Gilchrist Djonkpé au sujet des des faux médicaments : « On peut croire qu'ils sont efficaces, mais en réalité, on se tue à petit coup »

8 septembre 2021

Depuis quelques années, le gouvernement a mis en place des dispositions pour interdire la commercialisation et l’usage des faux médicaments au Bénin. Malgré la lutte acharnée des autorités, et les réformes entreprises dans le secteur pharmaceutique, les populations ignorent ou négligent les dangers auxquels elles sont exposées quand elles consomment des faux médicaments. Gilchrist Djonkpé, Docteur assistant en pharmacie, à travers cette interview présente les dangers liés à la consommation de ces faux médicaments.

Qu’est-ce qu’un médicament ?
Un médicament est toute substance ou composition de substances possédant des propriétés préventives ou curatives à l’égard des maladies humaines et/ou animales. Par extension, c’est toute substance ou composition de substances qui pourrait être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou en vue de corriger, modifier ou restaurer des conditions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique sur l’organisme.

Alors, dites-nous ; quand est-ce qu’un médicament est qualifié de faux ?
On dira qu’un médicament est faux quand il n’y a rien sur ce médicament qui indique sa véritable provenance ou sa véritable source. C’est aussi un médicament qui a l’apparence du médicament authentique mais qui n’en est pas un ; il peut contenir du bon principe actif en quantité insuffisante ou excessive : il est donc falsifié. Mais c’est une définition assez brève. En effet, avant de déterminer ou de pouvoir parler de faux médicament, il faut d’abord connaître tout le circuit d’approvisionnement, depuis la fabrication jusqu’aux mains du consommateur. Pour résumer un peu le circuit, il s’agira de la recherche, la production, le contrôle de qualité, la distribution en gros, la délivrance aux patients et enfin la pharmacovigilance. Avant d’être distribué dans chaque pays, il doit recevoir une autorisation de mise sur le marché qui dans notre pays est délivré par l’Association Béninoise de Représentation Pharmaceutique (Abmp). Par la suite, l’Abmp fait subir des textes à ces médicaments pour vérifier réellement d’où ils proviennent, si tout ce qui est mis sur ce médicament est réel, et c’est après cela que le produit est autorisé à être mis sur le marché béninois qui prend par nos grossistes préparateurs, puis les pharmacies font la commande et ensuite les patients viennent pour s’en procurer. Donc un médicament qui ne suit pas ce circuit, peut être traité de faux médicament. Aussi, ces faux médicaments peuvent ne pas suivre tout le circuit et se retrouver sur le marché parallèle.

Parfois, ces faux médicaments sont identiques à ceux vendus à la pharmacie. Qu’est-ce qui fait alors la différence ?
Tout à l’heure j’ai parlé de l’origine. Pour la plupart, ces médicaments n’ont pas une véritable origine. Il y a beaucoup de contrefaçons et de falsifications. On peut fabriquer le médicament et dit qu’il provient de tel laboratoire, de telle industrie. A vue d’œil, c’est ce qu’on voit sur la boîte, mais quand on fait des recherches, on se rend compte que c’est une contrefaçon, que le médicament a été falsifié. Il y a de fausses informations qui ont été mises pour tromper l’œil du profane.

Comment se justifient l’importation et la commercialisation de ces faux médicaments ?
La douane fait son travail, mais nos frontières sont assez poreuses. C’est difficile de contrôler tout ce qui rentre, vu la multiplicité des voies de transport. Mais l’Etat ne cesse de trouver des solutions pour pallier à ces importations. Les malfaiteurs ou promoteurs de ces faux médicaments essayent de trouver des astuces pour contrer tous les efforts que fournit l’Etat. Parfois on arrive à intercepter des produits, mais quelques-uns arrivent à échapper et se retrouvent quand même sur le marché parallèlement.

