Editorial : Apaiser les tensions religieuses

Moïse DOSSOUMOU 31 janvier 2017

Une fois de plus, le préfet du Littoral est au cœur d’une polémique. Dans son élan, Modeste Toboula a posé ses pas là où il ne fallait pas. Faisant suite à la décision gouvernementale d’interdire l’occupation des voies publiques à des fins religieuses, le préfet a débarqué le vendredi 20 janvier dernier, sous escorte militaire et policière, à l’heure de la prière, à la mosquée de Cadjèhoun, pour intimer l’ordre aux musulmans de libérer, hic et nunc, la voie publique. Cet acte, dont il n’a pas mesuré la portée, continue de soulever des vagues. Comme s’il n’avait que faire des conséquences de ses actes, le préfet a récidivé une semaine plus tard en postant, cette fois-ci, des contingents de policiers aux abords de certaines mosquées très fréquentées de la ville de Cotonou. En courroux, les fidèles musulmans ont accusé le coup sans verser dans l’excès comme le préfet.
Ce double affront fait à la communauté musulmane alimente les passions. Certes, si le gouvernement veut mettre un terme aux prières musulmanes sur la voie publique, des concertations avec l’Union islamique du Bénin suffisent amplement pour corriger la situation. Les sorties précipitées des ministres de l’Intérieur et de la Justice sont loin d’apaiser les esprits. L’interdiction faite aux pratiquants des autres religions d’exprimer publiquement leur foi n’est pas la solution à ce problème. Il y a que les musulmans se sentent humiliés et offensés dans leur amour-propre. Quand le cœur s’échauffe pour des questions de culte, la raison disparaît pour faire place à la passion. Et bonjour les dégâts ! Si elle est utile dans bien de cas, la force publique n’est pas propice à toutes les interventions de l’Etat pour faire régner l’ordre. Sur ce coup comme sur bien d’autres d’ailleurs, le préfet a manqué de tact.
Le mal est déjà fait et il faut maintenant, au nom de la consolidation de la paix, trouver une solution rapide à la question de la prière musulmane. Il y a tout juste quelques mois, dans ce même pays, les musulmans ont vu le chef de l’Etat s’impliquer à fond dans le conflit protestant. Pour que les frères de cette obédience religieuse acceptent de fumer le calumet de la paix, des postes ont été octroyés aux protagonistes, les fonds publics ont été mis à contribution et l’Etat a servi de caution à la réconciliation. Cela s’est passé en plein jour, au vu et au su de tous. Après avoir fait tout ça, lorsqu’on brutalise les musulmans de cette manière-là, sans aucun égard pour leur foi, on enfouit dans le terreau de l’inconséquence, les germes de la division et des conflits interreligieux. Leur refuser avec brutalité l’utilisation momentanée de l’espace public peut-être perçu comme un mépris.
Au point où on en est, ce conflit qui prend timidement de l’ampleur dépasse la personne de Modeste Toboula. Le chef de l’Etat est appelé à rencontrer au plus tôt les dignitaires musulmans pour calmer ce dossier avant qu’il ne prenne des proportions inquiétantes. Dans l’hypothèse funeste où d’éventuelles répressions policières occasionneraient ne serait-ce qu’un mort, il serait presque impossible pour les pouvoirs publics de reprendre le contrôle de la situation. Le ton monte dangereusement et il faut d’ores et déjà apaiser la tension. Ce dont les Béninois rêvent, c’est de meilleurs lendemains et non de conflits inutiles. Allons à l’essentiel au lieu de jouer avec le feu.



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