Education sexuelle des jeunes : Une tranche quasiment absente sur la radio estudiantine

22 juillet 2022

Partie intégrante de l’être humain, la sexualité se construit par l’éducation, l’acquisition, l’usage, l’adaptation et la transmission d’informations vraies et utiles au bon développement et à l’épanouissement sexuels des individus. Ce droit reconnu à l’article 8 de la Déclaration des droits sexuels de l’International Planned Parenthood Federation (Ippf) implique un accompagnement impactant des médias dont la mission est d’éduquer, d’informer et de divertir. Dans un contexte estudiantin familier au harcèlement sexuel, à la prostitution et autres maux d’ordre sexuel, la contribution de Radio Univers, la station estudiantine, à satisfaire les besoins des étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), en matière d’éducation sexuelle est souhaitée.

Sexualité ! C’est un sujet qui, à n’en point douter, suscite intérêt au sein de la jeunesse. Assurément, la communauté estudiantine d’Abomey-Calavi, estimée à 100.000 âmes en 2020 selon l’annuaire des statistiques de l’année académique 2018-2019 passée à l’UAC, n’est pas du reste. Selon ce même document, les étudiants d’âge inférieur ou égal à 25 ans, font 80,5 % de cette communauté sensible aux informations d’ordre sexuel. Judith, étudiante de 18 ans à la Faseg ne dit pas le contraire : « il faut nous expliquer ces choses dès notre jeune âge pour que nous ne tombions pas r dans les pièges ». C’est pour cela que Cyra Seke, Directrice Exécutive de l’organisation d’éthique de l’amour Love Power, déclare « l’éducation des jeunes à la sexualité consiste à leur apprendre les connaissances fiables, les valeurs de même que les comportements physiques et moraux à adopter en matière de vie sexuelle en privée comme en milieu social ». Cet avis est celui que partage aussi Théodore Tchèzounmè, assistant chargé des programmes à l’Ong Bouge, une ong qui intervient dans l’insertion professionnelle des jeunes ainsi que la promotion des droits des orphelins et des veuves.
C’est alors là un sujet d’intérêt collectif sur lequel devrait s’attarder sur Radio Univers, une station définie comme communautaire et autonome par l’article 3 des statuts portant à sa création. Par ailleurs, son statut particulier de radio universitaire la missionne à refléter le vécu des étudiants, à faire correspondre ses programmes à leurs besoins et à apporter des approches à leurs problèmes.

Des efforts étriqués
Sur le sujet, ses auditeurs fidèles ont tous aux lèvres une même réponse : Tribune des jeunes.
Les samedis de 16h05 à 16h55 puis les mercredis de 19h00 à 19h50 sur la 108.0 fm, fréquence de Radio Univers ! Tels étaient les jours et heures de diffusion de l’émission avant sa disparition de la grille des programmes en 2021. Au moment où prennent forme ces écrits, aucune émission n’a pris son relais sur les antennes de la radio universitaire. En outre, les programmes spéciaux sur les thèmes qui concourent à l’éducation sexuelle des jeunes sont rares et leurs effets que trop brefs. Dans le milieu universitaire où le harcèlement sexuel, la prostitution et d’autres maux d’ordre sexuel sont avérés, les actions menées par Radio Univers restent limitées.

Du tabou aux difficultés techniques
« Comment peut-on dire de telles choses à l’antenne ? » La question a fusé de toute part sur Sandrine Cakpo en 2021. La journaliste de Radio Univers venait de diffuser à l’antenne, un élément audio dans lequel une gynécologue, dans un but pédagogique, a nommé clairement ‘‘pénis’’ et ‘‘vagin’’ dans la manière idoine de procéder aux toilettes intimes. L’indignation qui a suivi, ne choque guère Vahid Afedjou, ex-chef service des programmes de Radio Univers. « Quand c’est pour en parler, en blaguer et prendre du plaisir à l’abri des regards, nous sommes tous des champions. Dès qu’il faut en parler à haute voix, au vu et au su de tous, il n’y a plus personne », a-t-il affirmé. Selon lui, ce malaise certain traduit le tabou qui frappe la sexualité. Il évoque ainsi une des difficultés récurrentes qu’a connues Tribune des jeunes, l’émission très appréciée qui faisait intervenir en studio et les jeunes et une personne âgée appelée le sage pour débattre du sujet. « Ce n’est vraiment pas aisé d’avoir des invités pour ladite émission », a-t-il insisté. Là n’est pas la seule difficulté relative aux ressources humaines. Déplorant le faible sens d’engagement des nouveaux journalistes formés par la radio école, Vahid Afedjou fournit de la sorte, une raison de plus à la disparition de Tribune des jeunes, suite au décès de son dernier animateur, Fayçal Toukourou en 2021. « La relève, c’est ce qui décide de la survie ou non, le plus souvent, des émissions à Radio Univers », a-t-il laissé entendre. Il admet également que le matériel de travail et les moyens financiers font défaut : « Ne bénéficiant plus d’aucun soutien du Cous depuis 2016, Radio Univers est très limité en termes de matériel. Juste par manque d’enregistreur par exemple, on peut ne pas avoir la voix d’un spécialiste sur une émission ». Tout ceci n’est pas de nature à faciliter la quête de la bonne information, son traitement et sa diffusion dans les formes requises pour éduquer et répondre aux besoins actuels des jeunes en matière de sexualité. Pour Dr Wenceslas Mahussi, Directeur Adjoint de l’Enstic de l’Uac, les problèmes de management et de leadership que traverse Radio Univers ne sont pas du reste lorsque les facteurs limitants sont à identifier. Aussi, faut-il souligner que les auditeurs de Radio Univers ne sont pas uniquement localisés sur le campus d’Abomey-Calavi. De ce fait, quand s’ajoutent à cette liste de difficultés, les problèmes techniques qui brouillent considérablement la réceptivité de la radio, c’est son audience qui est affectée et écornée.

