Liberté de la presse au Bénin : Etat des lieux fait par des professionnels des médias

3 mai 2023

La 30ème édition de la journée internationale de la liberté de la presse passera et, à moins d’un miracle, rien ne changera. Ce n’est pas une prophétie mais une évidence. D’ailleurs, les réactions de la plupart des hommes des médias ne laissent place à aucune illusion. Pour ceux d’entre eux interrogés, l’état de la presse au Bénin, n’est pas du tout reluisant. Et si le tableau peint est si noir, les raisons se retrouvent non seulement dans la relation entre les organes de presse et les autorités politico-administratives mais aussi dans le fonctionnement et l’animation des médias. En somme, le piteux état des lieux décrit par les journalistes appelle à une réorganisation. Seulement, pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs, les réformes annoncées par le chef de l’Etat et pour lesquelles la Haac s’active doivent réellement crever l’abcès des maux qui rongent le fonctionnement et la liberté de la presse au Bénin. Car jadis, le Bénin occupe les premières places du classement de Reporters sans frontière (Rsf). Mais depuis quelques années, c’est à une dégringolade dans les profondeurs du classement de cette institution internationale qu’assistent impuissants, les journalistes et les observateurs de tous ordres. A l’occasion donc, de cette 30ème édition de la journée internationale de la liberté de la presse, plus que jamais, il est impérieux que les structures compétentes se penchent sur le malade nommé ‘‘presse’’ qui, si rien n’est fait, risque de mourir de sa belle mort. Pourtant, d’aucuns ont dit que c’est le quatrième pouvoir. Alors, raison de plus, pour que ce pouvoir si important pour équilibrer les autres pouvoirs ne tombe dans la déchéance et entraîne avec lui, l’Etat de droit. Enfin, nul ne peut réveiller celui qui ne dort pas et un malade qui s’ignore, autant commencer à creuser sa tombe.

Zakiath Latoundji, présidente de l’Union des professionnels des médias du Bénin (Upmb) :
« Il faut qu’on arrive à faire la démarcation entre un spécialiste de l’information et le citoyen lambda qui fait de l’improvisation »

Pour ce qui est de la situation de la liberté de presse au Bénin, globalement, elle est assez reluisante. Car, à l’heure actuelle, il n’y a pas de journaliste en prison. Pour nous, c’est un élément important et de satisfaction. Mais, comme le dit l’adage, tant qu’il reste à faire, rien n’est encore fait. On ne saurait donc se réjouir de façon extraordinaire par rapport à cette situation parce qu’il y a toujours des choses qui ne se passent pas bien. Il y a des journalistes qui sont actuellement sous convocation simplement parce qu’ils ont eu à produire des articles qui se sont retrouvés sur le numérique. Ils sont donc frappés par le code du numérique. Il est donc important d’arriver à faire en sorte que quand le journaliste se retrouve à faire usage du numérique pour la transmission de l’information, on puisse lui reconnaître sa qualité de journaliste et donc le juger en cas de délit sur la base du code de l’information et de la communication qui régit l’exercice de notre profession. C’est vraiment très important pour nous. Car, le journaliste n’est pas un citoyen lambda. Il est formé pour le traitement de l’information. Malheureusement, de nos jours, tout le monde se fait passer pour producteur d’information. Il faut qu’on arrive à faire la démarcation entre un spécialiste de l’information qui fait du numérique un moyen de transmission de l’information et le citoyen lambda qui fait de l’improvisation.
En somme, il y a encore certaines luttes à mener. Mais au regard de la situation actuelle, on peut se réjouir de ce que nos différents efforts ont payé.
Pour ce qui est de la situation des journalistes, globalement, je ne pense pas que quelque chose ait changé, surtout en ce qui concerne leurs conditions de vie et de travail. Ils sont toujours dans la précarité, car beaucoup de patrons peinent encore à payer convenablement leurs employés. Il y a beaucoup de journalistes qui ne sont pas déclarés. Même quand ils sont déclarés, les employeurs ne paient pas les cotisations. Cette situation n’est pas très agréable pour faciliter le plein épanouissement du journaliste dans l’exercice de sa profession. Il est important que les patrons comprennent combien la ressource humaine est très importante et mérite d’être valorisée au quotidien pour de meilleurs résultats dans les entreprises de presse.

