Dr Francine Abiola, Spécialiste en Eau Hygiène et Assainissement : « Un seul gramme de fèces humaines peut contenir jusqu’à 10 millions de virus »

Fulbert ADJIMEHOSSOU 9 octobre 2020

L’enquête Démographique et de Santé 2017-2018 montre qu’au Bénin, 54% de la population continue de déféquer à l’air libre, avec tous les risques importants de maladie que cela implique. A travers cette interview, Dr Francine ABIOLA, chercheur au Cifred et spécialiste en Eau, Hygiène et Assainissement, expose l’importance des latrines et donne quelques conseils pour réduire les risques.

Pourquoi disposer d’une latrine et mettre fin à la défécation à l’air libre ?
La latrine améliorée contribue de manière significative à une réduction importante des risques sanitaires et l’instauration d’un environnement sain en évitant la contamination des sols et des nappes phréatiques et la constitution de foyers d’infection dans lesquels les mouches ou les moustiques se multiplient et propagent ensuite de graves maladies. De nombreuses maladies, notamment la diarrhée, le choléra, la typhoïde et les hépatites E et A se propagent lorsque des matières fécales contaminent l’eau, les mains, les aliments ou les mouches, ou qu’elles pénètrent dans la bouche d’une autre personne. Ce type de transmission porte le nom de « fécale-orale ». L’accès à une latrine représente aussi un moyen de préserver la dignité des personnes, assurer la sécurité des femmes et des enfants et d’accroître le niveau de vie des communautés. En outre, le mauvais assainissement est un facteur contributif, de par son impact sur les taux de malnutrition, aux autres causes principales de mortalité infantile, notamment les maladies gastro-intestinales, le paludisme, les maladies respiratoires graves et la rougeole. Il est important de savoir qu’un un seul gramme de fèces humaines peut contenir jusqu’à 10 millions de virus, un million de bactéries et un millier de parasites.

Quels sont les réflexes à avoir avant de construire une latrine ?
Avant même de correspondre à un bon choix technique, les latrines doivent être bien adaptées aux souhaits, aux habitudes, aux comportements et aux possibilités financières ; de l’espace disponible dans la communauté ; de l’emplacement des sources d’eau. Ce choix dépendra aussi du type d’utilisation personnel, familial, scolaire ou communautaire de la latrine, du nombre d’utilisateurs prévus, des moyens et des ressources disponibles ainsi que des caractéristiques du sol (du type de sol et de la profondeur à laquelle se trouve l’eau (nappe phréatique) et parfois des coutumes locales. Il vaut mieux choisir un type de latrine agréable, durable ou déplaçable, facile à construire, à entretenir et à reproduire, peu odorante, ne pas permettre la pénétration de mouches, de moustiques ou de rats, ni la pollution d’une nappe phréatique proche et, si les conditions s’y prêtent, de type écologique (fabrication de compost et de fertilisant, voire de biogaz, permettant de la rentabiliser tout en protégeant l’environnement). Il faut penser également aux personnes âgées ou handicapées en évitant de choisir si possible une latrine surélevée ou en l’adaptant, et de façon plus générale aux femmes et aux enfants par quelques aménagements spécifiques. Il ne faut pas oublier de prévoir, à l’intérieur, ou à défaut à l’extérieur un dispositif simple de lavage. Il est très important de mettre à disposition du matériel de nettoyage anal adapté à l’usage local (pour s’essuyer ou se laver après être allé aux toilettes) et de se laver les mains après être allé aux toilettes pour éviter la propagation de la maladie. Il faut éviter de jeter des déchets solides dans les fosses, siphon et ou cuvette. Aucun déchet de cuisine, de balayage, chiffons, morceaux de coton n’y sera jeté. Quotidiennement, il faut balayer et/ou laver le plancher de la latrine.

Faut-il attendre que les latrines soient remplies pour les vider.
Il convient de faire vider périodiquement la latrine avant qu’elles ne soient pleines, par camion-citerne à dépression ou dans le cas contraire de relier par un tuyau d’aspiration de petit diamètre le camion-citerne à un réservoir portable amené à proximité de la latrine. Il faut éviter de réaliser une vidange manuelle. Ceci n’empêche que dans de nombreux bidonvilles les moyens manuels le plus souvent utilisés (charrettes, cyclopousses etc.) sont beaucoup plus rudimentaires.

Pour finir, n’est-il pas nécessaire de valoriser les boues de vidange ?
Les boues de vidange ne sont plus vues comme un problème à traiter mais pourraient devenir une ressource nouvelle en développant de nouvelles filières de valorisation énergétique et agricole. La valorisation des boues de vidange comme fertilisant est une pratique courante et largement répandue mais elle demeure encore à l’étape expérimentale au Bénin. La valorisation agricole des boues de vidange issues des traitements consiste à : utiliser les propriétés fertilisantes de ces matières organiques, à moindre coût pour les exploitants agricoles, utiliser la capacité épuratrice des sols, tout en générant des revenus complémentaires pour les collectivités locales et leurs services d’assainissement. Elle est une solution bénéfique sur les plans écologique et économique.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



Dans la même rubrique