Ça va plus loin !
Beaucoup de jeunes, les étudiants y compris, en arrivent à préférer écouter d’autres stations radios béninoises et parfois même étrangères pour ce qui a trait à leur éducation sexuelle, entre autres. C’est ce que fait aussi Rita, jeune étudiante de moins de 20 ans à la Faseg. « Sur d’autres radios, ils savent parler à la jeunesse » a-t-elle soutenu. D’autres encore se détournent radicalement du média radio pour se porter vers d’autres canaux d’information notamment les réseaux sociaux. Ceux-là s’exposent aux vidéos pornographiques et à tant d’autres informations qui induisent tant dans la forme que dans le fond une permissivité sexuelle hostile à la construction d’une vie sexuelle saine. A moyen terme, ils risquent de s’adonner à des pratiques non recommandables parmi lesquelles Dubaï porta potty qui défraie la chronique actuellement. Cyra Seke ne s’arrête pas là : « Ces actes dénaturent l’être humain et détruisent jour après jour la famille, cellule de base de la société ». Que de déboires ! Plus effarant encore, uniquement par manque de la bonne information, cette denrée volatile mais manifestement vitale. Les Ist, les Mst, les grossesses précoces ou non désirées, les avortements et leurs suites malheureuses ne sont pas seuls sur le banc des conséquences. « Les violences sexuelles qui sont légion aujourd’hui puisent leur carburant dans l’absence d’éducation complète à la sexualité », martèle Angela Kpeidja, auteure du livre Bris de silence.

Savoir s’y prendre

Pour lever le tabou sur la sexualité, la psychopédagogue Odile Pohan dissipe la confusion entre éducation et initiation sexuelles. « Il ne s’agit pas de dire voici comment tu dois faire l’amour », a-t-elle précisé sur le plateau de l’émission On se dit les gbê, diffusée sur la chaine A+Ivoire le jeudi 26 mai 2022. L’approche consiste à comprendre sincèrement les jeunes pour les accompagner et à ne pas être dans le jugement. A cet effet, Cyra Seke fait remarquer que dans leur entendement, les jeunes vivent leur temps. « C’est à nous, éducateurs, d’aller vers eux pour les éclairer, leur ouvrir les yeux, les sensibiliser, les former pour une sexualité pleinement vécue dans la perspective d’en faire de futurs parents accomplis et responsables », insiste-t-elle. Les sensibilisations via les jeux radiophoniques à travers des applications Web, les émissions interactives à mettre en ligne et les films radiophoniques sont des solutions recommandées à la radio universitaire. Afin de sensibiliser, Gilles Odilon Yacoubou, chargé de la programmation à la radio nationale, a son avis. A en croire cet ancien animateur en chef de Radio Univers « le message de sensibilisation d’une sexualité saine peut être porté par des gens qui la vivent, par des gens qui l’ont vécue avant ceux-là et même par des jeunes qui ne l’ont pas encore vécue ». Procéder de cette manière amène les jeunes, d’une part à prendre une part active à leur propre éducation sexuelle et d’autre part à adhérer au message délivré par leurs pairs. Ainsi tout média assumant sa mission d’éducateur doit rejoindre les jeunes où ils sont aujourd’hui : sur Internet. L’invite est, par conséquent, faite à Radio Univers de dynamiser davantage ses pages sur les réseaux sociaux et son site web afin de les rendre plus attractives et interactives. La cheffe service de production à Radio Bénin, Hermine Akponna, va plus loin : « Le numérique permet à la radio de se mettre pratiquement au même rang que la télévision ». S’appuyant sur les innovations des radios internationales qui diffusent en direct les images de programmes en studio, elle voit en la radio un nouveau moyen facile et pas cher de faire voir et de se faire voir. C’est en cela que Dr Wenceslas Mahussi, spécialiste des pratiques informationnelles, numériques et médiatiques soutient : « c’est tout cela qui fait le côté enjoué qui attire les jeunes ». Alors, l’aubaine est toute trouvée pour les organismes qui œuvrent dans le domaine de l’éducation sexuelle des jeunes pour jouer pleinement leur rôle. « Dans notre plan, nous prévoyons trouver de tels partenaires pour les mois à venir », a assuré Sandrine Cakpo, chargée de publicité à Radio Univers. Cette collaboration permettra dans une certaine mesure de soutenir la trésorerie de la radio universitaire à des fins d’équipements en matériels mais aussi de soins apportés à son image digitale. Cela lui offrira davantage de visibilité pour impacter positivement beaucoup plus de jeunes. Même à cette époque dite de la génération tête baissée, la radio demeure le médium universel qui « ne laisse personne de côté » selon le Directeur du bureau des radiocommunications de l’Uit (Union internationale des télécommunications), Mario Maniewicz dans une interview accordée à Onu Info, le 13 février 2022. La radio conserve une place de choix pour induire un changement positif et notable de mentalité et comportement en matière d’éducation sexuelle des jeunes, où qu’ils soient.
Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)



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