Insalubrité à l’embarcadère d’Abomey-Calavi : Aux portes de la ‘’Venise d’Afrique’’, les déchets repoussent

La rédaction 11 avril 2019

La cité lacustre de Ganvié, l’une des destinations prisées par les touristes en séjour au Bénin, n’est accessible que par barque. Il faut donc passer par l’embarcadère d’Abomey-Calavi, un site qui repousse par son insalubrité.

De loin, un horizon doré fait rêver. Des touristes positionnés ce mardi matin à l’embarcadère s’impatientent de découvrir l’autre bout du monde. Mais de près sur ce site, l’odeur de poisson réserve un mauvais accueil aux usagers. Le milieu présente des tableaux peu reluisants : des déchets qui planent sur une surface d’eau boueuse et noirâtre. « Quand on arrive, on ne voit pas ça tout de suite, on regarde plutôt le paysage, la vie des gens qui travaillent », nous raconte un touriste belge. Cependant, derrière ces réponses mitigées, il y a bien un mauvais ressenti. Les mains de ces visiteurs en partance pour Ganvié, la Venise d’Afrique ne sont jamais loin de leurs narines, jusqu’à ce qu’ils ne montent dans une des barques positionnées. « L’odeur pour le moment ne dérange pas, mais parce qu’il ne fait pas encore trop chaud », explique sa fille, Aurore, résidente au Bénin depuis un an et demi.

Le marché, un voisin encombrant
Alors que le soleil monte au Zénith, l’odeur épique des déchets, restes de poissons, de crabes et autres immondices s’impose aux usagers, mais sans les déconcerter. Contrairement aux étrangers, ils sont bien habitués, du moins qu’ils en sont parfois les auteurs.
Pour mieux comprendre la situation, nous remontons au marché de poissons. Les bonnes dames, parfois au soleil, parfois sous un parasol, discutent avec les clientes, devant des paniers remplis de crabes et de poissons fraîchement pêchés. ‘’Le panier de poissons est à 8000 francs” peut-on entendre d’une vendeuse. “Je le prends à 5000 francs” répond sa cliente dans la trentaine environ, sacoche à la main. Elles négocient, la vendeuse écaille, découpe et surtout, elle jette ce qui ne lui semble pas utile. Les restes de poissons et de crabes passent rapidement du fond de la bassine à l’eau du lac, dans laquelle baignent déjà de nombreux déchets.
Ramenant le fruit des pêches de la nuit, les pirogues naviguent au milieu des déchets flottants impassiblement. Ici, c’est une situation normale. La décision du gouvernement d’interdire les sachets plastiques, prise en juin dernier, ne semble pas encore avoir eu les résultats escomptés. « Ils ont soi-disant interdit les sacs plastiques, mais il y en a encore beaucoup trop. Si les sacs étaient réellement interdits, je pense que ça aiderait déjà à ce qu’il y en ait moins dans les eaux. Il faut une interdiction plus drastique, et que ce soit respecté », nous dit Aurore.
Les déchets plastiques ne viennent pas seulement du marché. Les sachets d’emballage de pains, de riz et autres, viennent aussi des riverains. La question du respect des interdictions et recommandations est en effet importante, comme le confirme Gbenonsi Donatien, un habitué des lieux : « la sensibilisation ne manque pas, mais on ne respecte rien dans ce milieu, ils sont têtus », dit-il. Les vendeuses, quant à elles n’avouent pas facilement leur responsabilité. Questionnée sur ces déchets, une responsable du marché, qui n’a pas voulu donner son identité, accuse les vendeuses qui viennent à 16h d’être à l’origine de ces déchets… quelques secondes après avoir elle-même vidé une bassine d’eau de poisson dans le lac à quelques mètres de nous.

Des infrastructures insuffisantes
Que pourraient-elles faire d’autre avec ces déchets ? Plusieurs poubelles sont installées du côté de l’embarcadère, mais tant leur nombre que leur taille paraissent bien ridicules pour accueillir tous les déchets du marché. « Il faut mettre des poubelles à disposition, des grands conteneurs dont les gens peuvent se servir », suggère le père d’Aurore. Si les déchets continuent de venir polluer le lac, il risque de ne plus y avoir assez de poisson pour nourrir les habitants. Les touristes, eux, ne viendront plus visiter un village lacustre, mais une cité insalubre.
Xavier YEHOUENOU & Jephté HOUNNAGNI (stags.)



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