Yolande TOHOUEGNON, guérie de la Covid-19 : « Ce n’est pas une maladie de la honte »

Fulbert ADJIMEHOSSOU 30 juin 2020

Sur sa page Facebook, elle a décidé de démystifier le mal à travers un post : « MES 20 JOURS DE COMBAT... ». Et comme dans un roman Dame Yolande livre toute la scène. Dans une interview, à nous, accordée, elle souligne que ce n’est pas une maladie de la honte.

19 morts au Bénin de la Covid-19. Pourtant, beaucoup ne croient toujours pas. Vous avez décidé de vous confesser. Pourquoi ?
J’ai été vraiment choquée d’entendre certaines personnes dire que la maladie n’existe pas. Pour moi, c’est absolument nécessaire de sensibiliser la population. Je ne veux voir personne vivre ce que j’ai vécu... c’est dur, très dur...

Avez-vous l’impression que des témoignages d’autres victimes pourraient convaincre d’autres compatriotes ?
Absolument. Le témoignage a permis de communiquer mon vécu. De dire concrètement ce que je ressentais pendant ces jours de souffrance. Pour moi, cela permettra à d’autres personnes d’être à l’écoute de leur corps et de réagir très vite lorsque certains symptômes apparaissent.

Sur votre page Facebook, presque tout le monde salue votre courage. Mais faut-il craindre la stigmatisation comme c’est le cas d’autres pandémies ?
Ce n’est pas une maladie de la honte. Il n’y a aucun risque de stigmatisation lorsque qu’on est guéri. Au contraire, tout le monde a la preuve de votre guérison. On devrait plutôt se méfier des personnes qui n’ont fait aucun test et qui ne savent pas s’ils ont la maladie ou pas.

Un appel aux Béninois
Chers compatriotes, Il y a encore 3 semaines, je ne pouvais pas imaginer que je ferais partie des malades de la Covid19. Je me suis rendue compte que cela n’arrive pas qu’aux autres lorsque mes résultats ont été confirmés. Cette maladie existe bel et bien et n’est pas un mythe. Protégez-vous en respectant les gestes barrières. Protégez vos enfants car ils peuvent attraper la maladie autant que les adultes. Sensibilisez les personnes autour de vous. La responsabilité est collective. Dans une même maison, pour diminuer ou éliminer les risques, tout le monde doit respecter les gestes barrières. C’est ensemble que nous allons y arriver.

