Professeur Adolphe Tchéhouali, Enseignant chercheur à l’Epac : « Les briques en terre stabilisée offrent un bon confort thermique »

La rédaction 19 janvier 2017

Les agglomérés, communément appelés briques en terre stabilisée, sont peu utilisés dans la construction au Bénin. Pourtant, ils présentent de nombreux avantages dévoilés à travers cette interview par le Professeur Adolphe Tchéhouali, enseignant chercheur à l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi. L’inventeur, détenteur d’un brevet Oapi, fait également des suggestions pour la promotion de ce matériau de construction.

Comment fabrique-t-on les briques en terre stabilisée ?
La brique en terre stabilisée est un matériau de construction élaboré en prenant la terre de barre qui est un sable argileux auquel on ajoute une faible dose de ciment, le dosage va de 3 à 8% ordinairement, au-delà, ce ne serait plus avantageux en terme de coût. Ensuite, on ajoute un peu d’eau, on mélange l’ensemble avant de mettre dans une presse mécanique qui donne la forme finale à la brique. Elle est enfin exposée et recouverte de paille ou déposée à l’ombre, le soleil n’assurant pas un rapide séchage.

Depuis quand ce matériau est-il entré dans les habitudes de construction au Bénin ?
Il faut dire qu’à un moment donné, à la faveur d’un projet allemand, on a voulu intensifier l’utilisation de ce matériau en se basant dans les zones forestières de Zogbodomey où les populations étaient habituées à faire de la déforestation. Les études ont montré qu’on peut les encourager par un habitat un peu naturel. Les allemands ont amené les presses adéquates pour permettre à ces populations de faire leur construction. L’Etat central n’a pas encouragé le mouvement par des accompagnements, en utilisant par exemple ce matériau dans le cadre des projets de construction d’écoles ou d’infrastructures sociocommunautaires. Les intellectuels continuaient eux de construire avec les briques classiques. Les populations ne comprenaient alors pas pourquoi et se disaient qu’elles sont traitées comme des inférieurs. On continue d’observer l’utilisation de façon éparse par quelques populations de façon non formelle.

Quels sont les avantages qu’offrent ces briques pour les populations ?
Il y a des avantages mesurables et d’autres qui sont non mesurables. Ce qui est mesurable, c’est tout d’abord le confort thermique, le fait de se sentir à l’aise quand on est à l’intérieur du bâtiment. C’est un véritable isolant thermique qui ne laisse pas pénétrer la chaleur comme c’est le cas des briques en mortier ordinaire. Quand on construit avec, ça donne de la fraicheur. En principe, il y a un avantage économique. Mais ce n’est pas aussi tranché parce que le coût des constituants varie dans le temps. Il faut faire des études pour déterminer ce qui est plus avantageux.

Y a-t-il un inconvénient lié à l’utilisation des briques en terre stabilisée ?
L’inconvénient majeur, c’est la durabilité vis-à-vis de l’humidité. Lorsqu’on construit en terre stabilisée, on est tenue de protéger les matériaux contre la pluie. C’est ainsi qu’on ne peut pas utiliser la terre stabilisée en sous bassement, où il y a circulation de l’eau. C’est en élévation qu’il faut l’utiliser tout en prenant les dispositions pour protéger les parois extérieures. Si on ne le fait pas bien, ce n’est pas que le bâtiment va s’écrouler. Mais ça va petit à petit se détériorer par rapport aux matériaux classiques. Ça s’abime et prend de la moisissure. Si vous laissez les parois frappées par l’eau, la durabilité peut être hypothéquée. L’apparence qui était très belle au départ, finira par se ternir. La recherche doit pouvoir se poursuivre pour l’identification des faiblesses.

Est-ce que la terre stabilisée au ciment peut être utilisée dans la construction des immeubles ?
Elle ne serait pas aussi résistante que la brique en mortier classique. Mais, cela va de soi. Tout dépend de ce qu’on veut faire et des objectifs qu’on s’est fixés. Si vous avez un projet de plusieurs étages, l’ossature doit être les organes structuraux, poteaux, poutres, poutrelles et dalle. Le remplissage serait en agglomérés, pourvu que cela puisse séparer l’intérieur de l’extérieur. On appelle ça bardage ou mur de séparation. En termes de résistance, le nombre d’étages qu’on peut construire en mortiers classiques sera naturellement plus élevé que lorsqu’on va utiliser la terre stabilisée.

Un mot pour conclure cet entretien
Compte tenu du renchérissement des matériaux de construction, avec la suppression de l’utilisation du sable marin, il y a un regain d’intérêt pour ce matériau. En principe, construire avec des matériaux de proximité, c’est un réflexe que nous devrions avoir. Si vous prenez les oiseaux ou les termites, ces bestioles ne cherchent pas leurs matériaux de construction loin de là où elles veulent construire. Aujourd’hui, nous importons presque tout à grands frais. Nous avons intérêt à reprendre les recherches pour améliorer l’utilisation des briques en terre battue et encourager les populations à s’adapter. Nous devons élaborer une technologie propre à la terre de barre qui se trouve à proximité.
Propos recueillis par Gaël AINONKPO (Stag)



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