Suspension de l’élection du représentant des Magistrats à la Cena : Fikara dépose un recours à la Cour constitutionnelle

Karim O. ANONRIN 23 mai 2014

Le mardi dernier, les députés ont tenté d’élire le représentant du Magistrat devant siéger à la Commission électorale nationale autonome (Cena), mais en vain. La candidate en tête aux trois tours de l’élection, Geneviève Boko Nadjo, n’a pu recueillir la majorité qualifiée des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale. Ceci, conformément aux dispositions de l’article 19 du Code électoral en République du Bénin. A défaut de pouvoir élire le représentant des magistrats, le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, a laissé entendre que le bureau de l’Assemblée nationale va se réunir pour décider de la suite à donner au processus devant aboutir à l’élection du représentant des magistrats à la Cena. Avant même de procéder aux trois tours de l’élection manquée, il s’était instauré à l’hémicycle un débat portant sur la fiabilité des 3 candidats en lice à savoir les Magistrats Jean-Baptiste Aloukpé, Geneviève Boko Nadjo et Claire Houngan Ayemona. Tout particulièrement, l’attention des députés s’est focalisée sur la candidate Geneviève Boko Nadjo qui, selon certains dont l’honorable Epiphane Quenum, ne remplirait pas du tout les conditions requises par l’article 19 du Code électoral en République du Bénin. Ceci, au point où le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, a dû lire le curriculum vitae de la candidate Geneviève Boko Nadjo à la plénière. Dans ce cadre, le député Sacca-Fikara a déposé un recours à la Cour Constitutionnelle. Dans ledit recours, le député Sacca Fikara estime que ce curriculum vitae de la candidature Geneviève Boko Nadjo pose problème parce qu’il comporterait de 1992 à 2008 l’exercice de façon continue en 16 années des fonctions de Magistrat du siège. Or, toujours selon lui, le curriculum vitae fourni par la Magistrate Geneviève Boko Nadjo, ne donne aucune précision sur deux années de sa carrière à savoir de 1998 à 2000. Idem pour la candidate Claire Houngan Ayemona qui, selon le député Sacca Fikara, ne remplirait pas les conditions requises par la loi, contrairement au Magistrat Jean-Baptiste Aloupké. Toujours au cours de la séance plénière, le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, s’est opposé à la demande de certains députés de faire lire à la plénière, le curriculum vitae des deux derniers candidats cités plus haut. Enfin, le député Sacca Fikara estime dans son recours que le Président de l’Assemblée ‘’n’est pas fondé à s’opposer à la vérification par le Parlement des conditions exigées par la loi pour la candidature’’.
(Lire ci-dessous la substance du recours déposé par le député Sacca Fikara à la Cour constitutionnelle)

Porto-Novo, le 22 Mai 2014
Sacca FIKARA

Député à l’Assemblée Nationale

01 BP 1664 Cotonou

A
Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle

Objet : Recours en inconstitutionnalité du refus de
L’examen par l’Assemblée Nationale de la Légalité
de la candidature des Magistrats à la CENA.

Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de soumettre à l’examen de votre haute juridiction un recours en inconstitutionnalité du refus de l’examen par l‘Assemblée Nationale des conditions de Légalité des candidatures des Magistrats proposés par leur Assemblée Générale pour la sélection de l’un d’entre eux pour siéger à la CENA conformément à l’article 19 de la Loi n° 2013-06 portant Code Electoral. En effet, ledit article 19 dispose : « La Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) est composée de cinq (05) membres désignés par l’Assemblée Nationale. Ils sont choisis parmi les personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité, leur sens patriotique et désignées à raison de :
 deux (02) par la majorité Parlementaire ;
- deux (02) par la minorité Parlementaire ;
- un (01) Magistrat du siège.
Pour le choix du Magistrat, l’Assemblée Générale des Magistrats propose une liste de trois (03) Magistrats du siège ayant exercé de façon continue pendant quinze (15) ans au moins. L’Assemblée Nationale procède à la désignation du Magistrat par un vote à la majorité qualifiée des deux tiers (2/3) ». Cet article exige que les Magistrats proposés soient non seulement du siège, mais qu’ils aient également exercé leur profession en cette qualité de façon continue pendant quinze ans au moins. Or, toutes les demandes formulées par nombre de Députés pour que cette exigence soit vérifiée avant qu’il ne soit procédé à l’élection du Magistrat qui recueillerait deux tiers (2/3) au moins des voix, ont été rejetées par le Président de l’Assemblée Nationale soutenu par beaucoup de Députés de la majorité Parlementaire, dont nombre d’entre eux justifient leur position par le fait que ce sont des praticiens du droit qui ont fait les propositions de candidature des Magistrats. Pour justifier sa position, le Président de l’Assemblée Nationale évoque le curriculum vitae de la candidate Geneviève BOKO NADJO, qui, selon lui comporterait de 1992 à 2008 l’exercice de façon continue en seize (16) années des fonctions de Magistrat du siège. Or, le curriculum vitae fourni par ce magistrat est apparu opaque sur deux années de la carrière de l’intéressée (1998-2000) ; en effet, aucune indication n’a été précisée, ce qui ramènerait, en réalité, la carrière de ce Magistrat pour la période considérée à deux (2) tranches de six (06) ans et huit (08) ans et dont aucune des deux tranches ne remplit l a condition légale de quinze années d’exercice continu de fonction de Magistrat du siège.
De même, le curriculum vitae fourni par Madame AYEMONNA et communiqué, comme pour les deux autres candidats, par le Garde des Sceaux, montre également que ce Magistrat n’a nullement durant sa carrière quinze années d’exercice continu de fonctions de Magistrat du siège. Apparemment, c’est le curriculum vitae de Mr ALOUKPE seul qui donne une lecture conforme au Code Electoral en ce qui concerne les conditions légales de carrière pour la candidature du Magistrat aspirant à siéger à la CENA à savoir :
- La condition de durée quinze ans et
- La condition de continuité c’est-à-dire sans interruption (Vocabulaire juridique de Gérard Cornu 4ème édition Avril 2003)
En conséquence, le Président de l’Assemblée n’est pas fondé à s’opposer à la vérification par le Parlement des conditions exigées par la loi pour la candidature des Magistrats pour la CENA. Il n’est donc pas juste, comme y a procédé à tort, le Président de l’Assemblée Nationale, de rejeter toute demande des Députés tendant à examiner la conformité des candidatures des Magistrats proposés par l’Assemblée Générale de cette corporation avec les conditions du Code Electoral. La Cour Constitutionnelle étant, selon l’article 114 de la Constitution du 11 décembre 1990, l’organe régulateur du fonctionnement des institutions, la décision de la Cour permettra de réguler le fonctionnement du Parlement en cette matière spécifique.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma sincère et très haute considération.



Dans la même rubrique