Editorial : Gnonnas Pedro : la mémoire oubliée !

Moïse DOSSOUMOU 13 août 2014

Il s’appelait Pierre Sossou Gnonnan. Célèbre sous le nom de Gnonnas Pedro, ce monument de la musique béninoise, parti trop tôt pour l’éternité, a laissé un grand vide dans le cœur des mélomanes. En achevant sa course ici-bas le 12 août 2004, rongé par la maladie, il laissait dans la tristesse et le désarroi, enfants, parents et amis ainsi que des milliers de fans qui ont su puiser à la source de ses œuvres le réconfort tant recherché en ces jours-là.
Sa discographie, riche et variée, est le témoignage de l’immensité et de la densité du créateur chevronné d’œuvres de l’esprit qu’il fut. Sa musique d’une richesse incontestable a été consacrée essentiellement à la promotion de deux rythmes : la salsa et le agbadja. Ce dernier en l’occurrence, prisé dans son Mono natal, lui permettait de jeter fièrement et avec prestance son pagne à l’épaule, un peu comme pour revendiquer son africanité. Patriote jusqu’au bout des ongles, il s’est évertué de son mieux à hisser haut le drapeau national lors de ses déplacements à l’étranger, notamment au sein du groupe Africando où il atteint le sommet de sa carrière.
Dix ans après sa disparition, Gnonnas Pedro n’a pas bénéficié de la même sollicitude de la part du peuple béninois. La résidence Tognivia de Lokossa qu’il a bâtie et dans laquelle reposent ses restes végète piteusement dans un état délabré. Le musée qu’il a voulu créer en ces lieux ne sera qu’un rêve fugace. Aucun intérêt conséquent n’a été accordé à ce projet qu’il chérissait de son vivant. Ses proches, ses fans et même les pouvoirs publics n’ont pas cru devoir poursuivre l’œuvre entamée. Et pourtant, que n’a-t-il pas fait pour son pays ?
A défaut d’un conservatoire, d’une place publique, d’une avenue, d’une école de musique ou même d’une statue érigée en son nom, la restauration de cette résidence à des fins de lieu de souvenir où ses œuvres seront exposées pour la postérité est le moins qu’on puisse faire en hommage à sa mémoire. Une portion congrue du milliard culturel âprement disputé par les artistes suffit amplement pour restaurer sa mémoire.
La vive émotion ressentie lors de ses obsèques et les multiples discours bienveillants prononcés en cette occasion n’étaient que du vent. Dix ans plus tard, il faut bien admettre la vérité. Les promoteurs des bonnes intentions ont disposé du temps nécessaire pour accomplir ne serait-ce qu’une infime action en hommage à sa mémoire. Au Bénin, l’indifférence est un plat copieusement servi à ceux qui ont marqué positivement l’histoire du pays. Gnonnas Pedro n’a pas échappé à ce triste sort. Mais puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, gageons que la prochaine décennie ne sera pas aussi terne que la précédente.



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