Franck Ahounou, Rédacteur en chef Canal 3 : « On doit garder espoir et savoir que tout dépend de nous »

Par rapport à la journée de la liberté de la presse, la journée en elle-même, ne me pose pas de problème. C’est parce que les gens ont vu qu’il y a des aspects à revoir qu’on célèbre cette journée chaque année pour raviver la flamme autour de ce métier noble et préserver les droits des journalistes.
Ici au Bénin et dans certains pays africains, je pense que cette liberté est éprouvée pour deux ou trois raisons. La première, c’est que, dans notre rang, il y en a qui ont banalisé cette profession. On ne fait plus du journalisme, mais plutôt de la communication à outrance. Si celui pour qui on communique aujourd’hui, ne parle plus demain le même langage que vous, vous n’avez plus la liberté de critiquer cette personne, si elle arrivait à tomber dans des déviances. Dans ce cas, on est lié, et cela devient un problème.
La deuxième chose concerne les gouvernants. Un journaliste ne peut pas rester sans collaborer avec ces autorités. Il s‘agit de l’accès aux sources d’informations. Ce qui devient de plus en plus difficile. D’abord, les gens ont peur de parler. Il y a une certaine hostilité vis-à-vis des journalistes. Cela rejoint ce que j’ai dit, parce qu’il y a des journalistes qui ne se comportent pas bien, qui ne prennent pas le métier au sérieux et ils se mettent dans tout. On ne peut pas tout mélanger.
La troisième raison, ce sont les problèmes économiques. Celui qui n’est pas économiquement indépendant ne peut avoir aucune liberté. Depuis la survenance de la Covid-19, et même avant cela, les mesures prises ont plombé l’économie du pays. Les organes de presse sont devenus très faibles. A partir de ce moment, les gens ont commencé à chercher des voies et moyens pour s’en sortir. Parfois en cherchant des solutions, ils tombent dans des travers qui les obligent à se taire devant des situations données. Or l’entreprise de presse fonctionne comme toute autre entreprise. Je veux parler des charges du personnel, les charges liées à l’administration, l’électricité, les impôts et autres. Face à tout cela, les gens sont obligés de redimensionner les rôles ou la vocation des journalistes.
Cependant, on doit garder espoir et savoir que tout dépend de nous. Il y a des journalistes qu’on traine devant la justice pour certains faits. Parfois, vous avez envie de les défendre, mais vous ne pouvez pas. Parfois, on sent qu’il y a de l’excès du côté de ceux qui intentent ces procès. Mais nous devons rester vigilants. C’est un métier qui est à la fois passionnant et délicat.

Is Deen Tidjani, Boulevard des Infos : « Plusieurs professionnels des médias, à la date du 3 Mai, attendent encore leur salaire du mois passé »

‘‘En République du Bénin, la presse n’est pas encore libre. Je suis navré de présenter la situation ainsi, mais c’est une triste réalité. Que ce soit sur le plan économique, organisationnel ou structurel, nous acteurs de la presse béninoise sommes encore bien à des années-lumière de la liberté à laquelle nous aspirons. Je ne conçois pas qu’on nous parle de liberté de la presse dans notre pays, pendant que certains s’organisent comme ils peuvent, pour priver les professionnels des médias de la carte nationale de presse depuis plusieurs mois. Nombreux sont les acteurs des médias qui attendent depuis bien des mois cet outil de travail, mais qui sont confrontés au silence des instances compétentes.
Comment peut-on nous parler de liberté de presse pendant que beaucoup de professionnels des médias ne vivent pas décemment, ou du moins, n’ont pas le minimum pour vivre de leur métier. Plusieurs professionnels des médias, à la date du 3 Mai, attendent encore leur salaire du mois passé. Peut-on honnêtement parler de liberté de presse, un souhait que nous appelons de tous nos vœux, pendant qu’ils s’en trouvent certains qui éprouvent du plaisir à torturer psychologiquement des professionnels des médias à travers des allers et venues entre leur domicile et les tribunaux ? Peut-on réellement parler de liberté de la presse au Bénin quand on autorise certains promoteurs d’organe de presse à juste faire une déclaration pour démarrer leurs entreprises, pendant que d’autres sont astreints à la signature d’une convention avec l’instance de régulation des médias au Bénin. Convention dont la signature est attendue depuis plusieurs années (2021) par nombre de promoteur de médias en ligne. Quand je prends en considération toutes ces données, il n’y a pas encore de liberté de presse, selon moi. Mon souhait est que les choses changent dans le bon sens pour qu’il y ait véritablement une liberté de presse.’’

