VOIX DE FEMME : Bénie Quenum : "S'adosser entièrement au soutien financier d'un prétendant n'est pas valorisant"

9 mars 2023

Cosmétologue, peintre, assistante de professeur de dessin de mode, Bénie Quenum est une dynamique Béninoise qui a plusieurs cordes à son arc. Passionnée de musique et du cinéma, la jeune comédienne prend ici la parole sur le sujet de la femme.

Quelle est la place de la femme béninoise dans la société actuelle ?

Le libellé de cette question est très simple mais y répondre ne l’est vraiment pas. Héritières symboliques des amazones du Danxomè, les femmes luttent pour leurs droits et commencent à accéder en nombre relativement limité, à tous les domaines, secteurs professionnels et grades de la société, s’appuyant sur le dynamisme du milieu associatif, l’évolution progressive du cadre juridique et les mutations modernes, notamment celles liées aux technologies.
Les femmes émergent et mènent des actions concrètes pour inscrire leur nom dans l’histoire politique du Bénin. Même si après des réformes récentes, 24 sièges au minimum sont réservés aux femmes au parlement béninois, le progrès féminin dans l’arène politique reste modéré. Comme dans de nombreux autres pays du monde, il n’y a jamais eu de femme à la tête de l’État. Rafiatou Karimou, nommée ministre de la santé en 1989, est la première femme ministre du Bénin. Trente ans plus tard, le classement international établi au 1er janvier 2019 par l’Union interparlementaire (IPU) place le Bénin à la 175e position sur 193 pays. Marie-Elise Gbedo est la première femme candidate aux élections présidentielles béninoises en 2001. Cette prouesse, tout d’abord audacieuse et très louable, avait été saluée à l’international. Elle a encouragé la participation d’autres femmes aux élections présidentielles de 2006, 2011 et 2016.

Comment se positionnent-elles sur le plan économique ?

Sur le plan économique, elles sont de plus en plus nombreuses à entreprendre des activités génératrices de revenus dans les villes et dans les villages. Cela est un premier pas stratégique vers une plus grande autonomie et indépendance financière légitime. Elles s’intéressent de plus en plus à différents secteurs. Elles sont pluridisciplinaires et brillantes de surcroît. Elles pratiquent des cultures vivrières pour l’autosuffisance alimentaire et des produits d’exportation pour vendre après transformation, le commerce. Sur ce point, les femmes se démarquent. Elles subissent néanmoins des harcèlements sexuels, des chantages dans le cadre professionnel et sont des fois, contraintes à perdre des opportunités de travail ou de demissionner et se retrouvent le plus souvent au chômage, faute de moyens de défenses contre leurs patrons ou leurs collègues hommes. Les femmes béninoises prouvent davantage qu’elles peuvent être intellectuelles, scientifiques ou femmes de lettres, des femmes qui trouvent un moyen d’expression de leur opinion pour dénoncer mais également pour développer une mentalité positive et évolutive pour la gent féminine. Elles sont nombreuses dans l’art, dans le théâtre, le conte, la musique, la danse traditionnelle et moderne, le cinéma etc. Plusieurs parents sont réticents à laisser leurs filles intégrer les disciplines sportives et les Forces armées.
Il faut reconnaître qu’il y a des hommes qui se lancent dans la promotion des droits des femmes. Cependant, il faudrait surtout qu’ils ne soient pas défenseurs des droits de la femme uniquement en parole mais qu’ils le soient également dans leurs actions, leurs faits et gestes avec respect, vérité et sincérité envers la femme.

Quelle appréciation avez-vous de l’égalité homme-femme ?

