Noël Chadaré à propos de la loi sur l’embauche au Bénin « Nous sommes dans la précarité de l’emploi….les travailleurs et les syndicats sont fragilisés »

15 mai 2023

La question des conditions de vie et de travail des employés au Bénin demeure toujours une préoccupation majeure. Cette actualité ne laisse pas insensibles les responsables des travailleurs. Noël Chadaré, Secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin) a pointé d’un doigt accusateur la loi sur l’embauche votée en 2017 par le parlement béninois. Le syndicaliste estime que ce texte est à l’origine de « la précarisation » du travail et compte œuvrer pour sa relecture. Lisez l’entretien.

Certaines langues du monde de travail estiment que la loi sur l’embauche arrange plus l’employeur que le salarié. Quel est votre avis ?

Merci beaucoup pour cette occasion. C’est exact ! La loi sur l’embauche consacre la puissance du patron. Parce que ce dernier fait du travailleur ce qu’il veut. Cette loi a rendu taillables et corvéables les employés devant les employeurs. Les dispositions qui y figurent font la part belle aux patrons qui peuvent décider de licencier leurs salariés quand ils veulent et sur un coup de tête. Pour le licenciement de son employé, il suffit pour l’employeur de lui payer entre trois et 9 mois de droit à l’indemnité. C’est bien dommage qu’une telle loi soit votée au Bénin. La Cosi Bénin, en son temps, est l’une des confédérations qui a critiqué et fustigé cette loi. On est même allé jusqu’à la Cour constitutionnelle pour déposer un recours contre ce texte. Mais contre toute attente, la haute juridiction s’est déclarée incompétente. Notre constat est que sur le terrain, c’est une loi qui précarise le travail. Elle consacre la précarisation du travail. On recrute deux, trois mois après on peut renvoyer les employés. Cela signifie que dans la loi on peut renouveler des contrats à durée déterminée plusieurs fois. Donc, il ne s’agit pas du travail à durée indéterminée. Nous sommes dans la précarité de l’emploi. Quand le chef d’entreprise vous recrute pour un contrat d’un an ou de deux ans, il peut le renouveler à plusieurs reprises sans qu’il ait obligation de vous faire un contrat à durée indéterminée. L’autre problème posé par cette loi est que les travailleurs et les syndicats sont fragilisés. Même la gent féminine n’est pas épargnée. Cette loi ne protège pas les femmes employées dans les entreprises au Bénin. Si le patron a ses yeux de Chimène pour une employée et si elle ne fait pas le jeu, on peut trouver des moyens ou des occasions pour la licencier. De ce point de vue, cette loi favorise le harcèlement sexuel dans les entreprises. C’est une dérégulation du marché de l’emploi. Pourvu qu’il y ait un emploi, même si l’emploi est précaire. C’est le constat désolant sur le marché du travail. Dans le secteur public, nous avons le cas des aspirants aux métiers de l’enseignement (AME). Ces enseignants aspirants au bout de trois ans d’exercice, ils peuvent passer un test pour devenir des contractuels de l’Etat en cas de réussite. Et là encore, cela va être un contrat à durée déterminée qu’on peut renouveler à plusieurs reprises. Vous voyez, même les services publics sont précarisés. Aujourd’hui de plus en plus foisonne le travail précaire.

Quelles sont alors vos futures actions pour amener le pouvoir à la relecture de cette loi que vous décriez si tant ?

Nous allons poser le problème à la nouvelle équipe au parlement pour demander la relecture de cette loi.

Qu’en est il des différentes rencontres gouvernement-syndicats ?

On n’a pas encore eu l’occasion d’échanger avec le gouvernement sur cette loi qui consacre les violences basées sur le genre et le harcèlement sexuel. Les organisations syndicales ne baissent pas les bras pour corriger les choses.

Propos recueillis par Joël SEKOU (Coll)



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