France-Afrique, la rupture maintenant ?

Isac A. YAÏ 3 décembre 2013

La françafrique, sujet-phénix, complexe et éternel, ressuscité à occasions rythmées, au gré des changements politiques bien plus souvent dans l’hexagone, intéresse toujours…Et c’est reparti depuis l’élection de François Hollande à l’Elysée. Mais cette fois, c’est un nouveau regard qui est porté sur cet insaisissable, tout autant imprécis que rocambolesque mariage entre la métropole et ses colonies, par Francis Laloupo, le journaliste d’origine béninoise dans son livre intitulé : France-Afrique, la rupture maintenant ?
Celui qui nous propose une autre lecture de la chose n’est pas un inconnu du monde des observateurs de la politique en Afrique, et particulièrement tel qu’elle se mène entre les pays africains francophones et l’ancienne puissance colonisatrice. Francis Laloupo, c’est d’abord l’ancien Rédacteur en Chef du magazine Nouvel Afrique Asie. C’est aussi le Journaliste-Chroniqueur de France Inter, éditorialiste à Tv5. C’est donc bien d’expériences cumulées et il aborde ici la question délicate : quels types de rapports la France entretient-elle avec les pays africains qu’elle a colonisé entre-temps ?

Un nouveau regard, absolument !
Le sujet n’est absolument pas nouveau. Ce qui est nouveau ici, c’est la responsabilité et la complicité des acteurs politiques africains mises désormais en avant. On ne voit plus l’Afrique comme cette manne dont les occidentaux abusent allègrement et impunément, tirant profit de l’inexpérience des nouveaux dirigeants encore habités du complexe du blanc. L’accent est plutôt mis sur cette complicité des fils du continent, leur irresponsabilité et leur manque de patriotisme ou du sens du devoir, de l’honneur. On n’a plus droit au discours de victimisation, où l’on voit une Afrique attaquée de part et d’autre par des prédateurs et occidentaux véreux. C’est totalement différent des versions qu’on avait de cette relation.
On a connu par exemple, cette version de la françafrique où les colonies sont des arrière-bases financières des campagnes politiques de candidats à l’Elysée. Je veux évoquer ici le livre de Pierre Pean : La république des mallettes, dans lequel il était question de ces valises et djembés bourrés de frics qui quittaient les pays africains pour les QG des politiques français.
On a connu aussi cette version, quelque peu surprenante où des décisions importantes cherchaient un aval en Afrique, comme dans ce film documentaire réalisé par Patrick Banquet et intitulé : françafrique : l’argent roi et raison d’Etat.
Ce qui est à noter avec ce livre de Francis Laloupo, c’est qu’à chaque fois qu’il y a un nouveau Président à la tête de l’ancienne puissance colonisatrice, on espère toujours que les choses changent fondamentalement. Le discours est resté le même au fil des successions de pouvoir en France, avec la promesse, disons même la revendication de chaque président appelant à un changement dans les rapports avec l’Afrique. Celui qui l’a surtout promis à cor et à cri, c’est Nicolas Sarkozy. On se rappelle sa visite officielle en Afrique du sud où il a évoqué une renégociation des accords de coopération entre les deux parties. Mais hélas ! Et d’après Francis Laloupo, il n’a rien pu faire dans le fond pour changer les choses. L’auteur a donc saisi l’accession de François Hollande au pouvoir pour relancer le débat et surtout demander aux africains de ne pas attendre, d’agir pour changer les choses.
Et à la fin, comme d’ailleurs c’est le cas de tous ceux qui ont écrit sur la françafrique, il appelle à une normalisation des rapports, dans la dynamique d’une coopération sincère et profitable à tous. On dira par ici, qu’il prône un partenariat gagnant-gagnant, et surtout profitable pour les peuples africains.

Mais est-ce que ce n’est pas là le piège ?
Si le constat est flagrant et dépitant, que l’Afrique consomme beaucoup plus qu’elle n’en fabrique, les bases pour des rapports d’échanges sont biaisées. Encore qu’ici, il faut reconnaître qu’en affaires, point d’honnêteté. On relèvera certainement que l’Afrique a une influence à imposer grâce aux richesses de son sous-sol, dont ont impérativement besoin les Etats occidentaux. A cet argument, il faut opposer l’évidence de la désunion et des Etats arbitraires créés par la colonisation, ce qui fragilise la force des pays africains. L’union africaine et autres accords intra-africains n’ont pas encore réussi à bâtir en l’Africain le sentiment d’appartenir à un continent dont les intérêts ne peuvent valablement être défendus que dans la fraternité et la solidarité. C’est dire donc que, tant que les Africains seront divisés, la possibilité d’échanger d’égal à égal avec les anciens maîtres ne serait que du leurre.
Aussi, si l’on est d’avis que la diplomatie, c’est paradoxalement une question de rapports de force, au-delà des échanges et de la coopération, on est en droit de se demander quel est le réalisme qui habite le souhait de voir les Etats occidentaux commercer avec l’Afrique dans le respect strict du droit ou autres considérations d’ordre éthique.
Thanguy AGOI



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