Certes, le Bénin reconnait l’égalité entre l’homme et la femme dans l’article 26 de la constitution du 11 décembre 1990, cependant la situation de la femme béninoise a très peu évolué et ses droits individuels restent bafoués. Car quoiqu’on dise, l’inégalité et les violences basées sur le genre persistent toujours. La tradition béninoise impose à la femme béninoise un esclavage qui ne dit pas son nom, envers son mari qui doit normalement l’aimer, la couvrir de soins et d’attentions et la protéger. Dans la réalité, les harcèlements sexuels, les inégalités liées au genre, la polygamie, le lévirat, les violences conjugales, les chantages, les mariages forcés et mariages précoces sont des pratiques qui ont la peau dure au Bénin. Elles fragilisent et méprisent la dignité, l’épanouissement et le bonheur légitime de la femme béninoise.
En général, malgré la mise en place de plusieurs dispositions juridiques qui protègent les droits des femmes béninoises de même que la ratification en 1992 de la convention sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes (Cedef), il y a toujours une sorte de mesquinerie masculine envers les femmes. La mauvaise mentalité sociétale ne fait qu’encourager cela et dégrade l’image et l’impact de la femme béninoise. Dans la vie active, l’homme est mieux loti que la femme. Ce qui est déplorable car la société a tendance à être très sévère et radicale avec la femme et ses choix opérés pour sa légitime défense. On veut à tout prix faire taire la femme : « Tais toi ! Supporte ! Baisse la tête ! Ne dis pas que tu n’aimes pas ! Ne montre pas à l’homme comment te traiter sinon il partira ! Si tu n’acceptes pas les avances de ton patron, tu n’auras pas ta promotion, tu seras congédiée et au chômage sans un sou ! Tu ne te marieras pas si tu es intellectuelle, si tu as de grands rêves, de grands standards, de grands objectifs. Les hommes ont peur de ce genre de femmes. Ils te fuieront ! »
En tant que Femme, je préfère qu’on me respecte, qu’on ait peur de moi et que l’on me fuie, plutôt que d’être maltraitée, battue dans le foyer ou obtenir ma promotion professionnelle par des moyens douteux et impudiques. Les femmes surtout celles béninoises doivent avoir confiance en elles et en Dieu, être des femmes de principes et de vraies valeurs morales. Elles ne doivent pas avoir peur d’agir avec droiture et de travailler honnêtement.
Partagez avec nous une anecdote vécue en raison de votre condition de femme ?
Au cours de plusieurs rassemblements professionnels et internats pour raison de travail, les hommes ne débarrassaient pas, laissaient tout en désordre et ne lavaient pas leurs assiettes. Avec des airs hautains, ils prétextaient que c’était aux femmes de s’occuper de ces tâches, ils ne répétaient que ça. Une fois, j’ai fini par leur répondre qu’une femme ne sert pas qu’à ça. Je leur ai retourné leurs assiettes et leurs affaires. Ils se sont tus et ont lavé leurs assiettes, balayé leurs chambres et arrangé leurs affaires.

Que diriez-vous à une lycéenne qui souhaite entreprendre ?

Je lui dirai d’avoir de l’assurance, une vision précise et des objectifs clairs. Il lui faudra bien s’entourer en batissant un réseau de qualité le plus tôt possible. Placer tous ses espoirs dans l’aide d’un prétendant ou d’un homme n’est ni valorisant pour elle, ni une garantie. Elle ne devra pas du tout négliger les débuts modestes. Elle y gagnera à respecter le processus et à ne pas sauter les étapes. Je lui dirai d’être très éveillée, de savoir reconnaître et saisir les opportunités tout en discernant et évitant les pièges. Qu’elle travaille intelligemment et soit sainement curieuse, à l’affût de l’information et se tienne bien informée. Elargir ses centres d’intérêts lui sera profitable. Cela va l’amener à opter pour des formations qualifiantes pour se perfectionner. Elle pourra se distinguer des autres et se faire une excellente réputation. Quelles que soient les raisons, il ne faut pas baisser ses standards. Il vaut mieux tirer des leçons des expériences et persévérer dans la droiture même en cas d’échecs. Les expériences qui ne font pas grandir ne servent à rien. Elle doit être courageuse, audacieuse et très loyale.
Je lui dirai d’être humble et fière de ses accomplissements car savoir se féliciter est essentiel pour avancer. Enfin, je lui dirai d’agir dans le sens de promouvoir le développement de la personne humaine et du "Consommons local".

Propos recueillis par Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)



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