Bachirou Assouma, Dp La Tribune de la Capitale : “La liberté de presse a fortement reculé dans notre pays ces dernières années... Les journalistes béninois vivent dans la précarité”

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François-Xavier NOUMON, journaliste E-télé : « La liberté de presse dans notre pays est une œuvre à parfaire »

« Je considère que la liberté de presse dans notre pays est une œuvre à parfaire constamment surtout que la profession est aux prises avec une compréhension ou encore la mésinterprétation du fameux code sur le numérique qui tend quelque peu à ériger des pièges dans lesquels certains confrères sont tombés en usant de leur droit d’informer. Je pense qu’il y a une clarification à faire à ce niveau. La liberté de presse est forcément contrainte si le professionnel des médias n’arrive pas à travailler dans un environnement épanouissant ou s’il travaille dans une certaine précarité. Donc un gros effort est à faire de ce côté, une réforme en profondeur est à entreprendre. Il faudra aussi réinventer nos faîtières pour qu’elles prennent réellement en compte les aspirations des uns et des autres et qu’elles soient des partenaires crédibles pour les pouvoirs publics à même d’influer sur les politiques publiques affectant notre secteur. C’est un effort d’ensemble au niveau des garanties juridiques à avoir pour que le professionnel des médias puisse travailler en toute liberté et en toute responsabilité, même si la responsabilité du journaliste doit pouvoir être engagée sans crainte de peines restrictives de liberté tel que le prévoit le code de la communication. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à entreprendre. Autant les journalistes doivent faire de plus en plus preuve de responsabilité en respectant les lois de la République et essayer de se réorganiser pour être des partenaires crédibles pour les décideurs afin que nos conditions de travail et de vie soient une priorité, d’où l’impératif de réinventer nos faîtières pour qu’elles ne constituent plus matière à moqueries ou à banalisation. Vivement que cette journée nous permette d’avancer sur ce chantier afin que nous ayons un environnement plus propice et plus responsable de la profession ».

Josué Fortuné MEHOUENOU, journaliste au quotidien La Nation : « L’exercice du métier de journaliste se heurte à des obstacles inhabituels »

Le thème de la célébration de la Journée mondiale de la Liberté de presse cette année rappelle combien le droit des médias à la libre expression est fondamental pour garantir tous les autres droits. Cela illustre combien menacés nous sommes lorsque la presse est bâillonnée. La vérité aujourd’hui, c’est que la liberté de presse connait un net recul sans que cela n’émeuve grand monde. De manière formelle ou informelle, il émerge des législations, des méthodes pour faire obstacle à la libre activité des journalistes. La censure se dévoile et se déploie sans frissons ni peur pendant que l’espace pour l’exercice de l’activité journalistique se rétrécit.
S’en prendre aux journalistes, c’est s’en prendre à l’information, donc à la vérité et laisser ainsi la désinformation et l’intox prendre place et faire la loi. Depuis peu, l’exercice du métier de journaliste se heurte à des obstacles inhabituels qui ne sont pas de nature à promouvoir la liberté d’expression, encore moins à la rendre accessible comme droit fondamental et reconnu. Des restrictions, pour des motifs précis aux interdictions sans motif, tout y passe. Pourtant sa garantie et son respect favorisent l’émergence d’une société ouverte, tolérante et respectueuse de l’état de droit.
Pour en revenir à notre pays, il est logé dans le classement 2022 de RSF à la 121è place sur 180 pays, soit un rang avant la Jordanie et un rang après le Kazakhstan. Un tel score appelle à des réflexions quand on sait qu’il n’y a pas si longtemps, nous étions parmi les pays les mieux vus en matière de liberté de presse.
Notre action en tant que professionnels des médias doit tendre vers un meilleur exercice de notre métier à travers des pratiques qui nous honorent et nous distinguent comme personnels au service de la vérité et de la bonne information. Mais pour cela, il nous faut aussi un cadre épanouissant sur tous les plans pour façonner un avenir de droits, la liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’Homme ».

Serge ADANLAO, DP Le Matinal : « Il n’y a pas de journaliste emprisonné »

« La liberté de la presse au Bénin est effective, parce qu’à l’heure où nous parlons, il n’y a pas de journaliste emprisonné pour avoir opiné sur quelque sujet que ce soit. On me dira peut-être que le code du numérique est appliqué aux journalistes et qu’on n’arrive pas à faire la démarcation entre un journaliste qui écrit dans son journal et celui qui publie les écrits de son journal sur internet car celui-ci peut se retrouver devant les juridictions. Nous devons nous imprégner des dispositions légales et savoir à quoi nous en tenir. Ce débat entre code du numérique et code de l’information fait rage et le journaliste est jugé comme un citoyen ordinaire. Nous appelons le législateur à revoir les dispositions du code du numérique afin que la démarcation entre le journaliste et le quidam soit faite.
Récemment le chef de l’Etat a évoqué les réformes à engager pour ennoblir la corporation. Il va falloir que ces réformes puissent permettre aux professionnels des médias d’exercer dignement leur métier ».

