Dr Richard Adandé, spécialiste en hydrobiologie et aquaculture « Les crottes de lapins sont des déchets, mais sont d’un grand atout pour la production d’alevins »

Fulbert ADJIMEHOSSOU 15 mars 2018

Face aux besoins sans cesse croissants en ressources halieutiques, l’aquaculture devient une alternative judicieuse. A travers cette interview, Dr Richard Adandé, spécialiste en hydrobiologie et aquaculture expose les possibilités de production d’alevins à partir des crottes de lapins. C’est donc une bonne manière de valoriser les déjections animales.

Avec la pollution et l’appauvrissement des cours d’eau, vous pensez que l’aquaculture est une alternative indispensable. Pourquoi ?
En réalité, il se fait qu’avec le développement démographique et économique, les besoins en protéines deviennent croissants. La pêche traditionnelle de subsistance évolue rapidement vers une pêche commerciale, avec pour conséquence une exploitation accrue des ressources halieutiques de notre pays. Dans le même temps, l’exploitation poussée des plans d’eau béninois (eau douce et saumâtre), notamment par l’utilisation excessive d’engins et de techniques de pêches illicites provoque un déclin des stocks de poissons. Il y a aussi, comme vous le remarquez, l’accélération de la pollution des milieux naturels du fait généralement des rejets agricoles, urbains et industriels qui affectent la vie des organismes aquatiques et conduit à des phénomènes d’eutrophisation.
Cette situation conduit à un appauvrissement des populations de pêcheurs alors que le poisson constitue l’une des ressources halieutiques les plus importantes pour tout être humain. Le potentiel de croissance émanant des ressources naturelles est limité et n’arrive plus à satisfaire la demande nationale en poissons qui devient de plus en plus élevée. Dans ce contexte, vous convenez avec moi que l’aquaculture devient une voie indispensable à la satisfaction des besoins en ressources halieutiques. C’est aujourd’hui une alternative judicieuse de production de poissons et de création de richesse.

Que peut-on retenir de votre thèse sur la production intensive d’alevins de Clarias à partir d’aliments produits exclusivement par fertilisation organique de crottes de lapins ?
Effectivement, dans le cadre de ma thèse en hydrologie et aquaculture sous la direction du Professeur titulaire Emile Didier Fiogbe, j’ai travaillé sur le thème « Production intensive d’alevins de Clarias gariepinus (Burchell, 1822) et de Heterobranchus longifilis (Valenciennes, 1840) avec des aliments vivants produits exclusivement par fertilisation organique à base de crottes de lapins ». C’est pour moi une manière de contribuer à la diminution des coûts de production et à la promotion de l’alevinage. En effet, bien qu’elle soit aujourd’hui une alternative comme je le disais, la pisciculture est confrontée à des problèmes. On peut citer entre autres la non maîtrise des techniques d’alimentation optimale et des conditions environnementales. La production d’aliments vivants peut se faire dans des bassins ou étangs, à partir des déjections de volaille, de vache et de porc. Ces déchets ont la capacité de libérer les sels nutritifs essentiels (surtout les composés azotés et phosphatés) dans l’eau pour la production primaire. En ce qui concerne les crottes de lapins, elles sont donc capables d’augmenter la biomasse des producteurs primaires et d’entretenir celle des consommateurs dont le poisson.

Qu’est-ce que le recours aux crottes de lapins pourrait changer ?
Les résultats obtenus montrent que le régime alimentaire complété avec Panicum maximum donne de bonnes performances zootechniques chez les lapins de race locale. Le substrat organique (crottes de lapins) issu de ce régime alimentaire constitue un meilleur fertilisant organique en termes de richesse en macroélément pour une production massive de zooplancton et de macro invertébrés benthiques d’eau douce. La dose optimale de crottes de lapin pour une bonne production zooplanctonique est de 600 g/m3 ou 1200 g/m3 de crottes de lapins sèches et de 140 g de crottes de lapins sèches/dm2 de substrat pour une production plurispécifique de macroinvertébrés benthiques d’eau douce. Les aliments vivants (zooplancton plurispécifique et macroinvertébrés benthiques) produits à base de crottes de lapin peuvent substituer l’artémia et les aliments artificiels au cours de l’élevage des larves et alevins des poissons-chats africains et de leurs hybrides. En outre, l’espèce Clarias gariepinus est la plus adaptée au système intégré utilisé ici. Cette technique de production de poissons peut réduire le coût de production avec les risques de pollution. L’essor de la pisciculture dans les milieux ruraux des pays africains en général et en particulier de notre pays le Bénin de façon durable est possible au vu des résultats de cette étude. Il est important de faire l’essai en milieu paysan afin d’évaluer la rentabilité économique en temps réel.

Donc, c’est une manière de valoriser les déchets.
Tout à fait. Les crottes de lapins, certes sont des déchets mais ce sont de très bons engrais organiques, dont l’utilisation de façon efficiente et judicieuse pourrait servir de base au développement de l’agriculture en général et de l’aquaculture en particulier. L’utilisation de ces fertilisants est une alternative nécessaire vis-à-vis des engrais chimiques qui sont sources de nombreux dégâts aussi bien pour l’environnement que pour les êtres vivants. Cela permet d’assainir le milieu écologique. Nous protégeons ainsi notre cadre de vie et nous nous protégeons.
La rationalisation de cette pratique dans la production de poissons dans les milieux ruraux contribuerait au développement de la pisciculture. En effet, la valorisation de ces fertilisants organiques d’origine animale ou végétale pourrait constituer le fer de lance du développement de l’aquaculture et principalement de la pisciculture. Dans toute la chaîne de production de la pisciculture, l’aliment occupe entre 50 et 70% des coûts de production ; ce qui devrait amener à se tourner vers la production d’aliments à faible coût et de bonne qualité, la disponibilité de la semence locale, le développement des techniques de productions efficaces dans des systèmes intégrés tout en respectant l’environnement et enfin la facilitation de l’installation des industries productrices d’aliments (vivants et non vivants) locaux.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



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