Témoignage de Yolande TOHOUEGNON
« J’ai commencé une petite toux il y a deux semaines. J’ai pris mon citron gingembre et miel. Je n’étais pas inquiète car j’ai l’habitude de me traiter ainsi... 1jour, 2 jours, 3 jours. Ma toux devenait de plus en plus violente... mon infusion magique de tous les temps n’a pas aidé. Une forte fièvre s’y ajouta. Je n’ai pas fermé l’œil, fièvre à 40 degrés. Je prends du paracétamol. La fièvre ne baisse pas. Je me sens faible. Je transpire. Je suis fatiguée. Il était 2h du matin. Le décalage horaire aidant. J’appelle ma maman. Il était 22h chez elle au canada... ouf elle a décroché, toute fébrile et à peine audible, je dis : maman, je ne me sens pas bien, j’ai une forte fièvre qui ne diminue pas malgré les médicaments. (…)
Premier test rapide : négatif. Deuxième test : Positif. Le verdict était sans appel... la fièvre et la fatigue persistaient. Panique... les médecins sont contactés. 30 mn après l’ambulance était à ma porte... panique, je n’ai rien prévu à la maison pour les enfants. Je n’ai pas eu le temps d’aller retirer les sous à la banque... je n’ai eu le temps de penser à rien..., j’étais déjà dans l’ambulance sur le chemin d’Allada. Peur... toutes les scènes horribles de ces derniers mois de coronavirus en Occident me vinrent à l’esprit. J’appelle ma sœur. " je vais mourir Grey, j’en peux plus, prends soins de mes enfants si jamais quelque chose m’arrivait" Ma sœur : Tu n’auras rien...tu rentreras chez toi. Tu dois rester forte pour combattre la maladie"...
J’arrive à Allada. Les tenues des médecins et autres... cette combinaison... j’en pouvais plus... je suis bel et bien malade...
De nouveaux prélèvements... ensuite une psychologue pour m’apaiser...des mots d’encouragement... je me sentais de plus en plus faible... mais apaisée car ils m’ont dit que je vais guérir...
Allongée sur mon lit, je regardais par la fenêtre...il n’y a rien à voir... il y a un autre mur... Ce sera mon univers pour 14 jours ! Je dois vivre ici pendant 14 jours...les médecins ont confirmé Je pensais à mes enfants... loin d’eux pendant 14 jours... Allongée sur mon petit lit... mes larmes coulaient tout doucement. Je priais, la peur de mourir est inexplicable. Première nuit, deuxième nuit, troisième nuit, fièvre de 40 degrés avec toux violente... entre deux toux, je regardais souvent vers ma voisine... oui, nous étions deux dans ma chambre... ma voisine de chambre était aussi souffrante que moi de ce méchant Coronavirus... Nos regards étaient souvent pleins d’espoir... nos silences étaient sources d’incertitudes... Allons-nous nous en sortir ? Nous étions unies temporairement par le même combat. Le combat pour la vie.
Quatrième jour, je voyais flou... ma vision a pris un coup... les médecins m’ont rassurée. Les effets secondaires de mon traitement : chloroquine + azithromycine+ zinc. Cinquième jour, les aliments n’avaient toujours aucun goût sur ma langue. Chaque jour le personnel soignant et assistant nous apportait 3 litres d’eau à boire complètement avant le jour suivant. Je devais prendre mes médicaments devant eux. Ils étaient attentionnés. Au sixième jour, ma voisine fait une crise vers 23h. Les médecins l’ont emmené aux urgences. Je me retrouvai seule. Va-t-elle s’en sortir ? J’avais peur. Ma sœur m’a gardée compagnie au téléphone toute la nuit. Oui ma petite sœur, quelle adorable personne !!! Merci infiniment Grey d’être qui tu es. Après 8 jours de traitement, je commence à retrouver le goût et ma vision était redevenue claire... ces petits signes m’ont donné espoir, un grand espoir. Puis quelques jours après, le premier test... Négatif
14e jour : Deuxième test Négatif. Je me sens légère... Je tombe sur mes genoux et je dis "DIEU MERCI". Oui DIEU MERCI car il y en a qui ne sont pas repartis sur leurs deux pieds de ce centre. Quelle grâce de retrouver ma santé. Tout est grâce. Mon petit frère vient me chercher pour retourner à la maison... Mes enfants aussi étaient sous traitement et isolés... Mes deux amours souffraient de mon absence et de ce mal terrible... Ils étaient des porteurs sains...Enfin je passerai ma première nuit à la maison... Quelle joie ! Seulement elle était de courte durée. Vers 23h, mon petit neveu vient me réveiller brutalement... mon petit garçon a fait une crise. Panique, cris, il ne répondait pas à nos appels. Il partait. Je le secoue, je verse de l’eau sur lui. Je réveille mon frère, mon guerrier des 14 derniers jours. Nous démarrons en trombe pour l’hôpital. J’avais oublié de mettre mon pagne dans la panique. c’est mon voisin qui m’a dit de me couvrir en me donnant mes habits récupérés à la va vite. La solidarité ! Une belle valeur que nous avons. Nous arrivons à l’hôpital. Mon fils a été placé sous respirateur. Moi qui venais à peine de retrouver une petite joie de vivre. me voilà replongée dans une anxiété terrible.
20 jours d’émotions. Le manque de mots. Aujourd’hui je peux écrire pour exprimer ma profonde gratitude à tous ceux et celles qui m’ont entourée et soutenue. A ma maman et à mes frères et soeurs, je dis merci... Merci au père de mes enfants qui m’a soutenue tout le long de cette période difficile. Aujourd’hui nous sommes tous guéris...et nous sommes tous rentrés à la maison...Protégez-vous, protégez vos familles. Respectez les gestes barrières. Je vous en supplie. Le coronavirus sévit et tue. Prenez soins de vous et que les bénédictions soient ! Merci infiniment au personnel soignant du centre de traitement d’Allada ! Vous êtes magnifiques !



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