Exécution du contrat à durée déterminée ou indéterminée : Une collaboration entre patron et employé sur fond de ruse

15 mai 2023

L’obtention du contrat de travail dans une entreprise est une question très préoccupante pour un employé. Stress, résignation et soumission marquent le quotidien du salarié à chaque veille d’un probable renouvellement de contrat. Sans tambour ni trompette, le patron peut décider à tout moment de mettre fin à la collaboration.

Jeanne est assistante de direction dans un institut à Cotonou. Elle n’a pas obtenu le troisième renouvellement de son contrat à durée déterminée. Et pourtant la trentaine dépassée y croyait dur comme fer. « Le besoin du personnel est réel dans mon entreprise. Je suis un élément clé et je sais que je ne risque rien », murmure Jeanne. Elle et ses autres collègues ont été citées dans une supposée affaire de harcèlement moral et sexuel qui a secoué son entreprise. Même sans être dédommagée suite à ce licenciement, elle continue de clamer son innocence. « J’attendais un enfant… je pars alors sans faire de scandale », confie-t-elle.
Au Bénin, le cas de Jeanne reste monnaie courante dans le monde du travail. Mireille fait partie des personnes licenciées à la Sonacop (Société nationale de Commercialisation des Produits pétroliers), une entreprise d’Etat qui a fermé ses portes suite à un problème de gestion.
Elle déclare n’avoir reçu aucun frais de réparation de la part des responsables de cette société. « Mes droits n’ont pas été payés selon la convention collective et ceci sans préavis en plus », fustige-t-elle. Au sein des entreprises (publiques et privées), les victimes de licenciements sont non négligeables.

Une loi à polémique

Certains observateurs accusent à tort ou à raison la loi N°2017-05 du 29 août 2017 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin.
Selon les dispositions de cette loi surtout en son article 13, « le contrat de travail à durée déterminée peut être renouvelé indéfiniment ». « Toutefois, ajoute le même article, à partir du quatrième terme du contrat à durée déterminée, toute décision de non renouvellement est précédée d’un préavis établi dans les conditions fixées au code du travail ».
Face à cette disposition de la loi, certains acteurs parlent de la précarisation de l’emploi. Noël Chadaré, Secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin) estime que cette loi sur l’embauche consacre la puissance du patron. Il n’hésite pas à dénoncer que les dispositions contenues dans cette loi font la part belle aux patrons qui peuvent décider de licencier leurs salariés quand ils veulent. « Pour le licenciement de son employé, il suffit pour l’employeur de lui payer entre trois et 9 mois de droit à l’indemnité », renchérit le syndicaliste.
Raymond Adékambi, le patron du Groupe AGETIP enfonce le clou en affirmant que la loi favorise l’employeur. Pour lui, avant c’était difficile pour un patron d’entreprise de licencier un employé. Il admet que les conditions de licenciement ont beaucoup changé à partir de cette loi sur l’embauche. « Pour un CDD, il suffit de donner un préavis de trois mois et l’employé s’en va. La loi donne plus de facilité au manager aujourd’hui », soutient l’entrepreneur.

La liberté

Administrateur du travail à la retraite, Cyriaque Hounnou pense que l’idée derrière le vote de ce document est de protéger l’employeur et l’employé. « Les dispositions qui y figurent favorisent les bonnes conditions des affaires », martèle-t-il.
Mais le chargé des cours à l’Ecole nationale d’administration estime que le contrat à durée déterminée à toujours un effet psychologique sur le salarié. « C’est vraiment stressant pour le travailleur qui a des charges dans sa famille », fait-il constater.
Poursuivant son analyse, monsieur Hounnou indique que le texte de loi a changé beaucoup de choses dans l’univers du travail. « On a donné la liberté au travailleur et à l’employeur de poursuivre à volonté leur contrat. », se réjouit-il.
Certaines langues dénoncent la ruse des patrons dans l’application de l’article 13 de la loi sur l’embauche. Ils se débarrassent pour certains de leurs employés pour des situations gérables. Confirmant cette situation, Noël Chadaré déclare : « Cette loi a rendu taillables et corvéables les employés devant les employeurs ». Il pense que le renouvellement indéfini du CDD est une façon d’éviter le contrat à durée indéterminée.
Pays en voie de développement, le Bénin n’a pas de richesse de sous-sol. Les recettes sont essentiellement fiscales. Raison pour laquelle reçu sur une chaîne de télévision en 2022, Louis Vlavonou, le président du parlement béninois a insisté sur la présence de beaucoup d’entreprises. Cette loi, selon ses propos, constitue l’une « des mesures incitatives pour permettre à l’entreprise de produire ». « On aura le temps de faire le bilan pour une relecture éventuelle par le parlement », propose Cyriaque Hounnou.

Joël SEKOU (Coll)



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