pluridisciplinaire composée de chercheurs français (IRD, Inserm, EHESP) et béninois (IRCB, CERPAGE, FSA, FSAT), de gynécologues échographistes, d’une importante équipe de terrain, de points focaux communautaires, d’autorités politiques, traditionnelles et religieuses ont travaillé d’arrache-pied pour convaincre les cibles et lever les obstacles qui ont handicapé la bonne marche des activités.
L’approche méthodologique originale et unique était basée sur le suivi initial de 1214 femmes en désir en grossesse, suivies chaque mois à domicile, puis de 411 d’entre elles devenues enceintes. Ce schéma d’étude a permis le dépistage des 411 femmes pour le paludisme dès les toutes premières semaines de grossesse, ainsi que l’estimation précise du terme de la grossesse par la réalisation d’une échographie précoce. En plus, d’autres déterminants maternels pouvant influencer la croissance fœtale (état nutritionnel et alimentaire de la femme, exposition à des polluants, etc.) ont été recueillis de façon répétée avant puis au cours de la grossesse. Enfin, la survenue d’infections palustres à des densités parasitaires très faibles non détectables par les méthodes diagnostiques usuelles (dites infections sub-microscopiques) a été évaluée chaque mois.

Les résultats des recherches
« Nous avons montré que les infections palustres au 1er trimestre de la grossesse étaient fréquentes et associées à un risque d’anémie maternelle. Le risque de faible poids de naissance était également augmenté chez les femmes présentant une infection précoce suivie d’une infection plus tardive au cours de la grossesse. Par ailleurs, nous avons démontré que ces infections précoces étaient déjà présentes chez la femme avant la grossesse. Ce résultat ouvre des perspectives en matière de prévention du paludisme dans la période pré-conceptionnelle », a indiqué le Dr Manfred Accrombessi qui soutient que cette étude confirme la forte exposition des femmes au paludisme au cours du 1er trimestre de la grossesse et ses effets associés. Enfin, le projet Recipal a permis de documenter de façon précise l’état nutritionnel et alimentaire des femmes. Il a mis en avant le fait qu’une part importante d’entre elles avait des apports alimentaires inadéquats, et ce avant même d’être enceintes, avec un possible impact sur la santé de leur enfant.



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