Editorial : L’échec des politiciens

Moïse DOSSOUMOU 1er septembre 2015

Boni Yayi avait vu juste. Lorsqu’il déclarait au cours de sa longue diatribe le 1er août 2012 que la classe politique nationale était marquée du sceau de la médiocrité, les idéalistes avaient cru qu’il exagérait une fois de plus. A l’époque, nullement choqués par ces propos, les intéressés, indifférents à cette remarque avaient purement et simplement continué le cours de leur existence sans aucune réaction d’orgueil. Trois ans après, les faits donnent raison au chef de l’Etat. A six mois de la présidentielle, les animateurs de la vie politique, toutes tendances confondues, tournent en rond. A part quelques-uns qui osent afficher leurs ambitions, la plupart refusent de se jeter à l’eau.
Il y a tout juste quelques mois, l’idée de l’accession en avril prochain d’un homme politique bon teint à la magistrature suprême était largement répandue dans le landerneau politique. Les prétendus candidats, rassérénés par la tendance en vogue, caressaient avec insistance le rêve secret de démentir enfin la fameuse exception béninoise. 2016 était le bon moment pour rompre avec le mythe de l’oiseau rare. On en était là lorsque patatras… Sitôt après la résurrection de l’opposition à l’Assemblée nationale, miracle opéré en mai dernier, des langues ont commencé par se délier annonçant la candidature à la prochaine présidentielle de Patrice Talon. Au fil des jours, la rumeur est devenue réalité, ou presque.
Ce fut le branle-bas dans les états-majors de la plupart des candidats et certains se bousculent déjà à sa porte. Cette intention prêtée à cet opérateur économique devenu célèbre malgré lui ces dernières années, suscite des ambitions nouvelles. Il pourrait être rejoint dans cette aventure à risque par Sébastien Ajavon, homme d’affaires à succès, non moins célèbre. Pendant ce temps, le Parti du renouveau démocratique (Prd) qui brille actuellement de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, se fait désirer dans la désignation de son candidat tout comme l’Union fait la nation dont les primaires devraient départager Emmanuel Golou et Eric Houndété. La Renaissance du Bénin sera certainement dans la course avec Léhady Soglo ou Luc Atrokpo comme porte-flambeau. Quid des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), qui elles aussi font durer le suspense. Excepté Abdoulaye Bio Tchané, Robert Gbian, Pascal Irenée Koupaki et Fernand Amoussou, pour ne citer que ceux-là, les autres poids lourds de la scène politique jouent à merveille les prolongations.
En fait, aucun parti ou regroupement de partis ne peut à lui seul conquérir le pouvoir d’Etat. D’où l’incontournable jeu des alliances. Mais il faut croire que cette option ne peut franchement prospérer si Patrice Talon et Sébastien Ajavon, deux poids lourds de la vie économique nationale et bras financiers de la plupart des acteurs politiques, se jetaient effectivement à l’eau. Il n’en fallait pas plus pour que Boni Yayi, le week end dernier à Parakou, s’autoflagelle. « Que ce soit des opérateurs économiques qui régentent les politiciens, qui régentent nos institutions politiques, cela veut dire qu’on a échoué ». Un aveu d’échec à étendre à tous les animateurs de la classe politique.



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