Editorial : L’aversion pour l’opposition

Moïse DOSSOUMOU 24 novembre 2015

Les animateurs de la vie politique béninoise ont une aversion prononcée pour l’opposition. Dans leur entendement, c’est une malédiction que d’en faire partie. Depuis l’avènement du renouveau démocratique, la plupart des partis et alliances de partis ont bataillé dur pour se ranger du côté du pouvoir. Peu importe qu’ils épousent les principes et idéaux défendus. L’important est de rester près de la marmite. Comme cela, munis de la cuiller ou de la louche selon le cas, ils pourront y puiser à volonté pour satisfaire leurs appétits dont la voracité n’a d’égale que leur désamour pour la patrie.
Le Parti du renouveau démocratique (Prd) et la Renaissance du Bénin (Rb) apparaissent ainsi comme les exceptions les plus évidentes qui confirment la règle. Le Prd notamment est le parti qui a le plus séjourné dans l’opposition ces vingt dernières années. Justement, cela commence par faire beaucoup. Les responsables de cette formation politique, tout comme les militants les plus engagés, songent sérieusement à composer avec le prochain régime, peu importe la tête de celui qui accèdera à la magistrature suprême. C’est cette volonté de plus en plus manifeste, cette envie de plus en plus prononcée qui fait que ce parti, le plus important du moment, en termes de représentativité à l’Assemblée nationale, joue à fond la carte de la prudence dans la perspective de la présidentielle dont le premier tour est fixé au 28 février prochain.
Tout comme le parti arc-en-ciel, les autres formations politiques, qu’elles soient de la mouvance présidentielle ou de l’opposition, veulent se retrouver du bon côté au terme de ce scrutin. Une idée largement répandue au sein de la classe politique béninoise considère en effet comme une déchéance que de se retrouver au mauvais endroit après ce scrutin très attendu. C’est d’ailleurs la perspective de se retrouver dans les bonnes grâces du prochain chef de l’Etat qui explique le fait que l’immense majorité des politiciens évoluent à pas de tortue, pesant et soupesant les offres qui leur sont adressées. Dans leur entendement, l’erreur n’est pas permise. En aucun cas, il ne faut rater le coche.
Il est donc à craindre que la recomposition de la classe politique qui sera effective dans les tout prochains mois consacre l’ère de la pensée unique. Si tous les partis fuient l’opposition, qui se chargera d’apporter la contradiction et de relever les travers du prochain régime ? Une démocratie à sens unique n’en est pas une. C’est inimaginable que dans un tel régime, du reste ardemment voulu par les Béninois, qu’il n’existe qu’un seul son de cloche. La ruée de tous dans les rangs de la mouvance présidentielle est l’expression même de l’échec de notre système partisan. D’où l’impérieuse nécessité de procéder à sa réforme, notamment par l’instauration d’un financement public des partis politiques. Tant qu’on refusera de voir la vérité en face, nos politiciens, qualifiés à tort ou à raison de médiocres, se comporteront toujours comme des enfants pressés de se rassembler autour du gâteau national pour prendre leur part.



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