Manque d’affluence dans les salles de navigation au Bénin : Les chiffres d’affaires des cybercafés en régression

La rédaction 28 août 2019

C’est un sale temps actuellement pour les centres cybers au Bénin. Avec la révolution de l’internet, peu sont ceux qui se rendent encore dans ces lieux pour effectuer leurs différents travaux sur le net. Conséquence, une baisse drastique des recettes de ces salles de navigation qui avancent vers la déchéance.

Les caisses des cybercafés en souffrance. Les salles de navigation ne font plus leurs chiffres d’affaires d’alors et les recettes ont connu une nette baisse. Jadis fréquentés par les internautes en nombre important, les cybercafés connaissent de nos jours au Bénin une période de sécheresse. Dans les différents centres implantés un peu partout dans le pays, la situation n’est pas reluisante. L’affluence n’est plus de mise et chaque jour, patrons et gérants de cyber passent de moments ennuyeux dans leurs bureaux respectifs attendant en vain les internautes. Damien Dessou, gérant de ‘‘Cyber Parana’’ dans la commune d’Abomey-Calavi raconte ce sale temps. « Avant, la salle est saturée et des internautes venaient et manquaient de postes pour travailler. Certains décidaient de se retourner et d’autres font la queue dans l’espoir d’éventuels départs pour sauter sur l’occasion », a-t-il dit. Dans un passé récent, les internautes se bousculent à cet effet et en arrivent parfois pratiquement aux mains. Le gérant de Haut débit Cyber de Godomey, Sylvestre Houangni se rappelle le jour où il a vécu cette scène. « Dans le mois de janvier 2018, deux clients se sont battus dans notre centre ici. Quelqu’un s’était levé et un autre a pris sa place pendant que le troisième qui était en attente l’a violement poussé estimant que ce n’était pas son tour », dit-il. Tout ce temps est révolu. De nos jours, s’il y avait une possibilité d’offrir gratuitement le débit dans les cybercafés, les promoteurs allaient s’y adonner. « Voilà qu’on ne peut pas se mettre à demander aux gens de venir naviguer gratuitement chez nous. Nous n’avons malheureusement pas la connexion gratuite », poursuit Silvestre Houangni.

La révolution technologique, le premier coupable
Les cybercafés n’ont plus de clients et les acteurs du domaine savent d’où provient cette période de vaches maigres que leurs centres traversent. Ils sont quasiment unanimes sur le fait que leurs recettes sont en chute libre faute à la révolution de l’internet dans le monde et au Bénin. « Il y a que les réseaux Gsm offrent aujourd’hui la connexion internet aux abonnés », indique Franck Biaou Pdg du cybercafé de Abifa Groupe. Franck Dessou complète que « ils sont nombreux aujourd’hui à se procurer des clés de connexion et des wifi et ils restent dans leurs coins pour naviguer ». Les responsabilités de la baisse des recettes dans les cybercafés au Bénin n’est pas uniquement du fait de la révolution de la technologie. Sur ce point, Appolinaire Alinènou, Doctorant en géographie à l’Université d’Abomey-Calavi Calavi reste ferme. « Chacun avec ses objectifs. Moi je continue de venir au cyber quand bien même j’ai une clé de connexion. Si je reste à la maison, je ne pourrai pas être bien concentré pour faire mon travail. Je suis ici ce matin pour faire des recherches sur ma thèse et pour y arriver, j’ai besoin du haut débit, ce que je ne peux pas trouver avec mon téléphone ou ma clé », affirme-t-il. Le doctorant est appuyé dans ses arguments par un chercheur du département de la Faculté des sciences économiques et de gestion, Jean-Pierre Fadonougbo, rencontré au cyber du Groupe Abifa. « En ce qui me concerne, ma visite dans les cybercafés n’a pas changé. Je m’y rendais souvent et je continue de m’y rendre. Si vous me voyez dans ces salles, c’est pour télécharger des fichiers ou pour transmettre des courriers à mes partenaires ou collègues. Tous ces travaux, je ne peux les réaliser que dans les centres de navigation », laisse-t-il entendre.
L’autre cause de cette baisse des chiffres d’affaires des cybercafés béninois est la peur des internautes honnêtes de se voir confondre aux cybercriminels. Pour rappel, le gouvernement du Bénin a engagé en mars 2018 une lutte sans merci contre la cybercriminalité. Cette initiative gouvernementale, visant à enrayer la délinquance juvénile et les crimes économiques via l’internet, a non seulement évincé les ‘‘gayman’’ des cybercafés, mais également à repousser des citoyens qui font un usage orthodoxe de l’internet des salles de navigation, de peur qu’ils soient confondus à ces derniers. Le Pdg de Abifa Groupe Franck, Biaou retient bien la leçon. « Depuis que les forces de sécurité publique avaient traqué les cybercriminels, l’affluence a pris un coup. Entre temps, un individu avait été arrêté dans ma salle ici et j’ai été invité au commissariat pour faire des dépositions », confie-t-il.

Recettes au point mort, l’avenir des cybercafés incertain
C’est l’affluence dans les centres cybers qui renfloue les caisses de ces derniers. En ce moment de déclin, les promoteurs des cybercafés ne savent plus ou mettre la tête. D’ailleurs nombreuses sont ces salles de navigation qui ont déjà fermé leurs portes. Johnson Chinezé est vendeur de pièces détachées de moto à Zogbo. Sa boutique partage le même bâtiment qu’un désormais ancien cybercafé. « Je parle beaucoup avec le patron de ce centre à côté de moi. Il y a longtemps qu’il me dit qu’il n’y a plus de vente. C’est dans la moitié de ce mois qu’il a fini par ramasser toutes ses affaires pour quitter ici », renseigne-t-il. Pour sa part, Franck Biaou et Abifa Groupe cyber n’en sont pas encore arrivés à cette extrémité. Chez eux, la baisse des recettes a entraîné juste des licenciements. « Il y a de cela six ou sept mois je ne me plaaignais pas du tout. Mais aujourd’hui ma recette mensuelle a baissé de deux tiers. Cela m’amène d’ailleurs à procéder au licenciement de nombreux employés ». Avec cette situation, c’est le palliatif trouvé par le promoteur qui maintient son cybercafé encore ouvert. « Dans mon centre ici, nous faisons également la formation en informatique et moi-même je suis maintenancier, donc j’assure la maintenance des appareils. C’est le juste milieu qui nous maintient encore debout », finit-il.
La situation est la même au cybercafé Parana. La salle accueille encore timidement les internautes. Damien Dessou explique comment ils arrivent toujours à continuer leur commerce d’internet malgré qu’ils soient aussi touchés par cette crise. « Nous avons connu une baisse de recettes inquiétante. Avant, nous encaissions 30.000 à 50.000 Francs Cfa par jour. Mais aujourd’hui, c’est ce total qui fait notre recette mensuelle. La chance que nous avons est que la salle qui abrite notre cyber n’est pas louée. Si c’était le cas, les recettes que nous faisons ne peuvent pas nous permettre de payer la location, le débit et les employés », indique-t-il. Sans aucun doute, l’avenir des cybercafés n’est pas prometteur. Face au lourd poids du manque d’affluence des internautes rendant les caisses maigres et les taxes à payer, les salles de navigation, qui autre fois longent tous les tronçons, sont menacées de disparition.
Clément WINSAVI



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