Recours à l’insonorisation pour réduire les bruits : Calmer les voisins, mais se tuer de l’intérieur

La rédaction 29 avril 2021

Face aux plaintes multiples de pollution sonore, beaucoup se tournent vers l’insonorisation des bâtiments. A Cotonou et environs, des églises se sont même lancées dans cette dynamique. Cependant, si du dehors tout est calme, de l’intérieur, les usagers sont exposés aux nuisances.

Du dehors, c’est presque le calme des jours ordinaires. Les bavardages et les bruits de véhicules empruntant la voie se font plus remarquer. Pourtant, ici à Vèdoko, dans l’un des temples insonorisés que nous avons visité, c’est le contraire. L’insonorisation en est pour beaucoup dans l’atténuation de la pollution sonore. C’est une stratégie connue de beaucoup de responsables évangéliques. Pasteur Nazaire Hounkpadode de l’Église Évangélique de délivrance et de Salut en Christ (EEDSC) donne les raisons : « L’insonorisation du temple a été effectué pour le propre confort de l’église. C’est-à-dire par la climatisation de la salle afin qu’il n’y ait pas trop de chaleur et également pour ne pas attirer de préjudices aux riverains à travers les sons produits à chaque culte ».
Ainsi, les portes et fenêtres étant closes, ajoutés à la climatisation, le bruit n’est perçu que de l’intérieur. Jean, fidèle d’un temple insonorisé pense que ça réduit les plaintes du voisinage. « Avant l’insonorisation, les personnes qui habitent autour de l’église lancent des pierres contre le bâtiment, soit disant que le bruit les dérange. Un jour, ils ont même cassé les lames de verre au niveau des fenêtres avec les pierres », confie-t-il, avec un air d’indignation.

Echapper aux sanctions
En effet, au Bénin, les bars restaurants, les discothèques, les lieux de culte sont très souvent incriminés pour des infractions de pollution sonore. « Au niveau de la police environnementale, c’est la pollution sonore qui vient en tête des infractions environnementales dénoncées. Les gens se plaignent de la pollution sonore due aux scieries, aux ateliers de soudure, les garages, les unités industrielles et les moulins. Mais à tout ceci, il faut ajouter désormais les lieux de cultes qui sont devenus des lieux de pollution sonore. A tous les coins de rue, nous avons des églises qui empêchent les gens de dormir. Nous sommes sollicités à tout moment pour cela. Le comble, c’est qu’il suffit que quelqu’un installe une boutique de vente de téléphones portables pour qu’on assiste à une sonorisation », dénonce Dr Rosaire Attolou, Directeur Départemental du cadre de vie Atlantique-Littoral, dans une interview précédemment accorée à Fraternité.
Pour faire respecter le décret N°2001-294 du 8 août 2001 portant règlementation du bruit en République du Bénin, l’ancien Procureur de Cotonou, Mario Mètonou en a fait à maintes reprises une priorité, surtout avec la floraison des entreprises qui installent de très grands haut-parleurs au bord des voies et mettent la musique au-delà des décibels autorisés. La procédure est bien connue des Officiers de Police Judiciaire. En cas de pollution sonore, le premier acte est de vérifier si les décibels émis sont conformes. S’il y a dépassement, dans un premier temps, les auteurs sont verbalisés. S’il y a récidive, ils sont présentés au parquet où ils encourent aussi bien une peine financière qu’une peine privative de liberté, notamment une amende de 500.000 FCFA et une peine de trente jours de prison.
D’où l’idée de l’insonorisation des bars, voire des temples, pour ne pas attirer les attentions. « Auparavant, ce lieu était une boîte de nuit déjà insonorisée. A notre installation à cet emplacement, le cadre des lieux a été maintenue même si quelques rénovations ont été faites », confie un des fidèles de l’église Meppse cité de David à Sikècodji. Ceux qui n’ont pas encore la possibilité d’insonoriser trouvent la formule adéquate. Le technicien fait le réglage des appareils sonores en augmentant la basse de sorte que le son rentre en concordance avec le cadre de l’église. Pour Didier-Steve Kpehounou, un responsable à l’église "Fondation Missionnaire Chrétienne" (FMC) à Cococodji, la basse des appareils sonores est augmentée de telle manière que seuls ceux se trouvant autour de l’église entendent les sons émis.

Le revers de la médaille
Ce dimanche dans l’une des églises de la ville visitée, les portes et les fenêtres sont fermées et les climatiseurs sont allumés. La musique est à fond. Ça chante et danse. Mais le bruit ressenti à l’intérieur n’est pas sans effet. « Au cours du culte, je sens mon corps vibrer au rythme de la musique, surtout au moment de l’adoration et de la louange », confie Jérémie Agossa, un des fidèles. Albertine Assogba, une choriste laisse entendre qu’à chaque fois que le culte finit et qu’elle sort de la salle, c’est comme si elle était toujours dans la salle du culte revivant encore le bruit. « Je ressens de légers maux de tête mais qui s’en vont après », martèle-t-elle.
Selon l’OMS, l’impact de la pollution sonore ne se limite pas uniquement à de simples fatigues ou de petites gênes, mais bien plus, allant jusqu’à la mort. « Il y a la récurrence des accidents cardiovasculaires, les difficultés d’endormissement et les maux de tête. J’ai fait une thèse de doctorat sur la pollution sonore. Et dans la ville de Cotonou, les gens se plaignent sérieusement. Ce n’est pas pour rien qu’à l’approche des fêtes, les personnes de troisième âge nous supplient de leur venir en aide », explique Dr Rosaire Attolou. Pendant ce temps, à en croire d’autres personnes rencontrées, le bruit ne les dérange pas et ils aiment bien quand c’est " bruyant et mouvementé". « Nous sommes habitués », laissent-ils entendre, subissant les effets silencieux.
Esther HOUESSOU (Stag)



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