Nazaire Sabadagbo, sur la préservation de l’asphaltage : « Il faut amener chaque citoyen à être responsable »

La rédaction 3 septembre 2020

Cotonou et plusieurs autres villes du Bénin présentent de nouveaux visages, avec les travaux d’asphaltage. Mais déjà, il est à craindre l’incivisme des populations en ce qui concerne la propreté de ces rues et l’intégrité des infrastructures associées. Jeudi dernier, sur Canal 3, Nazaire Sabadagbo, expert en développement durable intégré a fait des propositions.

Pourquoi l’incivisme persiste-t-il dans nos villes ?
Il n’y a pas de bonnes pratiques sans contraintes. C’est certainement ce manque de contraintes qui fait perdurer le mal.

Qu’en est-il alors des lois et sanctions en vigueur ?
Les juristes vous diront que nul ne doit ignorer la loi. Mais en matière de gouvernance, il faut amener les gens à comprendre. Lorsque c’est compris, c’est facile d’exécuter. Si la personne ne sait pas pourquoi elle doit poser un certain nombre d’actes, n’espérez pas qu’elle les pose. C’est pour ça qu’au niveau du secteur de l’éducation, nous prenons des dispositions afin que les apprenants soient des vecteurs de bonne gestion de l’environnement.

Et vous proposez quoi pour l’école ?
La théorie en matière d’environnement ne suffira jamais. Il serait judicieux d’associer le savoir-faire, et le savoir être au savoir agir. L’école doit œuvrer à ce que les apprenants développent les bons réflexes. Et les bonnes pratiques que les enfants auront apprises devront être promues par ces derniers à la maison. Ainsi, l’enfant deviendra un éco-citoyen. Il faut que les parents comprennent que ce sont les enfants qui doivent leur faire la leçon. Si vous adoptez un mode de vie sain, vous ne tomberez pas malade, sinon que peu. Prenons l’exemple de la gestion des emballages d’engrais. Les paysans achètent le produit et utilisent ces mêmes emballages pour conserver de la nourriture sans les laver correctement, d’où l’intoxication alimentaire. Alors que si on prend soin de récupérer ces emballages et de les recycler, on aurait évité le problème. Tout le monde doit être apprenant à tous les niveaux. Dans un contexte de changement climatique, par exemple, les sciences et techniques agricoles doivent être enseignées autrement. Les agriculteurs ne savent plus quand semer ou récolter. C’est la nature qui se venge. Seulement, il n’y a pas que l’environnement. On ne parle que trop de l’environnement

Quoi d’autre doit-on considérer ?
Il faut considérer le développement durable dans sa globalité. Qui parle de développement durable parle de trois axes principaux et d’un axe auquel on ne fait pas allusion. Il y a l’aspect économique, le social avant celui de l’environnement. Prenons l’exemple de la déforestation, le manque de moyens pousse les gens à détruire pour faire du charbon de bois. Et pourtant, la déforestation coûte plus chère qu’un gaz. D’autant plus que des dispositions ont été prises pour rendre l’accès au gaz à un prix modique. Malheureusement, on ne prend pas la peine d’analyser l’acte alors que c’est un réflexe à intégrer à nos habitudes. L’environnement en est meurtri et le montre. Le corona est une vengeance de la nature.

Vous citiez quatre axes. Quel est le quatrième qui est mis de côté ?
Il s’agit de la gouvernance. Tout le monde en parle sans savoir ce que c’est. Mais la gouvernance, c’est le dispositif de production de décisions inclusives. Tous les acteurs principaux de la Nation doivent savoir s’associer afin de s’entendre sur un consensus.

En attendant, il y a l’asphaltage et des réformes dans l’assainissement des villes du Grand Nokoué. Que doit-on faire pour mettre fin à l’urine sauvage et à l’incivisme dans ces rues nouvellement construites ?
Il faut amener chaque citoyen à être responsable et à répondre de ces actes. Je ne parle pas forcément de sanctions. Quand on fait prendre conscience aux gens qu’ils agissent contre eux-mêmes, ils changent. De même, nous avons de grandes ressources endogènes qu’il faut exploiter. Par exemple, on ne doit pas jeter de l’eau provenant de la chambre au dehors la nuit. Si nos aïeux le disent, c’est parce que ce sont de mauvaises pratiques.

Comment mettre en pratique ce que vous dites ?
Il faut faire de nouveaux programmes. On ne peut pas rejeter tout ce qui existe. Il faut plutôt renforcer certaines thématiques qui prennent en compte le savoir agir. Si les enfants acquièrent les bonnes pratiques à l’école, ils vont les divulguer à la maison. L’objectif est de changer les comportements à travers l’apprentissage (au niveau des écoles, des ONG, des lycées). Il faut changer l’école pour que les choses démarrent.
Transcription : Vidjennagni MISSIHOUN (Stag)



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