Journée mondiale des personnes aveugles : Cpsaa d’Akpakpa : A l’école des sens, de la vie et des savoirs

La rédaction 5 octobre 2018

Au Bénin, des centres de formation s’ouvrent pour donner la chance aux personnes malvoyantes de s’instruire et de s’insérer dans la vie active. A la rencontre des pensionnaires du Centre de promotion sociale des aveugles et amblyopes d’Akpakpa-Sègbèya, où depuis 35 ans, les malvoyants se tracent un chemin de réussite.

Pas de tableaux, ni de craies. Au Centre de promotion sociale des aveugles et amblyopes d’Akpakpa-Sègbèya (Cpsaa) ce mercredi, la dizaine d’écoliers inscrits au cours d’initiation est plutôt concentrée sur des grains de maïs et des citrons que se forcent de leur décrire Irène Doumatè. La cinquantaine, la maitresse fait appel à tous les sens, sauf celui perdu : les yeux. « Les enfants suivent le même programme que les autres enfants de leur âge, juste que nous transcrivons les manuels pour pouvoir faire passer le message » explique-t-elle.
Le centre de promotion sociale des aveugles et amblyopes est créé en 1983 sur l’initiative d’un prêtre français, Paul Rival, et de deux Béninois, Alexandre Paraiso et David Adote. Tous souffrant de troubles visuels et souhaitaient mettre en place une structure qui pourrait permettre aux aveugles et amblyopes de se former pour servir leur pays. Un centre qui par la suite a été pris en charge par l’Etat.

Poursuivre chaque jour son rêve
Ce centre dispose de toutes les classes du cursus primaire, et les enseignements se font par la technique du braille. Au cours moyen 2è année (CM2), sur les tables, quelques feuilles percées et une tablette noire sous forme de grillage en format A4, se font remarquer. Aux 6 candidats au Certificat d’études primaires (Cep) 2019, Didier Kouloni dicte un cours sur les temps de l’indicatif. L’enseignant avoue faire de son mieux pour garantir la réussite à ses apprenants, malgré les difficultés. « Nous avons des difficultés à transcrire les manuels au programme pour les enfants. Et comme ce sont des aveugles, ils ont du mal à interpréter les figures géométriques. Ce qui fait qu’ils ne font pas la géométrie », déclare-t-il. Quelque temps après, la cloche sonne. Il est 10 heures. La cour entre-temps déserte reprend vie. Les pensionnaires se dirigent vers la cantine, les uns servant de guides aux autres. Le Cpsaa ne dispose pas d’internat pour les élèves qui habitent loin, et le bus qui servait à transporter les enfants est en état de vétusté, garé à quelques mètres de l’entrée principale du centre. Mais cela n’empêche pas les écoliers de rêver pour surmonter leur handicap. « Je quitte Calavi pour le centre chaque matin, c’est épuisant, mais je m’y fais puisque notre bus ne fonctionne plus. Mais je veux aller à l’école pour travailler comme une personne normale et servir mon pays », confie Franck Azonon, écolier en classe de Cm2.

Fondus dans la masse au collège
A quelques pas du centre se trouve le collège d’enseignement général de Sègbèya. C’est ici que Franck Azonon fera le cours secondaire une fois le Cep obtenu. Une nouvelle vie y démarre avec ses réalités. Théophile Tawéman, élève en classe de terminale y est déjà habitué. « Nous n’arrivons pas toujours à suivre le rythme lorsque le cours est dicté, certains professeurs s’adaptent à notre rythme mais d’autres non », déplore-t-il. Son camarade de classe Jean-Luc Sagbo Hounkpè, également malvoyants ajoute : « Certains de nos camarades refusent de nous aider à recopier les cours, et nous n’arrivons pas à avoir à temps nos documents au programme transcrits en braille. Ça nous arrière parfois ». Même les enseignants se plaignent aussi. « Le plus grand problème que nous rencontrons dans la formation de ces élèves, c’est la transcription des manuels au programme pour les mettre au pas. Et en tant que malvoyants ou non voyants, ils ne peuvent pas faire la géométrie », déclare Josette Djossou, professeur d’anglais et chargée de suivi des élèves en situation de handicap visuel au Ceg Sègbèya. Malgré tout, ces élèves continuent de se battre pour réussir. Et ce n’est pas pour rien qu’ils ont, au plan national, le meilleur taux de réussite au Bepc cette année.
Christelle AZANDEME (Stag)



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