Plume libre : L’illusion du Président !
Décidément, Boni Yayi s’enferme dans sa vision cocasse de la fonction présidentielle et développe des absurdités dont l’ampleur côtoie la pathologie. Même le vent frais de fin de mandat n’a pas sorti le chef de l’Etat de ce nombrilisme politique qui le pousse à se mettre dans une posture insolite au point de se prendre pour le centre de gravité du pays et l’oxygène de la Nation. Les discours de l’homme du K.O trahissent son agenda secret et révèlent surtout sa conception du pouvoir. La vocation mal dissimulée refait surface : s’éterniser sur le trône. Rêve utopique mais qui répand déjà l’illusion au sommet de l’Etat.
Visiblement, Yayi a réussi à se convaincre qu’il est indispensable pour le Bénin. Et les dix ans lui semblent assez courts pour faire « le bonheur des gens contre leur volonté » et installer « la dictature de développement ». En fin de mandat, le chef de l’Etat maudit le sort et défie le ciel qui fait pointer inexorablement ce fameux 2016. Parce qu’il croit être le seul à avoir un projet pour le Bénin. Seul à avoir le droit de gouverner. Seul à pouvoir adresser un message à la nation à la veille du 1er Août. Seul à avoir le privilège d’organiser des audiences au Palais de la République. Seul à avoir le droit de prendre l’hélicoptère pour ses tournées dans son Bénin Profond. Seul à avoir le don de transformer le Bénin en Singapour. Son seul ennemi : le temps et notamment ce 2016 qui ruine ses espoirs d’établir un record de longévité au pouvoir.
On est surpris en cette fin de mandat que les soucis de Yayi grossissent et que son obsession pour régler tous les problèmes des Béninois devienne une question de vie ou de mort. Sa volonté prend du volume et l’hyper présidence dévaste tout sur son passage. Le discours est à la fois à l’électrification historique de tout le pays, à l’éradication par magie de la pauvreté, à la résolution par enchantement de l’équation énergétique, à l’avènement miraculeux de la prospérité partagée. Il croit pouvoir transformer la pierre en pain et récite ses incantations populistes. Et si Yayi pouvait ralentir le temps et avorter l’avènement de 2016 ?
Et pourtant, l’évidence a sa pédagogie que le Président noyé dans ses propres fantasmes ne saurait piétiner. Même le mandat illimité ne lui suffira pas pour électrifier toutes les chambres du pays. L’éradication de la pauvreté reste une pure vue de l’esprit. Et un mandat d’un siècle débouchera sur l’inachevé. Mohammed Yunus, l’économiste bangladais, prix Nobel et père du microcrédit n’a pu réaliser ce rêve. La relève est déjà assurée à la tête de la Grameen Bank « la banque des villages » ou la banque des pauvres. Yayi continue secrètement de quémander le renouvellement illicite du bail présidentiel.
Difficile cependant de ne pas manifester notre gratitude pour le Président, héros du K.O et titulaire de deux mandats. Rendons hommage à Yayi pour sa pierre à la construction de l’édifice. On eut d’échangeur, de passage supérieur, de routes, un pays en permanence en chantier, des microcrédits aux plus pauvres, des éléphants blancs, des promesses non tenues, la crise sociale …. Mais, « les cimetières sont pleins de gens qui se croyaient indispensables », dit-on. Le croyant Yayi sait que Dieu a créé la mort pour que les hommes puissent se relayer dans l’accomplissement des tâches. L’illusion du pouvoir à vie s’évapore dans cette évidence. « Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie » (Matthieu 6 :27). Yayi le mortel n’est pas indispensable. Et 2016 rangera sans coup férir, son règne dans les tiroirs de l’histoire.
Vraiment, on comprend son souci, ses ambitions, son amour pour le pays et le rêve de l’émergence. Mais autant, on doit lui reconnaitre ce qu’il a fait, autant il doit accepter l’évidence : il n’est pas le seul à pouvoir diriger ce pays. Le Bénin a existé avant Yayi et ne disparaitra pas après Yayi. Il ne lui reste qu’à faire ses valises le 06 avril 2016 et à remettre les clés de la Marina à son inévitable successeur. Quel grand moment en perspective ! C’est déjà très excitant.