Joseph-Perzo ANAGO, DP de La Dépêche : « Une chape de plomb guette en permanence les professionnels des médias »

« En dépit de la panoplie de textes légaux visant à garantir la liberté de la presse dans le pays, le paysage médiatique Béninois est resté, hélas, méconnaissable du fait des assauts subis. Une chappe de plomb guette en permanence les professionnels des médias qui osent effectivement exercer le métier dans les règles de l’art.
Bien que garantie par la Constitution, consacrée par le Code de l’information et de la communication et qui plus est, protégée par la loi organique sur la HAAC, la liberté de la presse est constamment mise à mal au Bénin. Tout le cadre légal qui la régi est régulièrement contourné pour s’attaquer aux journalistes à travers le Code du Numérique. Ce dernier est utilisé pour "contraindre" les professionnels des médias qui exercent en ligne ou qui utilisent les réseaux sociaux pour publier des informations.
A preuve, depuis 2016, du fait du nouveau régime dit de la « Rupture », le quatrième pouvoir au Bénin a connu une violente métamorphose qui lui impose de fortes mutations et ébranle ses fondations ainsi que l’existence même de nombreux organes de presse. Le pays connaît depuis lors une dégringolade vertigineuse dans les classements mondiaux de RSF, en passant de la 78ème à la 114ème pour s’adjuger la 121ème place en l’espace de 6 ans (2017-2022).
De 2016 où le Bénin était classé 23ème à nos jours, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Aujourd’hui, nombre de journalistes sont sous la hantise d’écoper à tout moment, des peines privatives de liberté. L’auto-censure s’invite dans la pratique professionnelle au risque de priver le public de son droit à l’information ».

Nelie DODJINOU, journalise à Cristal News : « Je garde l’espoir que la presse retrouvera sa liberté »

« Exercer le métier de journaliste au Bénin devient de plus en plus difficile surtout quand vous êtes un journaliste d’opinion et surtout êtes respectueux de la déontologie et de l’éthique dans les médias. N’allez pas investiguer sur des sujets qui écorchent les autorités, vous risquez la détention. Rester objectif est quasiment impossible, car être journaliste au Bénin revient à se désintéresser de l’actualité politique.
Libre ?? Les journalistes béninois ne le sont plus dans l’exercice même de leur fonction déjà dans la manière de penser, dans l’écriture des papiers jusqu’à la livraison des informations. Il ne leur reste que de la communication.
Le journalisme est au service de la communauté, donc chaque dénonciation, ou avis donné ; est pour permettre aux différents acteurs de corriger le tir.
En ce jour de la liberté de presse, liberté s’il y en a encore, j’ai une pensée pour tous ces confrères et consœurs qui malgré les risques de plus en plus grands, exercent leur métier.
Malgré tout ce tableau sombre, je garde l’espoir que la presse retrouvera sa liberté. Et cette liberté, il revient à nous professionnels des médias de l’arracher des mains de ceux qui la confisquent à travers notre capacité à réinventer la presse béninoise. Une presse libre, j’y crois encore ! »

Vincent AGUE, journaliste Web à l’Ortb : « Les journalistes doivent se réinventer et trouver leur place auprès du public »

« Parler de l’état de la liberté de la presse au Bénin, à mon avis ne devrait plus se limiter à ressasser les éternelles entraves à l’exercice libre de leur profession par les acteurs des médias. Certes, oui, ces entraves ne sont pas à négliger, elles sont de divers ordres, légal, réglementaire, économique, sécuritaire... Mais, de mon point de vue, un élément fondamental qui donnerait un contenu à la liberté de la pression et son exercice, c’est l’impact du travail des médias sur la société. Là-dessus, j’ai la faiblesse d’estimer que notre société est de moins en moins attachée et accrochée par le travail des médias. J’observe qu’en lieu et place, ce sont des acteurs sans statut juridique en matière d’information, je veux dire des non professionnels qui, à travers la liberté de parole favorisée par les réseaux sociaux, exercent un effet certain au quotidien sur la vie des gens. Ce n’est certainement pas mauvais en soi, sauf que la désinformation n’en est jamais loin. C’est alors que le travail professionnel des médias doit entrer en jeu. Mais il ne devrait pas se contenter de ce rôle de pompier. En clair, je pense que les journalistes, au Bénin, doivent tirer les meilleures leçons de cette concurrence pour se réinventer et trouver leur place auprès du public ».

