Dr Romaric M. MASSI est un médecin spécialiste en hématologie clinique. Très investi dans la transmission du savoir, il est associé à l’enseignement de l’hématologie clinique dans plusieurs facultés de Sciences de la santé. Il participe ardemment à la formation de base des étudiants en médecine au CNHU-HKM à Cotonou et au CHUD-OP à Porto Novo.
Parlez-nous de votre parcours !
Je suis médecin hématologue et j’exerce en libéral. Je suis passionné par l’enseignement et la recherche scientifique. A ce titre j’ai contribué à plusieurs travaux scientifiques dont certains ont été primés. C’est ainsi que j’ai reçu le 13 octobre 2018 au Maroc le prix d’Hématologie Noufissa Benchemsi. Je m’exerce aussi à l’écriture. J’ai par exemple écrit le livre : Interprétez la numération formule sanguine de A à Z. Je suis le CEO de la plateforme Hemato Plus, très engagé dans la formation continue des professionnels de la santé à travers l’application Hemato D qui compte plus de 10 000 utilisateurs. La start-up a été classée parmi les 18 meilleures innovations de l’année 2019 et a participé au sommet Afric’UP 2019 à Tunis. En tant que responsable de l’Unité d’hématologie clinique au Service de médecine et spécialités médicales du CHUD-OP, je suis engagé pleinement dans le diagnostic et le traitement des maladies du sang tant chez les adultes que chez les enfants. Outre cela, j’ai été distingué le 11 novembre 2023 par la Jeune Chambre Internationale du Bénin comme étant l’un des jeunes les plus remarquables de l’année 2023 et j’ai ainsi reçu le trophée TOYP (Ten Outstanding Young Persons of Benin).
La médecine, est-ce un choix personnel ou une imposition des parents ?
Non, ce n’est absolument pas une contrainte de la part de mes parents. J’ai toujours eu une grande liberté dans mes choix. J’ai obtenu un baccalauréat D et j’ai participé à plusieurs concours qui m’intéressaient. J’en avais plusieurs à choisir. À l’époque, j’ai passé le concours d’entrée en faculté d’agronomie, en pharmacie, en biologie médicale et en médecine, et j’ai décidé de me diriger vers la médecine. Pour ma part, j’ai toujours préféré la médecine. Ce qui est par contre formidable, j’ai toujours eu le soutien de mes parents dans tous mes choix. C’est un choix personnel pour moi de faire la médecine. Quoi qu’il en soit, j’expliquerai toujours à mes enfants qu’ils ont la liberté de choisir ce qu’ils désirent faire. Parce que le plus important, c’est être épanoui dans ce qu’on fait. Si vous optez pour un métier uniquement par obligation, je crains que vous ne puissiez pas le pratiquer longtemps, vous vous essoufflerez rapidement.
Quels sont les domaines d’intervention d’un hématologue ?
L’hématologie est la branche de la médecine qui s’occupe de l’étude du sang, du diagnostic et du traitement des maladies du sang. Nous avons l’hématologie clinique qui est la partie de l’hématologie qui prend en charge des patients et puis nous avons l’hématologie biologique qui est la partie consacrée aux explorations biologiques. Ces deux branches de l’hématologie travaillent toujours en symbiose. L’hématologie clinique dont je suis spécialiste prend en charge tout ce qui est anémie. Je précise que l’anémie n’est pas une maladie, c’est important à savoir. L’anémie est une anomalie, il faut aller chercher derrière cette anomalie quelles en sont les causes et pouvoir les éradiquer. Il y a plus de 200 causes d’anémie. L’hématologue s’occupe également de toute affection liée aux troubles de la coagulation. Certains patients saignent spontanément du nez, de la bouche, dans les urines, dans les articulations etc. Il arrive par exemple que des enfants commencent à saigner abondamment après la circoncision. L’hématologue est le médecin responsable du diagnostic et du traitement de tout problème lié à la coagulation, qu’il s’agisse d’un trouble héréditaire tel que l’hémophilie ou des troubles acquis. L’hématologue s’occupe également des cancers du sang tels que la leucémie aiguë, les lymphomes et le myélome multiple : c’est la partie de la cancérologie principalement gérée par l’hématologue. Bien entendu, tout ce que je viens de mentionner comme maladies, l’hématologue les prend en charge, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Il est important de préciser également que l’hématologue s’occupe des maladies liées aux anomalies de l’hémoglobine : la drépanocytose, la thalassémie.
