Après sa distinction par l'association internationale des ports : Les nouveaux défis du port de Cotonou

La rédaction 14 juin 2013

Plus qu’une figure de style, la périphrase Poumon de l’économie nationale illustre l’importance du joyau portuaire dans le tissu économique du Bénin. Port en eau profonde avec accès direct à la mer, il dessert de par sa position géostratégique plusieurs pays enclavés de la sous-région et fait office de port de relais pour notre géant voisin, le Nigeria. Les chiffres, mieux que les mots, indiquent sa sensibilité : 90% des échanges commerciaux du pays, 65% du PIB. Malheureusement, ces atouts ont souvent été galvaudés, et notre pays a parfois peiné à tirer le meilleur de ce trésor. Et voilà qu’après d’âpres années de vaches maigres, des sillons d’espoir s’épanouissent dans le ciel et indiquent que sont loin derrière nous, les temps de gémissement. Venue de Los Angeles, la médaille d’or qui couronne les efforts de l’ensemble des acteurs portuaires du Bénin à travers le guichet unique redonne le sourire au peuple. Mais pour autant, doit-on déjà baisser la garde ?

C’est au moment où l’on s’y attendait le moins que la bonne nouvelle a éclaté. Classé premier parmi ses pairs, le port de Cotonou est couronné par la médaille d’or à la 28ème conférence mondiale des ports à Los Angeles aux Etats-Unis. L’Association internationale des ports et Habres distingue ainsi la mise en œuvre réussie du guichet unique, un fleuron des réformes engagées par le port de Cotonou en vue de sa modernisation. Plus que symbolique, cette distinction est un événement qui depuis le jeudi 09 mai, a hissé Cotonou au rang des plateformes qui font parler de soi dans le monde.

Et en effet, le Bénin revenait de loin. Les dysfonctionnements notés dans la mise en œuvre de l’ambitieux programme de vérification des importations avaient fini de plomber notre port décrié et délaissé par ses clients, même naturels. Le guichet unique qui fait figure de la seule portion de ce vaste programme ayant survécu aux péripéties, ne pouvait donc pas trouver mieux que cette auréole pour reconnaître sa pertinence. En effet, il convient effectivement de saluer cette innovation technologique qui, en centralisant en amont, l’ensemble des opérations portuaires et leurs coûts, permet de retracer et de sécuriser les recettes des différents acteurs, en même temps qu’il leur fait gagner du temps.

L’exploit du guichet unique défie les pessimismes sur les réformes au port de Cotonou et indique, qu’au bout de l’effort, fleurissent les résultats.

De Joseph Ahanhanzo Glèlè à Kassim Traoré, une ligne se fait constante : celle de faire bouger le port, car des mouvements en cours au sein du poumon, dépend le pronostic vital du sujet. Aujourd’hui, l’implication personnelle du Chef de l’Etat et les diligences du ministre Djenontin montrent que le port de Cotonou est déterminé à redresser sa barre. Les résultats se font déjà visibles. Les clients reviennent, le trafic s’intensifie, et le rythme du service même se décuple.

Mais sur le tableau, les bons signes ne doivent pas cacher les mauvais car, c’est en regardant en face les ténèbres qui barrent l’horizon que le port de Cotonou ne retombera pas dans le piège de la crise. Le défi ne s’apprécie pas à court terme. Il s’agit de bâtir pour le port, et par ricochet pour le Bénin, une prospérité durable.

Dans le ciel serein qui accueille les médailles d’or et applaudit, il y a la tentation de l’inconstance du succès ; et cela place notre port au-devant de trois défis essentiels : le défi numérique, le défi technique et le défi humain.

Si c’est dans la catégorie des technologies de l’information que le Bénin s’est distingué au festival des ports, c’est paradoxalement en ce domaine que sévit, ce qui, sous les apparences d’une grippe, pourrait déjà constituer une affection respiratoire aiguë. En effet, l’instabilité de la connexion demeure un os dans la gorge du Bénin, et par ricochet du Port, qui paralyse bien souvent banques, douane, ports, manutentionnaires et commissionnaires.

A ce défi, répondent en écho les insuffisances techniques et matérielles de certains manutentionnaires dont l’outillage opérationnel fait parfois défaut pour soutenir le rythme accéléré qu’appelle le défi d’un port moderne. Il en découle parfois le dépassement des délais de séjour dans l’enceinte portuaire par les camions venus charger les marchandises, ce qui entraîne des pénalités diverses, autant de faux frais qui obèrent l’option de compétitivité du port de Cotonou, dans un environnement hautement concurrentiel.

Le défi humain emprunte hélas aussi le visage du port autonome de Cotonou. Alors que le port est censé fonctionner 24h/24, il est impérieux de réorganiser profondément après 18h30 les ressources humaines au niveau des services publics (la douane en particulier), pour rendre ce vœu plus opérationnel.

Salimane Attintaka

Spécialiste en économie portuaire

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