Dr Sylvain Dabadé sur les maladies d’origine alimentaire : « Il faut privilégier les aliments chauds »

Isac A. YAÏ 10 juin 2021

Chaque année dans le monde, les aliments contaminés par des agents infectieux et chimiques provoquent plus de 600 millions de cas de maladies et 420 000 décès. Les études menées par des chercheurs béninois donnent également l’alerte sur la présence de plus en plus de contaminants chimiques et biologiques dans nos plats. Dr Sylvain Dabadé, Enseignant-Chercheur à l’Ecole de Nutrition et des Sciences et Technologies Alimentaires de la Fsa donne des conseils.

Il nous revient sans cesse que nous consommons de plus en plus des contaminants biologiques et chimiques dans nos plats. Est-ce à dire que nous mourrons lentement en mangeant ?
Normalement, nous mangeons pour vivre. Malheureusement il peut y avoir des dangers dans les aliments que nous consommons, du fait des contaminants chimiques et biologiques. Quand on prend par exemple les dangers biologiques, nous avons les microorganismes. Ce sont des êtres vivants présents dans les aliments que nous consommons et qui peuvent nous rendre malades. Nous les appelons des micro-organismes pathogènes. Il peut s’agir de batteries, de virus, des parasites. Quand nous prenons les bactéries, parce qu’elles sont les plus nombreuses dans le cas de toxi-infection alimentaire, on peut y retrouver les salmonella sp qui créent des maladies gastroentérites. Vous avez le vomissement, la diarrhée. Pour le cas d’Eichenchia coli, c’est la même famille des entérobactéries. Elle crée beaucoup de maladies surtout chez les enfants. Nous avons beaucoup d’autres bactéries.
Pour les contaminants chimiques, nous en avons aussi beaucoup. Il y en a d’origine biologique. Vous avez peut-être attendu parler aflatoxines. Ce sont des substances toxiques secrétées par des microorganismes comme les moisissures. Ce sont des substances toxiques pour l’Homme. On peut avoir des cas de cancer à la longue, comme il peut y avoir une toxicité aiguë. Nous avons aussi des résidus de pesticides dans nos aliments que nous mettons dans les contaminants chimiques. Il y a les métaux lourds comme le plomb, le mercure, le cadmium, l’arsenic, etc qui peuvent se retrouver dans nos assiettes et qui ont des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs. On peut en citer beaucoup d’autres.

Comment nos lecteurs peuvent-ils se mettre à l’abri de ces contaminants ?
Je ne pourrai pas tout aborder en si peu de temps. Il faut empêcher que ces microorganismes-là entrent dans nos aliments. S’ils sont dans nos aliments, il faut empêcher leur multiplication, les tuer, les éliminer. Pour empêcher qu’ils entrent dans nos aliments, il faut l’hygiène. Quand vous prenez salmona et Eichenchia coli, leurs réservoirs c’est le tube digestif de l’Homme. Ils vivent de façon commensale. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas pathogènes. Mais une fois qu’ils sortent, quand nous allons aux toilettes, vous prenez un gramme de fèces, vous allez trouver 100 millions d’Eichenchia coli, Si vous sortez des toilettes et que vous ne vous l’avez pas les mains à l’eau et au savon, vous contaminez les aliments que vous touchez. Pendant les saisons de mangues, il y a beaucoup de cas de diarrhée. Ce n’est pas la mangue elle-même. C’est parce qu’il y a ces contaminants au niveau de l’environnement. Quand les contaminants rentrent dans les aliments, il faut toute de suite empêcher leur croissance. Il faut qu’ils se multiplient pour atteindre un niveau donné avant de rendre le consommateur malade. Il faut donc la conservation au froid. J’ai l’habitude de donner l’exemple Bacillus cereus. C’est une bactérie qui peut être associée aux céréales notamment le riz et qui a une sorte de protection que nous appelons les spores. Vous n’allez pas pouvoir tuer les spores à 100 degré. Quand vous préparez le riz et que vous ne mangez pas à chaud, quand vous laissez ça, les spores vont germer. La bactérie va produire une toxine. Quand vous prenez le riz, vous avez la nausée, des vomissements. On pouvait éviter cela juste en empêchant la germination et la croissance des microorganismes en mettant le riz au froid. Tout le monde n’a pas de frigo. La cuisson à chaud permet de tuer la plupart des organismes. C’est vrai que nous pouvons perdre quelques éléments nutritifs.
En ce qui concerne les risques chimiques, malheureusement pour la plupart des cas, la chaleur ne peut rien. Ce ne sont pas des êtres vivants mais des substances chimiques. Ce qu’il faut faire c’est d’éviter qu’il y ait contamination. Le cas d’aflatoxine chez nous qui est commun, on les retrouve dans le maïs, l’arachide, etc. c’est provoqué par les moisissures. En allant au moulin, il faut faire l’effort de trier le maïs pour le débarrasser des grains moisis. Vous réduisez comme cela les risques. Les études scientifiques l’ont prouvé. C’est au niveau des grains moisis que la concentration en aflatoxine est élevée. Dans votre panier de tomates, il faut vous débarrasser de la partie moisie pour que le reste ne soit pas contaminé. Ce sont des gestes qu’il faut multiplier au niveau du consommateur. Mais en amont, il y a beaucoup d’autres mesures à prendre dans les champs. Il faut privilégier les variétés qui ne sont pas sensibles aux champions. Ce sont les moisissures de ces champions qui provoquent l’aflatoxine. Il faut respecter les bonnes pratiques agricoles, par rapport aux intrants, la dose, le temps d’application, le temps qu’il faut laisser avant la récolte, etc.

Un conseil pour nos amis qui mangent aux abords des rues. N’est-ce pas une manière de bourrer le ventre de germes ?
Il faut l’avouer, c’est un véritable problème connu depuis des années. Malheureusement, c’est monnaie courante chez nous. Le conseil que j’ai à donner, c’est de faire un effort de respect des règles d’hygiène à tous les niveaux. Il faut en ce qui concerne les consommateurs privilégier les aliments chauds. Puisqu’après plusieurs recherches que nous avons menées, on a compris qu’il faut plus d’hygiène et les aliments à chaud. Nous avons par exemple fait des prélèvements chez une vendeuse de riz aussitôt le repas cuit. Le niveau des germes était très bas parce que ça vient du feu. Mais trois heures après, on a échantillonné le même riz, c’était très élevé. On ne peut pas du jour au lendemain dire non aux alimentations de rue. Mais il faut être conscient de cela pour se préserver.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU & Aïchath SALOU



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