Réflexion de Bruno Gnidéhoué, promoteur de Label Bénin Pourquoi l’administration béninoise met plus de 200 jours pour faire gagner ce qu’on aurait pu gagner en 21 jours ?

La rédaction 25 mars 2016

Excellence, Monsieur le Président de la République Patrice Talon ;


En ce moment où vous vous préparez à prendre les rênes de notre destinée pour les cinq années à venir, il me plait de vous partager une idée. Sans doute que vous y avez pensé. Mais je m’en voudrais si d’ici quelques mois nos populations commencent à critiquer un certains immobilisme. Je m’en voudrai de n’avoir pas attiré votre attention sur cet élément qui me parait fondamental pour qu’enfin nous engagions la spirale vertueuse vers le bonheur de nos rêves.

L’administration publique : facteur déterminant de la réussite de l’action publique.
Monsieur le Président de la République Patrice Talon, en Octobre 2010, momentanément à cours de trésorerie, j’avais terriblement besoin d’argent pour exécuter un marché. J’avais une facture au Trésor Public depuis plus de neuf (09) mois. J’avais une autre facture sur le Millennium Challenge Acount-Bénin (MCA-BENIN) depuis dix sept (17) jours. La facture sur l’Etat était à l’étape 9 (la dernière étape pour le règlement) depuis plus de deux mois et personne ne sait quand le virement sera envoyé à la banque. Au MCA-BENIN, la procédure mille fois éprouvée prévoit rigoureusement 21 jours à compter de la date de dépôt de la facture pour le règlement. J’étais à quatre (04) jours de l’échéance de ma facture sur MCA-BENIN. Je voudrais bien patienter quatre jours encore pour disposer des ressources nécessaires à exécuter mon marché. Mais on m’appelle du MCA-BENIN ce jour même pour demander de compléter une pièce à mon dossier de règlement. Que c’est désormais le Trésor Américain qui paie directement les factures. Un quiproquo entre la Coordination de MCA-BENIN et le Gouvernement du Bénin était passé par là. Paiement par le Trésor Américain ? Je ne suis donc pas sorti de l’auberge ! le règlement prendra alors plus de temps ! Vous pouvez alors imaginer mon désarroi. J’étais abattu à l’idée d’un règlement reporté. Cinq jours après, je me présente à la banque pour essayer de négocier un escompte de la facture. Quelle ne fut ma surprise ! « Mais Monsieur GNIDEHOUE, vous avez de l’argent sur votre compte », me répond la chargée de compte après avoir consulté mon compte. « Vous avez reçu un virement du Trésor Américain hier ». Vous pouvez imaginer mon émerveillement et ma joie. Avouez que ça peut prolonger la vie de quelqu’un ! Une facture régulière déposée dans ce système pro-américain aboutit rigoureusement au bout de 21 jours. Malgré un obstacle survenu entre temps. Par contre, dans le système béninois, bientôt dix mois et une facture régulière n’a pas encore abouti. Retourné au bureau, j’ai partagé avec mes collaborateurs un calcul très simple.
Nous avons considéré un marché de dix millions (10 000 000) hors taxes. Le système pro-américain permet à l’Etat de gagner en 21 jours la TVA, les impôts et taxes induits par ce contrat. Si on me paye au bout de dix mois, notre administration aura mis dix mois pour créer ou gagner à l’Etat ce qu’un système calqué sur le modèle américain aurait mis 21 jours pour produire. En 200 jours, alors que le système béninois gagne environs 2 000 000 (deux millions) au moment où le système pro américain gagne 20 000 000 (vingt millions). Je ne parle pas du nombre d’affaires que la ressource m’aurait permis de tourner en dix mois. En extrapolant, on peut dire que notre administration met plus de deux cent jours pour faire gagner ce qu’on aurait pu gagner en 21 jours. Cet exemple peut être remarqué dans maints domaines de notre administration. Au quotidien, des centaines de personnes subissent ces contre performances. Ce n’est en effet pas rare d’apprendre que telle ou telle corporation s’est soulevée ou s’est mise en grève parce que tel ou tel dossier tarde à sortir. Et que dire de ces retraités qui doivent faire plusieurs aller/retour sur un même dossier pour se faire dire « il n’est pas là » ou « ce n’est pas prêt » ?
En réglant ses créanciers avec autant de retard, l’Etat béninois rend ses opérateurs économiques dix fois moins efficaces, dix fois moins compétitifs, dix fois moins créateurs de richesses, et peut-être dix fois moins créateurs d’emplois par rapport à ce système pro américain. C’est un secret de polichinelle de dire que dans son organisation actuelle, notre administration plombe les ailes de notre développement. Elle porte les germes du jugement que le peuple fera de vos actions dans quelques semaines, quelques mois ou dans au plus deux ans. Alors que faire ?