Le champ d’intervention de l’hématologue est extrêmement large. L’hématologue est un médecin qui collabore avec presque toutes les autres spécialités. J’espère que nous aurons beaucoup d’hématologues au Bénin dans les 10 prochaines années, ce qui sera bénéfique pour nos populations.
Quelles sont les causes les plus fréquentes d’anémie ?
Les causes d’anémie sont nombreuses. On peut citer : les carences en fer, en vitamine B12 et B9 (dont il faudra après chercher les causes), les troubles de la thyroïde, du rein, du foie, les anomalies au sein de la moelle osseuse, les cancers du sang. Le paludisme et la drépanocytose sont également des causes fréquentes d’anémie dans notre contexte.
En tant qu’hématologue, quelle est la démarche utilisée dans le traitement d’un cancer du sang ?
En général, en ce qui concerne les maladies du sang, il est nécessaire d’écouter attentivement les patients. L’examen clinique et les explorations complémentaires viennent également en appui au diagnostic et à la prise de la décision thérapeutique. Bien sûr, à chaque étape le patient doit clairement être au centre de la décision. Je précise clairement aux étudiants que je ne travaille pas comme soignant, mais comme un accompagnant.
On discute constamment du parcours thérapeutique avec le patient. Le patient doit être toujours au centre de son traitement. En effet, lorsqu’on évoque le cancer sang, cela fait peur. Il est vrai qu’il s’agit d’affections graves, dont la prise en charge est onéreuse, mais il s’agit de maladie qu’on traite correctement comme toutes les autres maladies.
Est-il possible d’en guérir définitivement ?
Il est bien possible de guérir d’un cancer du sang. Bien entendu, il faut que le diagnostic soit fait précocement et que le traitement soit conduit dans les règles de l’art. Lorsque le traitement est bien conduit on obtient dans un premier temps la rémission puis on continue de suivre le patient pour pouvoir confirmer la guérison définitive au bout de quelques années.
Vous arrive-t-il de proposer des solutions naturelles aux patients ?
Nous n’avons malheureusement pas été formée dans cette école et c’est difficile pour un professionnel de la santé, de proposer à un patient des solutions qu’il ne maitrise pas. Toute fois nous restons ouvert aux discussions avec les sachants de cette médecine.
Quel est votre état d’esprit devant un patient qui a perdu tout espoir de vivre ?
Il est déterminant que le patient soit motivé. Et lorsque ce genre de situation arrive il est capital pour nous de remotiver le patient et on s’y met à fond pour obtenir des résultats positifs parfois avec l’aide d’autres professionnels plus outillés que nous.
Êtes-vous épanouie dans l’exercice de votre métier ?
Absolument oui. Je vis et je respire hématologie tous les jours. Je ne dis pas que tout est rose. Il y a forcément des challenges et c’est justement ce qui fait la beauté d’un métier que vous avez choisi par passion. Cette flamme ne s’éteint jamais en vous.
Quelle est la plus grande richesse, selon vous ?
Ma plus grande richesse ce n’est pas l’argent mais plutôt le sens du devoir bien accompli. L’argent on en a tous besoin mais le bonheur que je ressens devant chaque chalenge que je relève haut les mains est loin du bonheur que peut me procurer un gain d’argent.
Avez-vous des conseils à donner aux étudiants qui souhaitent vous emboiter le pas ?
Très clairement, je répète constamment aux jeunes désireux d’embrasser la médecine en général que rien de beau, rien d’agréable ne se fait sans douleur. Si vous recherchez quelque chose, il faut payer le prix. Il est nécessaire de l’intégrer clairement dans la tête. Vouloir devenir médecin et ne pas payer le prix ne sert à rien. Aujourd’hui, la médecine est une discipline qui progresse rapidement. Quand on se lance dans le domaine médical, on est un étudiant pour la vie. Cela signifie que chaque jour, il est nécessaire de remettre en question vos connaissances et de vous remettre à jour.
Propos recueillis par Estelle DOKPO (Coll)
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