Docteur Adéréwa Amontcha Yabi au sujet des arbres d’alignement des voies « Ils contribuent à la réduction des accidents routiers… »

31 mai 2023

Adéréwa AMONTCHA YABI est Docteur en Géographie et gestion de l’Environnement, spécialité aménagement et gestion des espaces verts. Avec elle, découvrons à travers cet entretien l’importance des arbres d’alignement des voies sur la communauté, l’identité des espèces qu’on retrouve et les soins qu’il faut apporter.

Chaque année depuis 1985, le Bénin célèbre la journée nationale de l’arbre. Elle est souvent consacrée à la plantation d’arbres par les autorités qui invitent les populations à en faire davantage. Depuis le début de l’expérience de la célébration de cette journée, le Bénin a-t-il réussi le pari de villes vertes ?
En effet, la journée nationale de l’arbre a été instituée au Bénin depuis 1985 pour inciter et mobiliser toute la population autour du noble objectif du reboisement du territoire dans le but d’inverser la tendance de la déforestation et de la désertification. Depuis lors, structures étatiques, organisations de la société civile, entreprises, centre de formation, écoles, universités, etc. marquent cette date en organisant des cérémonies de mise en terre des milliers de pieds d’arbres d’espèces variées. Le problème, c’est que cette mobilisation nationale autour de l’arbre se limite généralement à cette seule journée de mise en terre. Les terres accueillant les arbres sont loin d’être convenablement préparées pour accueillir les plants et le suivi-entretien post plantation est très peu au rendez-vous. Les plants mis en terre sont souvent, voire toujours, livrés à eux-mêmes, et conséquemment, peu parviennent à maturité.
Alors, non ! Le Bénin n’a pas encore réussi le pari de verdissement de ces villes. Les villes béninoises, avec quelques nuances près, sont peu denses en forêts urbaines.

Quels sont les critères qui déterminent une ville verte ?
La qualification d’une ville de « verte » ne se base pas uniquement sur la présence de la végétation. Plusieurs critères font d’une agglomération, une ville verte. En effet, une ville pour être qualifiée de verte, doit répondre aux critères que sont :
  Production de sa propre énergie, notamment renouvelable (éolienne, géothermique, solaire, biomasse) ;
  Des bâtiments dotés d’une bonne isolation, réduisant considérablement la consommation en énergie ;
  Production et consommation de produits bio et locaux, simples et non transformés, limitant les importations de produits suremballés ou à usage unique, sources de déchets ;
  Mise en place de systèmes efficaces d’élimination de la totalité ou presque des déchets ;
  Recyclage et transformation des déchets organiques en composts ou biogaz ;
  Récupération, filtrage et recyclage des eaux usées en engrais organiques ;
  L’aménagement du territoire pour favoriser le transport en commun ;
  Forte densité végétale ;
  etc.

La ville de Cotonou est-elle une verte ?
Au vu des critères de villes vertes ci-dessus listés, la ville de Cotonou n’est pas encore verte. Des efforts remarquables de végétalisation, de gestion des déchets, etc. y sont faits, mais restent encore insuffisants. Même si la couverture en espaces verts de la ville est renforcée grâces aux différents projets et programmes mis en œuvre, ces espaces verts aménagés sont pour la plupart des parterres de fleurs et espaces engazonnés. Si ces derniers sont d’une attractivité indéniable, leur contribution à la purification de l’air et à la lutte contre le réchauffement climatique, est faible, en raison de leur faible biomasse aérienne. La gestion des déchets solides ménagers (DSM) de villes par la SGDS n’est pas très durable. La non régularité de la pré-collecte des déchets dans certains ménages, par la SGDS, fait que certains membres de la populations, débordés, continuent de se débarrasser de leurs DSM sur des terrains vides de la ville, majoritairement dans les bas-fonds. Aussi, le système de gestion des déchets de la ville n’intègre-t-il aucune politique de collecte sélective. Les DSM, toutes catégories confondues (plastique, carton, déchets organiques, etc.), sont collectés ensemble et enfouis sur le site apprêté à cet effet. Concernant le transport en commun, la filière est très peu organisée. L’état des véhicules utilisés par les transporteurs laisse à désirer et la surcharge pratiquée rebute plus d’un. Conséquence, les citoyens s’adonnent au transport individuel, remplissant ainsi les routes de véhicules consommant des quantités colossales d’hydrocarbures et occasionnant des rejets d’énormes quantités de CO2 dans l’atmosphère, alors le patrimoine végétal reste faible, pour les absorber.

