Réhabilitation du chemin de fer Cotonou-Niamey : Le Groupe Bolloré tente d’écarter Petrolin

Angelo DOSSOUMOU 2 décembre 2013

Il y a un cafouillage sur fond de conflits d’intérêts qui couve entre les partenaires privés associés dans le projet de réhabilitation du chemin de fer Cotonou-Niamey. Un imbroglio juridique qui est bien parti pour naître de la mauvaise interprétation par le partenaire stratégique Bolloré des effets de l’accord qui le lie dans l’actionnariat de la multinationale regroupant le Bénin, le Niger, le groupe Petrolin du Bénin, un opérateur nigérien, et chargée de la réhabilitation et de la reconstruction du chemin de fer devant relier la capitale du Bénin à celle du Niger.

Des problèmes de droit se posent déjà entre les parties dans l’interprétation du mémorandum signé le 7 novembre dernier au salon d’honneur de l’aéroport de Cotonou et qui consacre la société multinationale au capital de soixante dix milliards de francs Cfa dont 10% pour chacun des deux Etats que sont le Bénin et le Niger, 20% pour leurs secteurs privés respectifs ( Petrolin pour le Bénin) et 40% pour le partenaire stratégique, en l’occurrence, le groupe Bolloré. En effet, eu égard aux documents en circulation dans les milieux financiers, tout porte à croire que seul le groupe Bolloré est chargé de réaliser le projet du chemin de fer Cotonou-Niamey au détriment du groupe Petrolin qui détient 20 % des actions de la nouvelle société et qui jusqu’à nouvel ordre est l’adjudicataire de ce projet. La preuve, depuis quelques jours, sans concertation préalable de tous les actionnaires, des documents officiels sont présentés aux bailleurs de fonds en vue de mobiliser des ressources dans le cadre du projet de chemin de fer Cotonou-Niamey. Et comme on peut s’y attendre, lesdits documents laissent croire que seul le Groupe Bolloré a en charge la réalisation dudit projet. Or, par le passé, le Groupe Petrolin qui avait initié le projet et gagné l’appel d’offres bi-étatique a, sous réserve de la convention de la mise en concession de l’Ocbn, obtenu des accords de principe de financement près de plusieurs bailleurs de fonds. Aujourd’hui, le même projet est présenté aux mêmes institutions financières par le Groupe Bolloré.

Cafouillages et manœuvres
D’où un cafouillage sur fond de conflits d’intérêts qui ne dit pas son nom et qui, si rien n’est fait pour corriger la malencontreuse conduite du partenaire stratégique Bolloré, risque fort bien d’entraîner de graves conséquences juridiques sur ce projet devant déboucher sur la concrétisation du rêve des Etats béninois et nigérien. D’ailleurs, c’est un secret de polichinelle que le mémorandum du jeudi 7 novembre sur le chemin de fer Cotonou-Niamey comporte des non-dits. En effet, dans le nouveau projet, rien n’a été défini quant au statut de la lettre d’adjudication notifiée au groupe Petrolin qui a gagné l’appel d’offres bi-étatique relatif à la réhabilitation, la construction du chemin de fer Cotonou-Dosso-Niamey et la gestion du même réseau ferroviaire. Alors, des questions restent en suspens sur la valeur de droit qu’a le mémorandum plus que la lettre de notification d’adjudication conjointe signée des Etats du Bénin et du Niger ? Mais a priori, en commençant par s’arroger tous les droits autour du projet du chemin de fer Cotonou-Niamey, comme l’indiquent les documents de présentation du projet, le groupe Bolloré fait fi de la réaction des autres actionnaires. D’ailleurs, face à la situation, le Groupe Petrolin qui a été dépouillé de son initiative ne serait-il pas tenté d’entreprendre une action contre le groupe Bolloré ? Tout compte fait, il y a des problèmes de droit qui ne sont pas réglés ni spécifiés dans le document de base qu’est le fameux mémorandum et au vu de la conduite de Bolloré, un conflit juridique n’est pas à exclure.

Un choix qui pose problème ?
Aussi, à l’allure où vont les choses, des interrogations ne manquent-elles pas sur les raisons qui ont poussé le Bénin et le Niger à opter pour la formule actuellement en cause. Les deux Etats ont-ils, dans ce dossier, assez mûri leurs choix ? Pas si sûr. Car, pour un projet de cette envergure, où tous les actionnaires doivent avoir leur mot à dire, l’impression qui se dégage est que des manœuvres sont en cours pour évincer les autres actionnaires, notamment le Groupe Petrolin. Plus grave, selon le document de présentation du Groupe Bolloré, la recherche du financement et la réalisation d’autres études vont durer au moins un an alors que la date de démarrage des travaux est normalement prévue pour février 2014. Il apparaît aisément que cette date ne peut pas être effective, surtout que c’est maintenant que le Groupe Bolloré a commencé par rechercher le financement au moment où le Groupe Petrolin affirme avoir tout bouclé et n’attendait depuis 2009 que la convention de mise en concession pour démarrer ses activités. Ce n’est donc pas la grande sérénité autour d’un projet qui tient à cœur aux Béninois et aux Nigériens. Des actes préjudiciables au projet sont d’ores et déjà posés et seuls leurs instigateurs peuvent lever un coin de voile sur leurs mobiles.



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