Soubérou Moudachirou, Rédacteur en chef du journal L’autre quotidien :
« Il y a toute une floppée de titres dont les responsables n’arrivent pas à assumer les obligations qui sont les leurs »

Comme vous le remarquez, l’état de la presse au Bénin, n’est pas reluisant d’autant plus que quand on prend un seul pan, ne serait-ce que celui qui concerne les animateurs des médias au Bénin je ne pense pas qu’à ce jour ce soit la joie dans leurs différents cœurs. Du coup s’il y a lieu d’établir par rapport à ce volet, nous constatons que l’état de la presse au Bénin n’est pas reluisant car très peu de ses acteurs parviennent à vivre décemment de la profession. Un autre pan de l’état de la presse, c’est qu’on remarque qu’au Bénin, nous avons une multitude de titres mais pour cela il ne faut accuser personne sinon s’accuser nous-mêmes car il y a toute une floppée de titres dont les responsables n’arrivent pas à assumer les obligations qui sont les leurs. Ainsi, nous avons des types ou des formes d’entreprises de presse qui en réalité n’en sont pas une. Nous avons très peu d’entreprises de presse au Bénin. C’est une autre caractéristique de l’état de la presse et je sais que vous voulez parler de la journée internationale de la liberté de la presse. Abordant ce volet, je dirai que le Bénin vit cette réalité car la liberté de presse n’est pas pour autant compromise au Bénin sauf qu’elle est vraiment recadrée par un certain nombre de dispositions légales qui obligent ou empêchent d’aller contraindre les journalistes un peu dans l’exercice de leur profession. Je veux citer par exemple le code du numérique, le code de l’information et certaines autres lois qui régissent le secteur des médias au Bénin. Grossomodo, la liberté de la presse n’est pas pour autant en péril au Bénin mais la réalité est que les acteurs des médias ne vivent pas de leur métier.

Léandre Akodédassa, Le Routier : « Les gens n’ont plus besoin aujourd’hui de la presse, il suffit d’acheter de crédit et on lit tout sur WhatsApp »

Le constat est là, qu’on soit acteurs ou non, que la presse qui jadis a fait son petit bonhomme de chemin au Bénin n’est plus la même chose. Les choses ont changé en mal aujourd’hui. La presse est reléguée au dernier rang et plus personne ne s’y intéresse parce que le terme est galvaudé et chacun y va à sa manière. C’est pour ça qu’aujourd’hui vous voyez une floraison d’organes ou carrément des titres, la une que les gens publient surtout avec l’avènement des réseaux sociaux. Cela fait que n’importe qui se lève aujourd’hui et on devient journaliste. Or pour être journaliste, c’est bien défini et les critères sont bien clairs pour celui qui est appelé homme de la presse. Aujourd’hui rien n’est respecté, chacun écrit comme il veut. Je donne comme exemple l’explosion de la soute à munition à Toffo. Déjà, c’est une dame qui balance un audio pour dire que tous les gens de Toffo sont morts. J’étais là-bas mais ce n’était pas comme elle le disait dans son audio. Les gens n’ont plus besoin aujourd’hui de la presse, il suffit d’acheter de crédit et on lit tout sur WhatsApp.
Il y a lieu que le milieu soit assaini et c’est au niveau des acteurs que nous sommes, qui animons de façon sérieuse cette corporation. Nous devons nous organiser parce qu’il y a trop de brebis galeuses en considérant ce qui passe sur le terrain où on n’est pas invité mais on débarque et on est prêt à se battre parce que celui qui a organisé peut-être son événement ne l’a pas pris en compte.
L’information se transforme en désinformation si bien qu’aujourd’hui plus personne ne fait la différence entre l’information et l’intoxication. Le problème est au niveau des acteurs parce qu’on n’est pas organisés. J’ai toujours dit qu’on ne crée pas un journal pour avoir les subventions. Le journal est créé pour donner des informations pour travailler puisque c’est en travaillant et en y mettant du sérieux, en passant des informations crédibles, en faisant des investigations qui vous donnent des informations qui sont fondées, que les gens viendront vers vous pour demander des publications. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Le principe cher pour réorganiser la presse, il faudrait que ceux qui sont responsables au niveau de nos faitières soient des gens qui sont encore dans le mouvement de l’animation de cette presse. Si ce sont des gens qui ne sont plus dans la pratique qu’on choisit pour diriger les faitières, ça va être difficile. On ne peut pas avoir une belle vision des décisions qui vont prendre tout le monde en compte. Il faut qu’on sente que ceux qui sont dans les organes faitières soient des gens qui sont encore là et qui exercent encore, ainsi ils vont mener de bonnes réflexions.



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