Comment la rendre verte ?
Rendre la ville de Cotonou verte revient à corriger les faits soulignés ci-dessus. Ce qui ne sera pas une mince affaire. Pour, par exemple renforcer le patrimoine vert et donc le puits de carbone de la ville, reboiser les petits espaces vides de la ville seule ne suffira pas. De vastes étendues de forêts urbaines bien boisées sont nécessaires. De tels aménagements imposeront le relogement des milliers d’habitants de la ville et de multiples démolitions. A propos de la gestion des déchets, pour la rendre durable, il est indispensable qu’une approche de tri à la base et de pré-collecte sélective soit instituée. Une telle approche permettrait de recycler et transformer les déchets organiques en compost pour la production végétale, et en biogaz pour satisfaire les besoins des ménages. Les autres déchets peuvent être transformés en énergie électrique, à l’image de ce que fait la Suède (le numéro un mondial du recyclage), pour alimenter la ville.
Le développement du transport en commun, nécessite une meilleure organisation de la filière, avec des points de regroupements et des heures d’embarquement et débarquement fixes, de même qu’une éducation conscientisation des acteurs. Toutefois, le respect des heures d’embarquement et débarquement ne dépend pas forcément des conducteurs, mais de la fluidité de la circulation (les embouteillages). Il est utile de préciser que la redynamisation du transport en commun à Cotonou sera confrontée à une autre grande difficulté : la limitation du déplacement des transports en commun aux principales artères de la ville.

On constate qu’il y a par endroit des arbres d’alignement de voies, quels sont les rôles de ce type d’espace vert public ?
Les arbres d’alignement de voies jouent comme tous végétaux de nombreux rôles à savoir :
  La séquestration de CO2 émis dans la ville ;
  Production d’oxygène ;
  Rafraîchissement de l’air ambiant ;
  Interception de poussières et autres polluants atmosphériques ;
  Valorisation du paysage ;
  Lutte contre l’érosion, lorsqu’il s’agit des sols en pente ;
  Conservation de la biodiversité ;
  Réduction des accidents routiers ;
  Approvisionnement en nourritures et médicaments ;
  Vecteurs d’activités économiques.

Quels arbres sont plantés au bord des voies à Cotonou ?
Lorsqu’on fait le tour de la ville de Cotonou, on observe globalement les essences telles que : Khaya senegalensis ; Ficus polita Vahl ; Ficus benjamina ; Murraya paniculata ; Elaeis guineensis ; Terminalia mantaly ; Terminalia catapa ; Cocos nucifera ; Guaiacum officinale ; Terminalia superba ; Gmelina arborea ; Albizia lebbeck ; Delonix regia.

Y a-t-il une norme dans la plantation des arbres au bord des voies ?
Le choix des arbres d’alignement repose sur la nature de leurs systèmes racinaires. Il existe 04 types de systèmes racinaires : pivotant, fasciculaire, traçant et adventif. Globalement, les systèmes de racines traçants et adventifs sont évités, car leur développement latéral a de graves conséquences sur les infrastructures. Mais cette règle n’est pas toujours respectée. Il n’est pas exclu de voir des ondulations et des fissures aux pieds de certains arbres d’alignement de voies.

Est-ce que cet alignement des arbres au bord des voies suit-il une politique globale ?
A ma connaissance, la mise en terre des arbres au bord des voies fait suite aux aménagements desdites voies. Pour les voies non encore bitumées ou pavées, ce sont généralement les populations riveraines qui mettent ces arbres en terre, le long de leur clôture ou parcelle.

Comment ces arbres contribuent-ils à lutter contre le changement climatique ?
Les arbres sont des puits de carbone (stockage du CO2) tout au long de leur vie. En fonction de l’espèce, de la taille, du diamètre, de la densité de son bois, de l’espérance de vie, du climat, de l’intensité et la qualité de la lumière, de la disponibilité en eau et en minéraux, de l’état de santé, de l’âge, de la tolérance aux insectes et aux maladies, de la composition du sol, etc., ils captent le CO2 présent dans l’air. Moins de CO2 dans l’atmosphère équivaut à moins d’effet de serre, et conséquemment moins de réchauffement.

Quels peuvent être les éventuels inconvénients de cet alignement d’arbre au bord des voies ?
Les arbres d’alignement peuvent avoir comme inconvénient, la dégradation rapide des infrastructures routières, lorsqu’ils ont des systèmes racinaires traçants ou adventifs. Ils peuvent également représenter un danger pour les usagers et les riverains des voies, en ce sens que si leur suivi et entretien (taille/élagage) ne sont pas réguliers, leurs branches peuvent s’arracher et causer de graves accidents. Il est donc nécessaire que les arbres d’alignement soient suivis et entretenus régulièrement.
Réalisation : Ange M’poli M’TOAMA



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