Que pourrez-vous dire des dangers liés à la consommation de ces faux médicaments ?
Ces faux médicaments causent de sérieux problèmes de santé à nos populations. D’abord, il faut faire comprendre à la population que la pharmacie ne vend pas que des médicaments chers ; elle a beaucoup de médicaments génériques et ses médicaments sont moins chers et efficaces. Quand le patient n’a pas les moyens, il peut demander simplement des médicaments génériques pour se soigner. Le pharmacien a le devoir de le servir. Il y a des médicaments à la portée de tout le monde à la pharmacie. Quand vous achetez des médicaments de la rue, vous êtes confrontés à beaucoup de dangers. Ils peuvent être dans le meilleur des cas inefficaces. Dans le pire des cas ils peuvent se révéler toxiques pour l’organisme. Ils peuvent causer la mort, par une intoxication en détruisant les organes nobles que sont le foie, les reins, le cœur etc. Outre les conséquences directes, la contrefaçon peut entrainer la résistance aux modes d’utilisation contre des affections courantes comme le paludisme. Les conséquences peuvent subvenir immédiatement ou des semaines voire des années plus tard. Quand on prend un médicament à la pharmacie et on constate un problème, une erreur ou bien des effets néfastes qui ne sont pas mentionnés dans la notice du médicament, on peut revenir à la pharmacie en parler, en discuter avec son pharmacien qui lui, se chargera de remonter l’information pour que cela ne se reproduise plus. La preuve, actuellement l’ABMP a mis sous quarantaine beaucoup de produits qui avaient quelques soucis. Mais parce qu’ils sont en pharmacie, les professionnels les retirent d’abord, le temps que ces soucis soient réglés. On suppose que ces médicaments soient dans la rue. Il n’y a rien à faire qui puisse protéger le patient face aux maints problèmes de santé.

Que mettez-vous dans médicaments génériques ?
Les médicaments génériques sont ces médicaments qui sont faits de façon à ce qu’ils soient le moins cher possible et qui ont quand même le principe actif nécessaire pour être efficaces. Ils sont mis sur le marché pour les populations dont la bourse n’est pas assez pleine et qui ont quand même besoin de se soigner. Ce sont des médicaments efficaces et peu chers qui sont retrouvés dans toutes les pharmacies. Dans le cas d’une ordonnance, vous pouvez selon votre poche demander aux pharmaciens s’il n’y a pas le générique de ces médicaments et il vous les proposera simplement.

Certains médicaments de la rue seraient plus efficaces que ceux de la pharmacie. Comment expliquez-vous cela ?
Ils ont l’apparence d’être plus efficaces parce que parfois ils sont peut-être surdosés ; ou le principe actif qui est mis sur la boîte n’est pas le seul ; il peut être accompagné d’un stupéfiant qui donne la sensation selon laquelle le médicament peut être plus efficace. Aussi, j’ai parlé du circuit normal. Un médicament peut avoir une autorisation sur le marché dans un autre pays et se retrouver ici par le circuit parallèle. Dans ce cas, on ne va pas dire que le médicament est efficace, mais nous ne connaissons pas sa source, comment il a été transporté. Les problèmes de conservation pourraient également être dangereux pour le patient. J’ai dit tantôt que les conséquences peuvent être visibles des années plus tard. On peut se sentir bien sur le champ, mais on ne sait pas ce que cela peut entraîner plus tard. On peut croire qu’ils sont efficaces, mais en réalité, on se tue à petit coup.

Quelles mesures proposeriez-vous pour éradiquer ce phénomène afin d’éviter qu’il fasse encore de victimes ?
Le gouvernement actuel en fait beaucoup, mais le plus gros travail revient à la population. A voir les dangers liés à la consommation de ces faux médicaments, la population est tenue de préserver sa santé en se rendant à la pharmacie pour un quelconque médicament. Je pense que ce mal sera éradiqué si les vendeurs n’arrivent plus à trouver de clientèle. Il faut donc procéder à la sensibilisation de la population sur les dangers liés à l’usage et à la consommation de ces faux médicaments. Il faut que la population sachent que le pharmacien est le professionnel du médicament et est là pour eux et non contre eux. Concernant la disponibilité des médicaments, que la population ne s’inquiète point. Plus elle s’intéressera à un produit, plus les pharmacies auront l’obligation d’avoir ce produit. Chaque année, le nombre de pharmacies augmente et augmentera encore selon la demande de la population.
Propos recueillis par : Arsène Azizaho (Stag.)



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