Améliorer l’efficacité de nos administrations par une mise aux normes ISO
Notre administration regorge de gens compétents qui font leur travail avec abnégation et professionnalisme. Mais il y en a hélas beaucoup pour qui la fonction publique est juste un refuge. Ils y bénéficient de promotions qu’ils ne méritent pas. Ils estiment que leurs clients les usagers n’ont pas le choix. Ils doivent subir leurs diktats, leurs alibis, leurs humeurs, leur paresse, leurs absences justifiées ou non. On est tenté de leur donner raison !
Le cadre les oblige-t-il à des résultats ? Sont-ils jugés et sanctionnés en fonction des résultats de chaque jour ? Un délai impératif est-il imparti pour chaque dossier à traiter ? Si nous voulons booster les performances de notre administration pour notre efficacité collective, il importe d’urgence de définir et d’adopter un nouveau système organisationnel. Cela est valable pour toutes nos administrations publiques, para publiques voire territoriales.
En Octobre 2012, j’ai eu le privilège de participer à la Table Ronde du Dialogue Secteur Public Secteur Privé. J’ai eu l’opportunité à l’occasion, de proposer au Chef de l’Etat, Docteur Boni Yayi, que toutes nos administrations (publiques, para publiques et territoriales) soient mises aux normes ISO.
Dans un tel système, nous amènerons nos agents permanents de l’Etat et des collectivités territoriales à avoir la conscience que les usagers sont des clients à qui ils doivent une satisfaction maximale au moindre coût. Pour chaque administration, quelles sont les paramètres définissant cette satisfaction maximale ? Quels sont les inputs pour chaque service ? Quel est le temps nécessaire pour faire aboutir tel ou tel sujet dans tel ou tel service ? Quelles sont les sanctions positives ou négatives attachées à chaque résultat ?
Les usagers à travers les associations de consommateurs ou d’usagers d’une part, les agents permanents de l’Etat (et les agents des collectivités territoriales) d’autre part accompagnés des experts certificateurs travailleront à trouver des réponses à ces questions pour formuler les systèmes de qualité à chacune de nos administrations. Définir les standards de fonctionnement avec les délais impératifs pour chaque service et engager nos agents publics dessus.
Si nous voulons mettre la nation au travail pour plus de performance et plus de productivité à la satisfaction de la population, nous devrions engager sans délai le chantier de la normalisation et de la certification de toutes nos administrations (centrales, territoriales, para publiques etc.). Toutes nos administrations y compris nos institutions comme la Présidence de la République, l’Assemblée Nationale, la Cours Constitutionnelle, la Cours Suprême, la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication, le Conseil Economique et Social, les Ministères, le système judiciaire, etc. devraient être mises à la norme ISO et évalués périodiquement. Cela peut contribuer à résoudre substantiellement le problème de la corruption. En engageant nos administrations et entreprises publiques et para publiques et même certaines entreprises privées à impact évident sur le dynamisme de la vie socioéconomique telles que les banques dans la démarche de certification, nous assurerons à notre pays plus d’efficacité collective, plus de productivité, plus de compétitivité et une vitesse plus grande de création de richesses et d’emplois. Je rêve qu’au bout d’un an d’effort, nous allons engager la spirale vertueuse vers le bonheur intérieur brut. Cela me semble parfaitement faisable. Nous en avons les moyens. Nous pouvons prendre exemple sur le système actuel de délivrance de passeport dans notre pays.
Avec mes profondes considérations, je vous sais gré, Excellence, Monsieur le Président, de l’attention que vous avez bien voulu m’accorder.
Cotonou, le 23 Mars 2016
Bruno GNIDEHOUE
Promoteur de Label Bénin



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