Pandémie du Coronavirus : Prioriser durablement l’hygiène et de l’assainissement de Base

Fulbert ADJIMEHOSSOU 2 avril 2020

Le Bénin, comme plusieurs pays dans le monde, subit la pandémie du Coronavirus (Covid.19) qui a fait son apparition le 31 décembre 2019 à Wuhan en Chine. « L’humanité entière est menacée », a affirmé mercredi 25 mars 2020, le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres. Face à l’absence d’un remède et à la montée de la pandémie qui a touché près de 450.000 personnes dont 19.246 sont mortes dans le monde, les autorités des différents pays appellent à l’observation de plusieurs mesures préventives pour contrer le virus. Parmi les mesures recommandées, le lavage des mains à l’eau et au savon constitue la première et la plus efficace pour rester à l’abri de ce virus invisible mais mortel. En conséquence, les autorités de nos pays recourent à tous les moyens de communication pour inviter et conseiller la population à se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon ou en utilisant le gel hydroalcoolique. Si cette mesure parait banale à observer, elle a toujours constitué un grand défi dans nos pays en Afrique et au Bénin en particulier, contrairement aux pays d’Europe ou d’Amérique du nord où ce geste est ancré dans les habitudes des populations. En effet, les chiffres prouvent malheureusement que très peu de personnes au Bénin pratiquent ce geste pourtant simple, mais qui peut sauver des vies surtout en cette période de crise et de grande frayeur. D’après la dernière enquête démographique de santé menée en 2017-2018 au Bénin (https://www.insae-bj.org/actualites/69-cinquieme-enquete-demographique-et-de-sante-2017-2018 p.66), 54,5% de ménages disposent d’un endroit fixe ou mobile pour se laver les mains à l’eau et au savon. Mais60% en milieu rural n’ont ni eau, ni savon, ni produit nettoyant pour se laver correctement et régulièrement les mains comme le recommandent les autorités. Ces chiffres sont confirmés par ceux du Programme conjoint de surveillance de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement (JMP) de l’OMS et l’UNICEF, un mécanisme officiel des Nations Unies chargé de suivre les progrès vers la réalisation de l’objectif de développement durable N°6 depuis 2016.

En effet, selon les derniers chiffres publiés en 2019, 73% de la population au Bénin n’ont aucun accès aux services d’hygiène et seulement 16% ont un accès limité et 11% disposent d’un accès de base. Ces chiffres montrent à suffisance combien il sera bien difficile aux populations surtout en milieu rural d’observer cette mesure indispensable pour sauver des vies. Ils montrent surtout combien notre pays a pris du retard pour faire la promotion d’un geste si simple et si efficace pour aujourd’hui combattre le Covid. 19, mais aussi bien d’autres maladies diarrhéiques. Selon l’OMS, des interventions dans le domaine de l’hygiène y compris l’éducation à l’hygiène et le simple fait de se laver les mains, peuvent réduire de 45% le nombre des cas de maladies diarrhéiques.
Dans un message au monde entier, la Présidente de l’organisation « Eau et Assainissement pour Tous », Catarina de Albuquerque, a déclaré que « La santé est loin de se résumer aux soins médicaux. L’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène est fondamental pour lutter contre des problèmes de santé majeurs tels que le coronavirus, mais également contre d’autres maladies évitables comme la diarrhée, le choléra et la pneumonie ». D’autres pays le savent déjà pour avoir beaucoup travaillé à relever le niveau d’accès de leurs populations aux services d’hygiène et d’assainissement de base. Au Japon, les écoles sont équipées de longs lavabos où les élèves et les enseignants se lavent les mains plusieurs fois par jour. Au Nigéria, après la crise d’Ebola, le lavage des mains dans les écoles a augmenté de plus de 60%, les enfants étant plus susceptibles de participer si leurs amis se lavaient également les mains. Au Bénin, contraint par la pandémie, le Ministère de l’Enseignement maternel et primaire à travers la note de service N°0452/MEMP/DC/SGM/DPP/DAF/SP, a, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, décidé de la généralisation de la mise en place des dispositifs de lave-mains dans toutes les écoles béninoises.
Alors que l’on annonce que les prochains jours seront difficiles, l’accent sera davantage mis sur cette mesure dans les écoles mais aussi dans les lieux publics comme dans les ménages. Mais une fois la pandémie passée, il convient de se rappeler que selon le Programme eau et assainissement de la banque mondiale, 7000 Béninois notamment 4300 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de diarrhée. Ces décès sont, presque à 90%, directement attribués à l’impureté de l’eau, à un assainissement insuffisant et à une hygiène défectueuse (https://www.wsp.org/sites/wsp/files/publications/WSP-ESI-Benin-fre). Cette étude réalisée en 2010, indique par ailleurs que le Bénin perd 52 milliards de francs CFA chaque année à cause d’un mauvais assainissement.
L’histoire de l’humanité montre que les pandémies comme les guerres changent notre mode de vie. Le changement se produit rapidement. C’est maintenant ou jamais que le gouvernement, les maires et tous les décideurs qui ont le pouvoir de prendre les décisions pour faire de l’hygiène et de l’assainissement de base, une priorité dans l’agenda de développement, doivent agir. Conformément à l’engagement du Bénin d’atteindre l’ODD 6.2 relatif à l’hygiène et à l’assainissement de base, il est plus que jamais nécessaire de hisser l’hygiène et l’assainissement de base au rang de nos priorités de développement comme l’accès à l’eau potable où d’importantes ressources ont été mobilisées pour atteindre l’accès universel. Le coronavirus, après les crises de choléra devenues récurrentes et qui sont avant tout, des crises d’hygiène, nous montre la voie. A nous de saisir cette opportunité afin de vaincre enfin la fatalité de l’hygiène et de l’assainissement de base resté longtemps parent pauvre du secteur de l’eau et de l’assainissement. Ainsi, on pourra augmenter notre capacité de résilience aux crises futures et enfin offrir aux enfants de nos écoles, des toilettes propres et des dispositifs de lave-mains équipés d’eau et de savon à plein temps et créer les conditions pour permettre aux ménages de tout le Bénin, d’avoir accès aux services adéquats d’assainissement pour arrêter le drame humain et sauver des vies.
Une contribution de Alain Tossounon, Spécialiste des questions de l’hygiène et Assainissement



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